Pour l’auteur de cette contribution,la vision des énergies renouvelables que défend le ministre de l’Energie est particulièrement réductrice : celles-ci permettraient d’allonger la durée de vie de réserves disponibles de « trois ou quatre années ».
Noureddine Boutarfa n’est pas le ministre de l’Energie qui fera faire un bond aux énergies renouvelables en Algérie. Son manque d’enthousiasme, déjà visible lorsqu’il était à la tête de la compagnie Sonelgaz, transparait à travers les déclarations faites au cours de conférences de presse ou d’émissions depuis qu’il a été nommé à son poste.
Certes, M. Boutarfa tient un discours convenu sur la nécessité de développer le secteur. Mais il insiste tellement sur les difficultés techniques, administratives, économiques et financières, que ses propos montrent clairement que le renouvelable ne figurera pas dans ses priorités. Il reprend le discours officiel sur la nécessité de « sortir d’une économie basée sur les hydrocarbures pour aller à une économie diversifiée ». Les énergies renouvelables et les TIC font partie du package, dit-il. Sa vision des énergies renouvelables est particulièrement réductrice : celles-ci permettraient d’allonger la durée de vie de réserves disponibles de « trois ou quatre années ».
Le programme officiel du gouvernement, validé en mai 2015 par un conseil des ministres, prévoit, d’ici 2030, une production de 22 gigawatts d’électricité à partir de sources renouvelables destinée au marché intérieur, et 10 gigawatts supplémentaires à l’export.
Dossier complexe
M. Boutarfa assure que le gouvernement travaille à réaliser ces objectifs. Pourquoi tout ce retard ? Parce que « c’est complexe », dit-il. « On prend du retard parce que ce sont des questions compliquées ». Avant de se lancer, il faut « un cadre légal, il faut assurer l’investissement, régler le problème du foncier ». Il faut aussi «réformer le cadre financier », et trouver « des ressources financières complémentaires aux nôtres ».
Pour l’heure, il admet que « l’effet tarif ne donne pas encore assez de visibilité» aux énergies renouvelables, d’où la nécessité de tout « revoir sur le plan réglementaire ». Il souligne aussi que dans le renouvelable, il y a « la composante industrielle et la composante énergétique ». Mais cela coûte encore trop cher, alors que le pays a besoin d’utiliser ses ressources financières dans d’autres secteurs. Produire 4.000 mégawatts, « ce sont 8 milliards de dollars », dit-il. «Avons-nous les ressources locales ? non », répond-il. Il faut donc faire « appel au partenariat national et international », d’autant plus que, selon lui, « la solution tient la route sur le plan financier ». En tout état de cause, il faut « éviter que l’Etat ne vienne s’impliquer dans un dispositif de mobilisation de ressources qui pourraient être utilisées ailleurs, pour financer les routes, l’école, la santé, etc. ».
Le « traumatisme » Sonatrach
La seule nouveauté, pour le renouvelable, serait l’implication de Sonatrach. Comment ? Il ne le précise pas. Mais si la compagnie s’implique, ce n’est pas par esprit d’innovation, c’est parce que « les grandes compagnies investissent dans le renouvelable. Sonatrach ne peut pas rester en marge », déclare M. Boutarfa en ayant presque l’air de s’excuser.
Sur la plupart des autres dossiers, le ministre de l’Energie fait preuve d’une grande prudence. Il justifie ces hésitations par l’histoire récente du secteur : « Sonatrach a vécu un traumatisme ».
Sur les prix de l’énergie, il admet que « le meilleur signal de rationalisation, c’est le prix ». Mais en parallèle, il reste peu disert sur le sujet, évitant d’aborder frontalement la question. Il se contente d’incantations, déclarant qu’il « faut que le citoyen comprenne est que l’énergie fossile n’est pas renouvelable ». « Beaucoup de sensibilisation à faire », dit-il.
Sur l’exploration également, il se montre très réservé. Dans ce domaine, « il faut être sûr de gagner », explique-il, d’où la nécessité de « partager les risques » en allant au partenariat, alors que la particularité de l’exploration, c’est précisément de prendre des risques. Là encore, il affirme qu’il faut « développer ce qui est déjà disponible », en « mettant en exploitation les découvertes antérieures ».
Ok pour le gaz de schiste
Sur l’évolution des prix du pétrole, M. Boutarfa mise sur une moyenne modeste : « Les prix vont rester dans une fourchette 50-60 dollars. 80 dollars, c’est terminé. ». Il ouvre par ailleurs, sans trop s’avancer, une porte vers l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Ce dossier, particulièrement sensible, avait empoisonné la carrière de l’ancien ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, après les manifestations qui avaient duré plusieurs mois dans la région de In-Salah. M. Boutarfa affirme que l’Algérie a « besoin de regarder ce qui se passe du côté du non conventionnel ». Il n’exclut pas non plus le nucléaire, même s’il « demande mobilisation financière importante ».
Mais pour l’heure, il faut « établir des priorités ». Ce qui revient à un pragmatisme primaire. « On a un outil de production, il faut le consolider pour assurer nos besoins » et « pérenniser nos réserves ». Sûr de lui, M. Boutarfa déclare : « Nous savons parfaitement où nous en sommes, où nous allons. Les choses ne sont pas si noires. » Ce qui ne l’empêche pas de reconnaître que quand les nouvelles raffineries commenceront à produire, « il n’y aura pratiquement plus de pétrole brut à exporter ».