Algérie - La corruption menace la sécurité nationale (contribution) - Maghreb Emergent

Algérie – La corruption menace la sécurité nationale (contribution)

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L’Algérie a régressé de 20 places dans l’Indice de perception de la corruption dans le secteur public de l’ONG de lutte contre la corruption Transparency International. Pour le Dr Abderrahmane Mebtoul, ce fléau constitue une véritable menace pour la sécurité nationale.

Transparenty international vient le 25 janvier 2017 de faire paraitre son rapport annuel sur les indices de corruption dans le monde. Qu’en est-il pour l’Algérie car ce mal social menace la sécurité nationale et par là contribue, en dehors du préjudicie moral, au blocage de l’investissement utile. Car avec la corruption combinée à la détérioration du climat des affaires, selon la majorité des rapports internationaux, il est utopique de parler d’une véritable relance économique

1.- Qu’en est-il du classement sur la corruption de l’Algérie de 2003 à 2016 selon Transparency International ?

2003 : 2,6 sur 10 et 88e place sur 133 pays
2004 : 2,7 sur 10 et 97e place sur 146 pays
2005 : 2,8 sur 10 et 97e place sur 159 pays
2006 : 3,1 sur 10 et 84e place sur 163 pays
2007 : 3 sur 10 et la 99e place sur 179 pays
2008 : 3,2 sur 10 et 92e place sur 180 pays
2009 : 2,8 sur 10 et 111e place sur 180 pays
2010 : 2,9 sur 10 et 105ème place sur 178 pays
2011 : 2,9 sur 10 et 112ème place 183 pays
2012 : 3,4 sur 10 et 105e place sur 176 pays
2013 -105 rangs sur 107 pays
2014 – note 3,6 et 100ème sur 115 pays
2015 –note, 3,6 et 88 ème sur 168 pays
2016 –note 3,4 et 108ème sur 168 pays

Selon cette institution, internationale, la majorité des institutions administratives et économiques sont concernés par ce cancer de la corruption. L’on sait que les auteurs de l’IPC considèrent qu’une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un “haut niveau de corruption, entre 3 et 4 un niveau de corruption élevé, et que des affaires saines à même d’induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives. La sphère informelle produit des dysfonctionnements du système, ne pouvant pas la limiter par des décrets et lois mais par des mécanismes de régulation transparents, existant des alliances entre le pouvoir bureaucratique et cette sphère contrôlant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, alliances qui favorisent cette corruption qui tend à se socialiser. Si la corruption existe dans tous les pays du monde, comme en témoigne les scandales financiers mis en relief pendant l’actuelle crise mondiale, et s’il y a des corrompus existent forcément des corrupteurs impliquant tant une moralisation des gouvernants internes que l’urgence d’une moralisation des relations internationales. Pour les pays développés, elle est relativement faible en rapport à la richesse globale créée, ce qui n’est pas le cas pour des pays ayant un faible PIB. En Algérie elle s’est socialisée remettant en cause la sécurité nationale du pays. L’on devra aller vers le contrôle démocratique de deux segments stratégiques la production de la rente des hydrocarbures (Sonatrach) et la distribution de la rente des hydrocarbures (tout le secteur financier) puisque l’ensemble des secteurs publics et privés sont irrigués par cette rente. Comme je l’ai rappelé souvent, la lutte contre la mauvaise gestion et la corruption renvoie à la question de bonne gouvernance, de démocratie, de la rationalisation de l’Etat dans ses choix en tant qu’identité de la représentation collective. Concernant l’aspect économique en Algérie il faut se demander pourquoi le faible impact de la dépense publique programmée entre 2000/2016, (part dinars et devises) sur la sphère économique et donc sur la sphère sociale avec un impact par rapport aux autres pays de la région MENA qui ont des résultats supérieurs avec trois fois moins de dépenses : corruption, surfacturation ou mauvaise gestion des projets ? Le constat également est l’inefficacité des institutions de contrôle et des Ministères où nous assistons à une gestion administrative avec différentes interférences où souvent les gestionnaires ne sont pas libres de manager leurs entreprises.

