Le président Bouteflika a fait un arbitrage politique sans surprise dans le budget 2017. Il a arbitré au profit du cours terme. C’est le sens qu’il faut donner au maintien des transferts sociaux autour du quart du PIB. Au détriment de l’investissement public en baisse de plus d’un quart dans le budget d’équipement.
Le gouvernement Bouteflika-Sellal a donc privilégié l’accès à la consommation durant l’année prochaine, à la disponibilité de l’emploi et des revenus les années suivantes. Pourquoi sans surprise ? Parce que c’est l’ADN politique du bouteflékisme que de payer le prix du temps. Faire le dos rond et attendre. En payant cher s’il le faut le différé « gagné ». La trajectoire budgétaire qui laisse supposer un retour à l’équilibre budgétaire en 2019 repose sur un présupposé dangereux. Le redressement des cours du brut au delà de 60 dollars le baril dès la fin de l’année prochaine. Le prix de référence, qui permet de réduire le déficit budgétaire prévisionnel pour 2017 à 8% se situe audacieusement à 50 dollars. Les russes, qui ont une capacité d’influence sur les cours, ont plus prudemment choisi 40 dollars le baril pour leur budget. Ils sont plus près de la réalité du marché. Le choc haussier qui devrait remettre à flot les finances publiques algériennes est une hypothèque à gros risque. Equivalente à l’arrêt des investissements dans l’amont pétrolier au début de l’ère Chadli, sous prétexte que le prix élevé de l’époque (guerre Irak-Iran), garantissait des excédents à ne pas savoir quoi en faire. L’Etat aurait pu faire moins de transfert social en 2017 notamment par son poste des interventions sur les prix des produits jugés pour, en contre partie, moins réduire son carnet de commande en infrastructure. Le premier poste de dépenses crée du gaspillage des ressources et de la corruption même s’il permet aux Algériens les moins nantis de vivre dignement. Le second crée de l’emploi et de l’activité pour les entreprises, même s’il est aussi l’occasion de gaspillage de ressources par la corruption. Bouteflika réfléchit en autocrate d’avant la chute du mur de Berlin. Il veut maintenir un lien direct de la dépendance des classes populaires au pouvoir politique par la subvention. Le mérite du bien être ne doit jamais aller aux entreprenants qui créent de la richesse, mais au pouvoir politique qui redistribue en accès plus grand à la consommation la rente énergétique tant qu’elle est là. Ce n’est pas l’option des Norvégiens confronté à la même question essentielle du court terme et du long terme. Le modèle de croissance algérien carburait depuis dix ans à la commande publique. Il va se gripper en 2017 après avoir ralentit en 2016. Pour un niveau de consommation global des Algériens que veut préserver coûte que coûte le président de la république. Le coût de ce choix est connu. L’austérité frappera les entreprises avant de frapper ceux qui en vivent. Dans le Bouteflikisme ce temps « gagné » vaut d’être acheté.
Le chassé croisé au sein du gouvernement au sujet des voitures d’occasion est venu incarner cette semaine, le dilemme politique du gouvernement. Assurer l’approvisionnement du marché ou préserver une filière d’activité domestique ? L’accès à la voiture est devenu un des piliers non écrit des années du pétrole cher. Il s’est insinué, aux côtés des programmes publics de logements, comme un marqueur des nouvelles classes moyennes reconstituées après le naufrage des années 90. Le choix de sabrer les importations de véhicules par les quotas a donné une incidence plus ample que prévu. Le prix de l’occasion a suivi celui du neuf avec un multiple justifié par la disponibilité immédiate, impossible pour le neuf. Conséquence, le rêve automobile des Algériens s’est brusquement fissuré. Inaccessible. Premier signe de leur appauvrissement, le second étant leur pouvoir d’achat à l’étranger sapé par la dévaluation du dinar. La proposition du ministre du commerce, Bakhti Belaib, de revenir à l’importation par les particuliers des véhicules de moins de 3 ans est venue, sous couvert de récupérer des taxes pour le trésor public, au secours de ce droit d’accès à la consommation menacé par l’inflation. Le retour à l’importation directe par les algériens de véhicules d’occasion de l’étranger aurait détendu les prix de marché. Fais baisser sa barrière d’entrée. Le président Bouteflika ne considère pas encore ce droit équivalent pour le citoyen algérien à celui de l’accès aux biens de première nécessité ou à l’énergie bon marché, y compris le carburant. C’est pour cela que le ministre de l’industrie, Abdeslam Bouchouareb, a pu tranquillement démentir son collègue et néanmoins adversaire au sein des courants du RND leur parti politique commun. L’option défendue est de formaliser un marché de l’occasion avec les acteurs de la filière. Privilégier l’investissement institutionnel à la consommation débridée. Du point de vue de l’achat du temps, le choix est cette fois celui du moyen terme. Ne pas sacrifier le réseau de distribution des concessionnaires, pour satisfaire une urgence sur le marché de l’occasion, comme on aurait pu le faire en important des moutons d’Australie pour palier à la spéculation des Mouwaline. C’est bien. A la nuance près que cela est vrai pour une filière, déjà massacrée par les quotas et que c’est l’inverse qui a été retenu pour l’ensemble de l’économie algérienne dans le budget 2017.