Algérie - Le cri de l'éducation (opinion) - Maghreb Emergent

Algérie – Le cri de l’éducation (opinion)

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Offrir de meilleures conditions aux enseignants, ce n’est pas satisfaire des désirs passionnels. C’est au contraire permettre une meilleure circulation des connaissances dans un milieu saint et dans une ambiance somme toute agréable : prémisses nécessaires à tout système qui désire éduquer ceux qui seront ses futurs citoyens et qui composeront avec une société qui n’en finira pas d’être au rendez-vous de ses promesses*.

 

 

L’état du système éducatif algérien est très grave. Alors que les syndicats usent de leur droit constitutionnel pour mener à bien leurs activités, en l’occurrence une grève illimitée afin de satisfaire tout un panel de revendications, le gouvernement a décidé de réagir par un licenciement aussi massif et arbitraire qu’inutile.

Fort d’une décision émise par la justice qui décrète l’illégalité de la grève, cinq groupes parlementaires à l’APN exhortent les enseignants à rebrousser chemin et à réintégrer leurs postes.
Il est évident que le problème ne se résoudra pas en mettant la tête dans le sable. Il faut être lucide sur la réalité du système éducatif : de graves manquements sont perpétrés depuis des années. Qu’il s’agisse de la qualité de l’enseignement, de l’état déplorable des établissements, de l’état moral des élèves et des enseignants, le système est malade et ne demande qu’à être amélioré, voire démantelé en profondeur.

Cela ne vous convainc-t-il pas ? Ajoutons seulement la violence qui sévit dans les écoles et qui fait le “buzz” sur les réseaux sociaux et vous serez fixé. Je pense, en écrivant cela, à la malheureuse élève qui a perdu son œil il y a quelques jours suite à une “correction” du surveillant général. Soyons honnêtes: combien d’entre-nous ont été témoins de ce genre de violence ? Peut-être même y en a-t-il parmi vous, qui lisez ces modestes mots, qui ont subi cette violence. J’en fais partie. Il ne faut plus se taire.

Par ailleurs, il faut aussi dénoncer les tentatives d’intimidations et de menaces qui pleuvent sur les grévistes. Au-delà de la bassesse de ce geste, il y a son inutilité : remplacez des enseignants en colère par d’autres “volontaires et retraités” et vous obtiendrez d’autres enseignants en colère.

Le problème ne se trouve pas là. Il ne sert à rien de couper les ronces si on laisse les racines se régénérer : celles-ci en engendreront d’autres et en plus grands nombres.

D’autant plus qu’on ne trouve pas d’enseignants dignes de ce nom comme on trouve des vendeurs de zlabiyas en plein ramadan : un enseignant, ça se forme et ça reçoit tout ce qui est au pouvoir de l’État afin de lui permettre de déployer les compétences acquises et de mener à bien sa mission.

Priver tout enseignant des moyens rudimentaires qui lui permettront d’accomplir cette mission, c’est pour tout état, un échec cuisant.

Les décisions et de la justice et du gouvernement ne serviront en rien la cause des principaux intéressés : les enseignants et les élèves. En un mot, le système éducatif dans son entièreté.

Concernant ces derniers, il est évident que les élèves, notamment ceux qui sont en terminale, en pâtiront. Cependant, j’accuse certains médias d’instrumentaliser l’avenir de ces mêmes étudiants en en faisant un argument qui contraindrait le CNAPEST et ses membres à rebrousser chemin en faisant appel à leur compassion et la fibre qui fait d’eux des enseignants. En d’autres termes, arrêter la grève pour “le bien des étudiants”.

Or, je le rappelle, le bien des élèves passe nécessairement par le bien des enseignants. Aider un enseignant, c’est aider non pas une dizaine ou une centaine d’élèves, mais plutôt des générations entières de jeunes cherchant à s’intégrer au monde qui les entoure. À l’échelle de tout un système, nous parlerions plutôt de toute une société.

Il ne s’agit plus de l’avenir de cette poignée d’étudiants en terminale et des autres, mais de l’avenir de tous les étudiants algériens, même de ceux qui ne le sont pas encore. Le calcul est vite fait lorsqu’on s’y attarde.

Il n’y a plus qu’une seule solution : écouter les enseignants et ne plus voir dans leurs revendications la manifestation de désirs puérils, vils et égoïstes, mais faire, en vertu des pouvoirs conférés à l’État, du mieux que ce dernier le peut afin d’accomplir son rôle premier : assurer la pérennité du bien, non pas de tous les individus, mais de chacun afin que tous puissent apporter, du mieux qu’ils le pourront, leur pierre à l’édifice. Et je ne pense pas que c’est en étant réprobateur que le gouvernement fait de son mieux. Surtout en matière d’éducation.

Offrir de meilleures conditions aux enseignants, ce n’est pas satisfaire des désirs passionnels. C’est au contraire permettre une meilleure circulation des connaissances dans un milieu saint et dans une ambiance somme toute agréable : prémisses nécessaires à tout système qui désire éduquer ceux qui seront ses futurs citoyens et qui composeront avec une société qui n’en finira pas d’être au rendez-vous de ses promesses.

 

(*) Cette opinion a été publiée initialement sur le blog de son auteur.

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