2.-La lutte contre la corruption n’est pas une question de lois ou de commissions (l’Algérie ayant les meilleurs textes du monde), vision bureaucratique. Ce sont les pratiques d’une culture dépassée, l’expérience en Algérie montrant clairement que les pratiques sociales quotidiennement contredisent le juridisme. Comment mobiliser les citoyens au moment où certains responsables au plus haut niveau ou leurs proches sont impliqués ou supposés impliqués dans les scandales financiers et peuvent-ils avoir l’autorité morale auprès tant de leurs collaborateurs que de la population algérienne ? En fait la lutte efficace contre la corruption implique d’avoir un système judicaire indépendant avec une moralité sans faille des juges, d’éviter les luttes d’influence des différentes instituions de contrôle tant techniques que politiques concernant l’utilisation des deniers publics. La mise en place du contrôle est tributaire d’un management efficace des instituions, des comptabilités publiques claires et transparentes pour la rationalisation des choix budgétaires afin d’optimaliser l’effet de la dépense publique, les universités et les centres de recherche étant interpellés pour produire des instruments de calculs adéquats. La pleine réussite de cette entreprise qui dépasse largement le cadre strictement technique, restera tributaire largement d’un certain nombre de conditions dont le fondement est la refonte de l’Etat au sein d’une économie mondiale de plus en plus globalisée et des grands espaces, et une concertation permanente entre les différentes forces sociales politiques, économiques et sociales loin de toute vison d’autoritarisme, vison largement dépassée, conditions stratégiques qui doivent constituer les éléments fondamentaux de la nouvelle gouvernance. La stagnation de l’Algérie de la notation par l’indice de perception de la corruption est significative de l’existence de ce mal qui menace gravement la stabilité et la sécurité du pays, qu’il s’agit de combattre concrètement. Espérons pour le devenir de l’Algérie que dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de l’article 202 de la Constitution, où le président Abdelaziz Bouteflika a procédé, par décret présidentiel en date du 14 septembre 2016, à la nomination de la composante de l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption, cette institution joue pleinement son rôle…Il s’agit à l’avenir de favoriser des contre-pouvoirs, par plus de dynamisme des institutions de contrôle tant politiques que techniques dont notamment le conseil national de l’énergie, la Cour des Comptes, les autres organes qui se télescopent dépendant de l’exécutif étant donc juge et partie, l’action des services de sécurité ne pouvant être que ponctuelle. En fait, la lutte contre la corruption implique un véritable Etat de Droit une nouvelle gouvernance si l’on veut combattre efficacement la corruption qui gangrène le corps social et qui tend malheureusement à être banalisée alors qu’elle constitue le plus grand danger, pire que le terrorisme qu’a connu l’Algérie entre 1990/2000. Sans l’amélioration de la gouvernance local et centrale comme j’ai eu à le démontrer dans un récent interview à l’American Herald Tribune(1), supposant une grande moralité de ceux qui dirigent la Cité, sinon leurs discours équivalent à des slogans creux, il ne faut pas s’attendre à une dynamisation de la production et des exportations hors hydrocarbures.

En résumé, si l’Algérie veut dépasser la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée au sein d’un monde turbulent et instable préfigurant d’importants bouleversements géostratégique, le futur défi de l’Algérie, elle a les potentialités de sortie de crise, et elles sont énormes, sera d’avoir une visibilité dans la démarche des reformes structurelles indispensables conciliant efficacité économique et une très profonde justice sociale, et au niveau des sphères du pouvoir tant central local des femmes et hommes d’une très haute moralité, avec une nouvelle architecture institutionnelle reposant sur de véritables contre-pouvoirs démocratiques.

*Professeur des universités, expert international, ancien haut magistrat premier conseiller(1980/1983) et et DG des études économiques à la Cour des Comptes
ademmebtoul@gmail.com

(1)- Voir l’interview du professeur Abderrahmane Mebtoul disponible sur www.google.com, en anglais et français in www. ahtribune.com/world/africa 28/01/2016 de la réponse du professeur Abderrahmane MEBTOUL à la question sur ce sujet lors de l’interview donnée le 28 décembre 2016 à l’American Herald Tribune(USA) « Que pensez vous de la mise en œuvre des dispositions de l’article 202 de la Constitution, où le président Abdelaziz Bouteflika a procédé, en date du 14 septembre 2016, à la nomination de la composante de l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption? »

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