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Algérie

Algérie: comment transport maritime et logistique portuaire font chavirer le budget

Par Mohamed Zenina
août 7, 2016
Algérie: comment transport maritime et logistique portuaire font chavirer le budget

Alors que les tensions budgétaires s’annoncent des plus aiguës avec la chute drastique des cours des hydrocarbures (moins de 45 dollars le 07/08/2016) et qu’aucun signe ne laisse présager leur redressement; avec de surcroît un cours faible du dollar (double pénalisation),  l’Algérie continue à perdre quotidiennement des montants faramineux en devises qui pèsent lourdement sur son budget et qu’elle paye à ses partenaires sous forme de remboursements des coûts supplémentaires sur les bateaux qui restent en rade, pendant plusieurs jours au niveau de ses ports.

 

 

Il ne faut pas rêver et être réaliste: la 15e édition du Forum international de l’énergie (IEF15) prévue  à Alger du  26 au 28 septembre 2016 à  Alger, avec une réunion informelle des pays de l’OPEP,  risque de n’apporter pas grand-chose sans une entente entre la Russie et l’Arabie Saoudite. Le gouvernement doit éviter les illusions  et  s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire en gérant au mieux les deniers publics si l’on veut éviter l’expérience malheureuse vénézuélienne et surtout d’entrevoir une stratégie à moyen et long terme.  Pour un seul cas, combien de bateaux en rade au niveau de tous les ports d’Algérie et combien de sorties de devises ? Et cela ne date pas malheureusement pas d’aujourd’hui puisque ce problème est récurent depuis des décennies (2).  Au moment où l’Algérie connait des tensions budgétaires,  force est de constater malheureusement  des coûts et surcoûts exorbitant pour un seul secteur : le transport maritime renvoyant d’ailleurs à l’urgence d’une coordination avec d’autres secteurs de l’économe nationale, coordination  qui fait cruellement défaut

1.-Le transport maritime est le  mode de transport le plus utilisé dans le commerce international (75% du commerce mondial en volume transitent par voie maritime) et selon certaines estimations, le  transport maritime  étant  un moyen de transport peu coûteux (vingt à  trente fois moins chère que le transport terrestre). Selon le Ministère des transports,  plus de 97% des marchandises destinées à l’Algérie passent par les compagnies de transport étrangères.  Récemment  le Forum des chefs d’entreprises (FCE) a consacré une journée au fret maritime où il a été mis en relief  que le  marché national du transport maritime profite  aux armateurs étrangers  à part le transport des hydrocarbures assuré par l’Hyproc (filiale de Sonatrach). Mais le phénomène n’est pas nouveau ayant  commencé dans les années 1980  (voir audit  réalisé sous ma direction pour la  présidence de la  république en 1982 lors que j’étais premier conseiller et directeur des études économiques à la Cour des comptes). Cela a été accentué vers les années 1990, lorsqu’ avaient été ouvertes, sans contrepartie, les activités annexes au transport maritime telles que la consignation de navires et le courtage maritimes à des étrangers, jouissant de meilleures capacités d’organisation sur place et bénéficiant de l’apport d’anciens cadres du secteur public. Si l’organisation du commerce extérieur relève de la compétence de l’Etat, une question de souveraineté nationale pourquoi alors la quasi-totalité des échanges extérieurs de l’Algérie sont-ils soumis au diktat des armateurs étrangers qui imposent souvent des  prix exorbitants qui pèsent lourdement sur l’économie nationale. Aussi, je  partage l’avis du FCE ,pour qui  «avant de jeter la pierre aux transporteurs étrangers, posons-nous la question de savoir qu’a t- on fait pour apprendre aux opérateurs algériens ». D’où des coûts du transport maritime que certains experts évaluent à   environ le tiers des biens importés. Le manque de concurrence se répercute amplement sur les prix du transport et rend l’Algérie beaucoup moins compétitive en matière d’exportations que, par exemple, le Maroc et la Tunisie. En effet, en plus de leur expérience, chacun des deux pays compte plus de 1 500 entreprises exportatrices, le transport est à 40% moins cher chez eux qu’en Algérie. De plus, les containers qui arrivent en Algérie repartent souvent vides, ce qui occasionne une double perte pour l’Algérie. La réduction des tarifs est sans nul doute positive mais, n’obéissant pas à une rationalité économique, elle se répercutera à terme sur les dépenses de l’Etat qui se voit dans l’obligation de «subventionner» le transport.

