L’Algérie durant les trois mandats de l’ère Bouteflika aura tenté avec constance d’endiguer les contestations sociales et politiques en agissant sur le levier des prix. Cela ne risque pas de changer durant l’année de la présidentielle.
« Nous ne reculerons jamais, nous resterons foncièrement social », a encore affirmé, de façon très martiale, Abdelmalek Sellal devant des membres de la communauté algérienne en France. L’Algérie «ne peut pas ne pas aller dans cette direction», c’est une « obligation » même si « certains mettent en garde contre les dépenses ». Quelques jours auparavant, le ministre de l’énergie, Youcef Yousfi, assurait que « l’augmentation des prix des carburants, tous types confondus, ne figure pas dans l’agenda du Gouvernement, que ce soit cette année ou l’année prochaine ». Cependant, « un projet de révision de la tarification à moyen terme est possible », a-t-il précisé pour ne pas fermer totalement l’option
Le pain et le lait mais aussi les carburants
Au fil du temps la politique de soutien des prix mise en œuvre par les autorités algériennes s’est élargie à un nombre croissants de produits. Sa vocation première qui était d’aider les plus démunis s’estompe de plus en plus. Une recette dont le coût, déjà considérable, pour les finances publiques mais également en termes de croissance des importations. Le dispositif en place accorde de larges subventions aux producteurs et aux importateurs des trois produits alimentaires essentiels. Le blé tendre destiné à la production des farines, le blé dur transformé en semoule et la poudre de lait sont cédés à un peu plus d’un tiers de leur prix de revient par les producteurs et les importateurs. La facture pour les finances publiques : plus de 300 milliards de dinars (environ 4 milliards de dollars) inscrits chaque année dans le budget de l’Etat. Le mécanisme ne se limite pas aux seuls produits alimentaires de base. Les prix de l’eau, du gaz, de l’électricité ainsi que ceux des carburants sont fixés administrativement à des niveaux sensiblement inférieurs à leur coût de revient moyennant le paiement de subventions aux opérateurs concernés. Cette générosité de l’Etat ne profite d’ailleurs pas aux seuls Algériens et contribue à alimenter un énorme bassin géographique à travers un vaste trafic frontalier.
Un coût financier croissant
Un constat désormais admis par les autorités algériennes, le ministre de l’intérieur allant jusqu’à évoquer une menace pour la sécurité nationale justifiant ainsi un renforcement des contrôles aux frontières. Le ministre des finances, Karim Djoudi a respecté une promesse en donnant une indication (hors budgétisation) dans la loi de finance 2014 sur le montant des subventions pour les produits énergétiques. Si les subventions à l’énergie et aux carburants ne sont pas touchées, on connaît leur coût. Une étude récente du PNUD estime à 11 milliards dollars par an les subventions aux produits énergétiques. La croissance de la consommation, stimulée par des prix dérisoires, est vertigineuse. Plus de 14% par an pour l’électricité et entre 15 et 20% par an pour les carburants selon des chiffres officiels.
Des subventions «irrationnelles »
Le gel des prix des produits subventionnés sur une très longue période, suivi d’un ajustement brutal et douloureux en période de raréfaction des ressources financières est une expérience que l’Algérie a connu au début des années 1990. Comment éviter de se retrouver dans la même situation dans quelques années ? Des experts établissent une distinction très nette entre les subventions de produits comme l’électricité et encore plus les carburants qui seraient carrément “irrationnels” et celle des produits alimentaires de base. Un point de vue résumé récemment par M.Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d’Algérie : « Je ne dis pas qu’on ne doit subventionner aucun produit. Nous pouvons limiter, par la régulation, l’impact des fluctuations des marchés internationaux sur le panier de la ménagère. Ce qui signifie qu’un taux de subvention raisonnable est nécessaire. Mais pour le reste, il faut rétablir l’équilibre de tous les prix selon des règles de liberté assez claires ». Le consensus sur le caractère globalement néfaste de la politique de gel des prix des produits dit de « première nécessité » semble s’élargir. Mais sa remise en cause n’est pas pour demain. Elle pourrait être à l’ordre jour après les échéances électorales de 2014.