Sans la chaîne KBC, menacée de fermeture, le rachat du groupe El-Khabar par l’homme d’affaires Issad Rebrab n’a plus la même signification.
En décidant de faire le ménage dans les chaînes de télévision offshore, le Premier ministre Abdelmalek Sellal a offert une porte de sortie inattendue au milliardaire Issaad Rebrab, empêtré malgré lui dans l’affaire du rachat du groupe de presse El-Khabar auquel s’oppose le gouvernement. Cette issue permet au patron de Cevital de se retirer d’un dossier complexe, sans perdre la face, alors que la poursuite de la confrontation risquait d’être préjudiciable pour lui comme pour le gouvernement.
M. Rebrab s’était porté acquéreur de la quasi-totalité du groupe El-Khabar, comprenant le quotidien, plusieurs imprimeries, des biens immobiliers et une chaîne de télévision, KBC. Le ministre de la Communication Hamid Grine avait lancé une action en référé contre cette acquisition, affirmant que la loi ne permet pas à une même personne morale de détenir plusieurs journaux. La défense de M. Rebrab avait rétorqué que le groupe El-Khabar a été racheté par une société autre que celle qui détient le quotidien Liberté. De plus, M. Ali Haddad, homme d’affaires proche du gouvernement, n’a jamais été inquiété, alors qu’il détient deux quotidiens et une chaîne de télévision.
L’affaire, jugée en référé, a été reportée plusieurs fois. Mercredi 25 mai, le juge a encore une fois décidé de la reporter au 8 juin.
Pression sur les chaînes grises
Ces reports successifs permettaient clairement de gagner du temps, en vue de trouver une solution qui ne lèserait pas M. Rebrab, tout en permettant au clan au pouvoir d’imposer ses choix.
Mardi 24 mai, lors d’une cérémonie de destruction de matériel audiovisuel piraté, le Premier ministre a demandé au ministre de la Communication de faire le ménage dans le monde des chaines offshore : il s’agit d’une cinquantaine de chaînes de télévision émettant à partir de l’Algérie, mais basées à l’étranger, selon un artifice complexe permettant aux autorités de maintenir une forte pression sur l’audiovisuel tout en ouvrant le secteur aux groupes « amis ». M. Sellal a accusé ces chaînes de « franchir la ligne rouge », de recourir à l’insulte et à la diffamation, et de pas respecter les valeurs du peuple algérien.
Seules cinq chaînes ont reçu une autorisation administrative pour travailler. Les autres sont tolérées, et maintenues ainsi dans un ghetto gris, ni légales ni clairement illégales, une situation favorable pour les mettre au pas à tout moment. La chaine KBC en fait partie.
Un répit jusqu’au 8 juin
Une interdiction d’émettre adressée à la chaîne KBC permettrait à M. Rebrab de rouvrir la négociation sur la transaction de départ. Sans sa chaîne de télé, le groupe El-Khabar n’aurait, en effet, pas la même valeur, même si la chaîne de télévision est encore déficitaire.
La manœuvre risque aussi d’avoir un effet pervers : elle ouvrirait une brèche entre M. Rebrab et les anciens propriétaires du groupe El-Khabar -ses journalistes-, qui sont restés jusque-là solidaires avec le patron de Cevital dans leur volonté commune de faire aboutir la transaction.
En tout état de cause, en reportant de nouveau le procès pour le 8 juin, la justice donne un délai supplémentaire aux émissaires de différentes parties pour trouver un accord qui éviterait une confrontation trop brutale.