 

2.-Devant cette emprise étrangère, les armements nationaux de marchandises générales n’assurent que 1,4% du tonnage global des marchandises solides et 1,75% du trafic conteneurs. Selon un  ancien cadre de CNAN-Group, la part du transport maritime tournerait autour de 30% Comme les  importations sont évaluées  entre 2000/2015 à plus de 600 milliards  de dollars, l’estimation du coût maritime supporté par l’Algérie aurait  dépassé 200  milliards de dollars. Je pense que ce ratio est exagéré pouvant prendre une fourchette de 10/15%-normes internationales, (au-delà étant des surcoûts incluant la corruption-)  ce qui nous donnerait  entre 60 et 75 milliards de dollars soit une moyenne annuelle variant entre  4/5 milliards de dollars, ce qui es le montant donné par le Ministre des transports dans une déclaration de  2014. Que propose le parti des travailleurs qui s ‘oppose à cette libéralisation maîtrisée pour réduire les coûts : en réalité rien que des discours et encore des discours au nom de la préservation des intérêts de  la rente sous un faux discours «  nationaliste » dépassé.   A cela la bureaucratie paralysante qui favorise les surcoûts  à travers les surestaries qui sont des indemnités que l’affréteur doit payer au propriétaire du navire, dans un affrètement   au voyage, quand le temps de chargement et/ou déchargement dépassent le temps de planche prévu dans le contrat de voyage. Outre la bureaucratie, l’Algérie est également pénalisée par ses faibles exportations hors hydrocarbures, les conteneurs arrivant pleins et repartant vides, faute d’exportations hors pétrole et gaz Or pour réduire les surestaries, chaque navire qui arrive doit être  traité à la minute qui suit son accostage à quai afin d’éviter  que  l’armateur étranger applique des surestaries de 1 à 50% du fret pour une attente en rade. Car les  10, 20, 30 et/ou 40/50% sont inclus directement dans le prix du fret répercuté automatiquement sur le prix du produit vendu par le fournisseur étranger à l’importateur algérien.  En 2014, le montant des surestaries a été fixé à 5000 dollars/jour, et l’Algérie paye chaque année des centaines de millions de dollars à cause des retards dans le déchargement et les séjours en rade.  Une étude réalisée pour 2012 (pas de changements notables entre 2013/2016) , montre clairement que  les pertes sur le fret maritime sont estimées à 200 millions de dollars ; les surcoûts liés aux surestaries de conteneurs s’élèvent à 340 millions de dollars et les surcoûts liés aux frais de manutention atteignent 110 millions de dollars, soit  surcoût global de 650 millions de dollars,  l’équivalent du prix d’achat de 25 navires de ligne adaptés au trafic de ligne algéro-européen.  

Selon certaines études internationales  disponibles, un conteneur débarqué dans les ports méditerranéens est moins cher qu’un conteneur débarqué en Algérie pour la même distance du port de chargement (malgré les coûts élevés de la main-d’œuvre et de l’énergie), dans ces ports. Un conteneur de 20 pieds est loué sur le marché international à 1,20 dollar/jour, soit 108 dollars pour une période de 90 jours, alors qu’il est parfois facturé aux réceptionnaires algériens (selon un même  barème)   et pour la même période moins la franchise) à 2119 dollars, soit une marge de 1962 dollars.  Les surcoûts d’un conteneur provenant de différentes origines sont estimés entre 200 et 500 euros, soit un minimum global dépassant le (1) million de conteneurs, étant l’équivalent de 250 à 500 millions d’euros/an de surcoûts.. Selon un  rapport Doing Business de la Banque mondiale,  le coût moyen d’un conteneur à l’importation est de 858 dollars en Tunisie, de 950 dollars au Maroc, alors qu’en Algérie il s’élève à  1 318 dollars. A l’exportation, le même conteneur coûte en moyenne 733 dollars en Tunisie, 577 dollars au Maroc et pas moins de 1 248 dollars en Algérie, soit un surcoût moyen annuel par rapport aux pays voisins de 400 millions de dollars. Un séjour en rade d’un navire coûte entre 8 000 et 12 000 dollars par jour. Ainsi, la  dépense nationale de transport maritime consacrée aux marchandises générales dépasse ainsi tout entendement. Ces surcoûts entravent tout effort de compétitivité des entreprises nationales, notamment celles désirant un développement à l’exportation, et épongent les trésoreries des entreprises importatrices qui paient beaucoup plus cher le transport de leur marchandise, ce qui se répercute sur le produit final donc le  consommateur algérien. 

