Les projections du Professeur Brouri augurent une population algérienne en forte expansion de coronariens, de victimes d’AVC et de rhinopathes. La CNAS se dérobe devant les coûts qui se profilent sur les 15 ans.
Dans le sillage de l’adoption par l’OMS d’un plan d’action mondial 2013-2022 de lutte contre les Maladies non transmissibles(MNT), le ministère de la Santé a organisé récemment, en partenariat avec l’Union Européenne, un séminaire ayant regroupé des représentants de 18 secteurs (Commerce, collectivités locales, Finances, Transports, Jeunesse…) pour élaborer le plan multisectoriel de prévention des facteurs de risque de ces maladies : diabète, Cancers, maladies cardio-vasculaires etc. Un seul ministère manquait à l’appel, celui de la Sécurité sociale.
Une absence inadmissible, d’autant que pour les praticiens de la santé, ce n’est pas le premier ratage pour le secteur. Selon eux, aucun chiffre n’est communiqué aux praticiens, sur le nombre de malades pris en charge pour chacune des pathologies, le coût en médicaments, ou des hospitalisations alors que ces données statistiques épidémiologiques sont essentielles aux praticiens. Dans tous les pays du monde, ce sont les caisses d’assurance maladies qui communiquent ces chiffres et qui sont recoupés avec les enquêtes. Les seules informations qui parviennent de la CNAS, le sont par le biais de la presse.
Or, sans ces données, il est impossible de faire des projections et d’élaborer des programmes de prévention et de lutte contre les pathologies prévalentes. Pour exemple, le professeur Brouri considère « qu’à partir de la prévalence actuelle de 2 millions de diabétiques, nous pouvons estimer que nous aurons à prendre en charge dans 15 ans plus de 600 000 coronariens, plus de 500 000 artéritiques, plus 100 000 AVC et plus de 600 000 rétinopathies ». Il est donc impératif, pour les experts du ministère de la Santé, de connaitre les coûts de prise en charge de chaque affection pour élaborer les stratégies de lutte et les recommandations ou règles de bonne pratique à l’usage des médecins.
Tarifs des actes médicaux datés au carbone 14
Pour booster la prescription de leurs produits, des firmes pharmaceutiques n’hésitent pas à offrir aux officines, via des grossistes, des lots de médicaments gratuitement pour les écouler aux prix du marché en même temps que les produits payés. On parle d’une valeur globale de ces « dons » qui avoisinerait les 500 Millions de dollars. Le comble est que la CNAS les rembourse alors que cette pratique est dénoncée depuis déjà quelques années.
Un autre objet du mécontentement des praticiens est l’interruption unilatérale par la CNAS du chantier ouvert il ya quelques années (2006) pour la révision de la nomenclature et de la codification (tarification) des actes médicaux, qui datent de 1986. Les assurés sont remboursés sur la base de tarifs ridicules : une appendicite à 1000 DA, une consultation auprès d’un spécialiste à 100 DA alors qu’elle coute à l’assuré de 1000 à 5000 DA ou un scanner à 800 DA au lieu de 15 000 DA.
Pour ces spécialistes, la politique du seul équilibre des bilans comptables est une politique de court terme et mène tout droit dans le mur. Car pendant que le ministre du travail et de la sécurité sociale se félicite « de l’équilibre entre les cotisations des assurés sociaux et le volume des dépenses de la sécurité sociale » pour l’année 2012, les malades, eux, se ruinent et se précarisent pour se soigner ou faire face aux soins des membres de leurs familles. Ils sont en effet de plus en plus nombreux à s’endetter et à vendre leur biens pour payer des analyses très couteuses, des scanners, des IRM ou parfois des thérapies lourdes non disponibles à l’hôpital, alors qu’ils sont assurés. Car la CNAS ne les rembourse que sur la base d’une tarification obsolète depuis des décennies.
La CNAS toujours malade de l’escroquerie Khalifa
Pour les syndicats autonomes qui suivent de prés les évolutions des mutuelles sociales, ce manque de transparence dans la gestion de la CNAS et la politique de l’équilibre des bilans comptables au détriment des prestations à fournir aux assurés, a fait le lit des dérives dans la gestion de la CNAS, dont la plus scandaleuse est celle liée aux dépôts de fonds massifs auprès de Khalifa Bank. Dans cette affaire, le conseil d’administration de la Caisse contrôlé par l’UGTA, avait procédé en contradiction avec la réglementation en vigueur, concernant la gestion des fonds des organismes sociaux. Une dérive qui a couté 12 milliards de dinars appartenant aux travailleurs, volatilisés dans cette escroquerie du siècle. Une escroquerie que la justice n’a pas réparé. Et que l’inamovible secrétaire général de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi Said, avait assumée en audience publique. Sans avoir été inquiété. A ce jour.