Algérie-Gouvernement Tebboune: Récit d’une relégation écrite pour cause de matchs vendus - Maghreb Emergent

Algérie-Gouvernement Tebboune: Récit d’une relégation écrite pour cause de matchs vendus

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La chronique de la semaine d’El Kadi Ihsane sur El Watan s’est essayée à une parabole pédagogique entre la gestion d’un club de football en difficulté, et celle de l’Algérie.

 Le président Bouteflika et son premier cercle ont exprimé une forme de désarroi dans la formation du premier gouvernement Tebboune. Ils ont évincé pour la quatrième fois en trois ans le ministre de l’Energie et autant de fois sur la même période celui des Finances.  Stress carboné.

Le pétrole ne fait plus rentrer assez de devises et la dépense publique engagée demeure une saignée. C’est ce qui fait de plus en plus ressembler le président Bouteflika au président Hannachi de la JSK. Syndrome du club en zone de relégable. Il est trop tard pour changer les dirigeants ou pour refaire son mercato de recrutements ratés. Trop tard aussi pour faire émerger une relève de jeunes formés au club mais longtemps marginalisés parce que redoutés.

Il reste alors l’incantation magique:  changer d’entraîneurs plusieurs fois jusqu’à la fin de saison. Puis descendre en division inférieure. Youcef Yousfi, Salah Khabri,  Nourredine Boutarfa, Mustapha Guitouni -pour le département de l’énergie -Mohamed Djellab, Abderrahmane Benkhalfa, Hadji Baba Ammi et Abderrahmane Raouia pour celui des Finances ont dansé, et dansent une valse cathartique des entraîneurs. 

Objectif mystique: ramener les résultats qui sauveront le pays du retour à l’insolvabilité. Peine perdue. C’est le club qui n’a pas de projet. Ses dirigeants se sont enrichis en vendant beaucoup trop de matchs lorsqu’ils pensaient être à l’abri de la relégation. A tort.

 Aujourd’hui, les 300 millions de dollars touchés par Pearl Partners de Farid Bedjaoui, l’homme lige de Chakib Khelil, sont un surcoût dans les projets Saipem en Algérie qui aurait fait, s’il n’avait pas existé, du bien au budget d’équipement. Il suffoque et étrangle avec lui le BTPH. Pareil pour les surcoûts de l’autoroute Est-Ouest liés à la corruption.

Il reste encore pourtant assez d’argent pour inverser la donne. En achetant des matchs. «Arroser» par exemple les clients «traditionnels» de Sonatrach pour qu’ils continuent d’acheter son gaz au prix des contrats de longue durée, plutôt que du gaz à prix cassé sur le marché spot ? Personne au club ne sait faire cela. Et puis c’est dangereux. Chez les clients de l’Algérie, la justice n’obéit pas à Saïd Bouteflika.  Elle ouvre des instructions et poursuit les corrompus. Et les corrupteurs aussi comme dans le procès ENIE en Italie. Il y a encore d’autres recours. Changer les règles de la compétition et annuler la relégation pour cette saison en augmentant le nombre de clubs de première division.

Moh Cherif Hannachi a tenté de le faire à la FAF.  A l’échelle du pays, ce serait aménager un calendrier qui empêche de constater la banqueroute du vivant du président Bouteflika. L’Algérie songe à geler ses accords commerciaux internationaux pour bloquer les importations et maintenir ses réserves de change à plus de 100 milliards de dollars le plus longtemps possible.

Si la croissance économique s’effondre ensuite, on aura gagné du temps. Les dirigeants seront partis. Avec le fruit des matchs vendus. Et les supporters s’en prendront aux entraîneurs, les ministres des recettes (Energie) et des dépenses (Finances) qui n’auront pas trouvé la formule de la «Remontada» pour sauver le pays.

 

 Le lien civique par l’impôt et la « redevabilité »

 

Ne soyons pas cyniques. La relégation peut être évitée.  Bien sûr, pas grâce aux nouveaux entraîneurs de Moh Chérif Hannachi. Mustapha Guitouni ne va pas engager une transition énergétique à la danoise (ou simplement à la Chemssedine Chitour) pour arriver à 50% d’électricité verte en 2035. Et Abderrahmane Raouia ne couvrira pas les dépenses ordinaires de l’Etat par la fiscalité du même nom d’ici 2020. Il faudrait pour cela donner au club un vrai projet. Ces dirigeants disent l’avoir depuis un an. Le gouvernement Tebboune veut accélérer la mise en œuvre du nouveau modèle de croissance.

 Si l’on devait résumer son challenge en une formule, il doit organiser la mutation cosmique du contrat civique des Algériens. Ils émargeaient à la fiscalité pétrolière, ils devront contribuer à la fiscalité ordinaire. Copernicien.  Bien sûr, les formules sont toujours lapidaires. Si tous profitent de la fiscalité pétrolière (au moins à travers les subventions universelles), tous n’échappent pas à la fiscalité ordinaire. Les salariés sont taxés à la source. Et une grande partie des charges patronales du secteur formel est bien recouverte par l’administration fiscale et par les caisses d’assurance sociale.

 Pourtant le sentiment qui fonde les démocraties avancées est absent en Algérie : «Je paye des impôts donc le gouvernement m’est redevable de ce qu’il en fait au moindre». La naissance de l’institution parlementaire, que viennent de renouveler les Algériens, est historiquement liée à l’arbitrage sur la pression fiscale, le contrôle du recouvrement de l’impôt et son affectation. Tout le pacte de la Cité est là. Les Algériens en sont exonérés. Ils sont persuadés que ce qu’ils perçoivent de la redistribution provenant de la fiscalité pétrolière est toujours supérieur à leur contribution au Trésor public.

 Et renoncent, implicitement, à déclencher la clause de la «redevabilité», contrepartie citoyenne de l’obligation de payer l’impôt. Comment fonder un lien civique algérien par l’impôt ?  En baissant les seuils de son prélèvement pour le rendre inclusif, en modernisant sa collecte et en stoppant avec l’impunité des hauts délinquants fiscaux. Un entraîneur recruté dans l’urgence pour les dernières journées de la compétition ne peut pas faire cela. La rue et les urnes oui.

 

Comment préparer l’accession avec les naufrageurs.

 

Soyons donc honnêtes. Personne ne voit donc sérieusement Abdelmadjid Tebboune faire de l’Algérie un Dragon africain les cinq prochaines années. Il est là pour exorciser le mauvais sort, gronder ses joueurs dans le vestiaire, prévenir un envahissement de terrain par le public. La relégation reste son destin écrit.  Que peut-il donc faire dans un tel cas ? Cherchez un repreneur comme Moh Chérif Hannachi pour la JSK qu’il veut céder en restant aux commandes ? Même l’OPEP n’y peut plus rien. Chaque petit redressement des cours par la baisse de la production est effacé par le retour du pétrole de schiste américain.

 Il reste au gouvernement Tebboune mieux à faire. Lancer le chantier de l’accession. Rompre avec les vendeurs de matchs, compter sur ses jeunes talents en les formant mieux, faire payer l’entrée du stade à tous pour renflouer les caisses, s’intégrer dans la chaîne de valeurs Afrique-Europe pour faire des plus-values dans les transferts de joueurs comme le veut l’économie monde d’aujourd’hui.  Pour cela, il devra entrer en conflit avec les patrons qui l’ont nommé. La matrice des matchs vendus. Autant admettre que la valse des entraîneurs va se poursuivre. Jusqu’à irruption du sigle aux trois lettres synonyme de descente.

 

 

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