3. Le désinvestissement de l’Etat dans le transport maritime de marchandises a laissé la voie libre aux armateurs étrangers. Les surcoûts imposés pénalisent lourdement l’économie nationale, alors que le cadre juridique en vigueur n’encourage nullement le privé national à se lancer dans ce créneau. D’où la nécessité de repenser de fond en comble cette activité, aujourd’hui sous monopole étranger, ne devant pas  être contre mais tisser des partenariats gagnants/gagnants.  Aussi, face à cet état des lieux assez inquiétant, avec al baisse drastique du crus des hydrocarbures, il est souhaitable  que  les pouvoirs publics déverrouillent  le dispositif juridique actuel en encourageant l’initiative du privé national à travers des mesures incitatives leurs permettant d’investir plus aisément dans ce créneau stratégique, dont  l’assouplissement de l’article 649 du code maritime. Il est entendu qu’il s’agit de ne pas toucher aux secteurs stratégiques (ce segment n’étant nullement stratégique) qu’il s’agit de définir avec précisions, donc d’alléger la règle des 49/51% aux PMI/PME, et de lever toutes les contraintes d’investissement à tous les secteurs de l’activité nationale. Pour rappel, l’article 649 du code maritime algérien précise que «  les activités d’affrètement de navires peuvent être exercées par toute personne physique de nationalité algérienne ou toute personne morale de droit algérien ayant la qualité d’armateur et dont le centre principal d’activités se trouve sur le territoire national ». Cet article ambiguë qui exclut d’autres investisseurs, rend difficile à ce qu’un opérateur algérien soit mesure d’affréter les navires à la condition de posséder un navire laissant la liberté aux fouisseurs étrangers qui le font à travers des courtiers et touchant des commissions allant de 2.5% à 3.75%. Toutes les opérations de transports maritimes du vrac, general cargo se font en Coût et fret, puisque c’est interdit d’acheter en FOB à cause de cet article ce qui grève les coûts. S il y avait pas cet article du code maritime, toutes ces commissions seront déduites du montant du fret, et contribueront à la baisse des prix, ces montants pouvant servir à acheter plusieurs navires neufs. Il est utile de rappeler que le  ministre des Transport Boudjemaa Talai a affirmé récemment  que de nouvelles mesures seront appliquées dans les ports commerciaux pour faciliter et augmenter l’exportation hors hydrocarbures qui ne représente que 10% du volume global transitant par les ports. En 2015, 42 millions de tonnes de marchandises importées ont transité par les 10 ports commerciaux de l’Algérie contre 5 millions de tonnes seulement de produits exportés. Selon le Ministre pour 2015, les produits importés représentent 90% de la marchandise ayant transité par les ports sans compter le fret aérien et routier.  L’ objectif est de dynamiser les ports secs qui  jouent un rôle important,  d’augmenter le volume de marchandises traité à l’export de 10% chaque année d’ici 2019 et pour réaliser cet objectif, il faudrait  réduire de 50% le temps du traitement et d’attente des bateaux en rade », qui coûtent énormément au Trésor public, d’agir  sur le coût du transport et de la logistique de la marchandisequalifié de « désastre » par le Ministre ce coût représentant  en Algérie 30% de la valeur du produit alors qu’ils varient, selon les normes internationales, entre 15 et 18% car pour les  10 mois de 2015, le coût de a logistique a atteint 3,4 milliards de dollars pour le transport maritime, influant  directement sur le prix final de la marchandise  et diminuent la compétitivité du produit algérien sur les marchés internationaux.

 

4.-A court terme,  afin d’alléger les surestaries, une coopération entre l’Etat Major de la marine militaire qui a acquis une expérience appréciable   et civile pourrait être utile, à long terme, en utilisant, tout prenant les précautions de sécurité, par exemple le port militaire de Mers El Khébir ou d’autre sports militaires. Mais à terme, misant sur le développement,  l’investissement   dans le transport maritime, poumon de la croissance s’impose car le  recours au pavillon étranger pour le transport de marchandises a couté  entre 2010/2015 à l’Algérie une perte annuelle de quatre à cinq milliards de dollars, pouvant tisser des partenariats gagnant/gagnant. Dans ce cadre, il était  prévu avant  la  crise financière l’acquisition de 18 navires (parmi les 18 navires, figurant  un bateau de transport de voyageurs, d’une capacité de 2.000 voyageurs et de 700 véhicules)  dans le cadre du renforcement des échanges commerciaux, opération qui  devait permettre  d’atteindre pour la CNAN une part de marché de 20% dès 2016, étant prévu   35%  horizon 2020 pour une enveloppe  d’un milliard de dollars. Comme il est prévu un  grand port, le port d’El Hamdania, près de la ville de Cherchell,  disposant  de 23 quais d’une capacité annuelle de traitement de 6,5 millions de conteneurs et de 25,7 millions tonnes de marchandises, avec  un trafic global en vitesse de croisière de 40 millions de tonne en plus du transbordement du trafic international, la durée des travaux ayant  été ramenée de 10 à  sept ans.  Le financement de ce  port devrait se faire selon certaines déclarations à vérifier, grâce aux banques chinoises, l’emprunt étant  de l’ordre de 3,5 milliards de dollars et par étapes selon l’ambassadeur de Chine en Algérie. D’une manière générale, il s’agit  de mobiliser toutes les énergies créatrices et de s’adapter à la nouvelle constitution qui stipule clairement, la liberté d’entreprendre, de ne plus faire de distinction entre secteur privé local ou international et secteur d’Etat créateur de richesses. A court terme, s’impose une réorganisation managériale du transport maritime comme s’impose de revoir la gestion  des ressources humaines notamment la fonction  du docker qui ne saurait être un  fonctionnaire d’autant plus que l’Algérie avec ses  jours de repos vendredi et samedi  ne s’adaptant pas  aux normes internationales du commerce international.  Devant cette situation,  il est urgent   d’encourager les opérateurs algériens à affréter leurs propres navires, et créer des compagnies maritimes  avec des  places maritimes d’envergures internationales,  à l’instar de Dubai et Signapore. L’Algérie du fait de sa position géographique stratégique (porte de l’Europe et de l’Afrique) en a les potentialités sous réserve d’une libéralisation maîtrisée et non anarchique par une lutte contre la bureaucratie paralysante qui fait le nid des rentiers. Au moment où l’Algérie connait des tensions budgétaires avec les incidences de baisse du cours des hydrocarbures, il s’agit de mobiliser toutes les énergies créatrices créateur de richesses et de manière générale de lever toutes les contraintes d’investissement à tous les secteurs de l’activité nationale, cela ne signifiant en aucune mère manière la fin de l’Etat qui a une importante mission tant que régulateur stratégique. D’une manière, générale, la rationalisation budgétaire ciblée  englobée au sein d’une vision  cohérente du développement devient une urgence  de l’heure car relevant de la sécurité nationale. Pas de discours de sinistrose mais également pas de  discours d’autosatisfaction qui peuvent conduire au scénario vénézuélien et au FMI horizon 2018/2019, ce qu’aucun patriote algérien ne souhaite. Attention à cette vison démagogique, nous maîtrisons la situation, le phosphate e tle fer comme substitut aux hydrocarbures, nous allons économiser 30 milliards de dolalrs dans trois oui quatre ans, induisant en erreur le Président de la République et les plus hautes autorités du  pays, pas les experts étrangers,   ce que clamait haut et fort il y a une année le président vénézuélien et  donc  que le   malheur  n’arrive qu’aux autres.  Pour le cas précis de notre contribution, mais qui concerne la majorité des autres secteurs, face à la chute du cours des hydrocarbures, des coûts et surcoûts exorbitants du transport maritime  de plus de 4/5 milliards dollars/an, il s’agit de  revoir le management stratégique des transports

  (1)Voir notre interview à Beur TV 06/08/2016 sur l’impact de la chute du cours des hydrocarbures- (2) – Voir notre interview sur les surestaries TV KBC 05/08/2016-

 NB- Le professeur Abderrahmane Mebtoul (docteur d’Etat 1974- Expert comptable  de l’Institut supérieur de gestion de Lille (France), en tant que premier Conseiller et directeur général du département des études à la Cour des comptes entre 1980/1983 a eu à diriger l’audit sur les surestaries pour le compte de la présidence de la république et du gouvernement au moment du programme anti-pénurie avec des recommandations opérationnelles, notamment la gestion des ports, la fonction du docker  et les interconnexions douane/fiscalité/banques/ports pour des économies de gestion  et éviter les évasions fiscales

 (*) Professeur des Universités, expert international  en management stratégique.  

 

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