Algérie : les cinq erreurs qui ont été fatales au régime de croissance actuel (contribution) - Maghreb Emergent

Algérie : les cinq erreurs qui ont été fatales au régime de croissance actuel (contribution)

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Cinq marginalisations ont été fatales au régime de croissance actuel et que nous avons souvent soulignées dans nos travaux et entretiens antérieures.

1/La marginalisation de l’industrie : ce n’est un secret pour personne que l’industrie a subi un revers sans précédent depuis les fameuses privatisations escamotées et qui se sont traduites par un recul de l’industrie à un niveau jamais atteint auparavant : moins de 5% du PIB pendant que nos voisins supposés être des modèles tirés par le tertiaire atteignaient des niveaux les 18% à 21% et plus. Les grands travaux d’infrastructure, certes nécessaires pour les besoins de rattrapage ayant absorbé une grande partie de la rente, l’effet induit ne s’est pas pleinement ressenti sur le reste de l’économie. Les causes sont multiples et qu’il serait trop long de détailler ici. L’effet d’entraînement espéré du secteur du BTP a été relativement marginal sur le secteur secondaire. Contrairement à l’affirmation qui dit que quand « le bâtiment va tout va », dans notre cas quand le bâtiment va, « rien ne va plus ». Des capitaux colossaux du secteur privé qui auraient dû s’investir dans le secteur manufacturier et créer des milliers d’emplois pour les jeunes ont alimenté la construction immobilière faisant migrer ces capitaux de la sphère productive vers la sphère des « rentes secondaires ».

2/ La marginalisation du capital humain : c’est un fait notoire depuis les théories de la croissance endogène, qu’au cœur de la croissance trône le capital humain. Le capital humain c’est le résultat de l’investissement mené dans la sphère de l’éducation et la formation mais également la capacité à l’insérer d’une matière rapide et avantageuse dans les circuits économiques productifs. Le premier fléau bien analysé par les spécialistes de l’économie et de la sociologie de l’éducation et souvent mis en exergue, c’est la qualité de l’éducation et tous les problèmes qu’a connu le secteur, mais ce n’est qu’un aspect de la chose. L’autre dimension, c’est l’insertion inadéquate du capital humain dans la sphère du travail : l’incitation du facteur travail appelé aussi ‘mise au travail’ n’a pas pleinement réussi. Les sources relèvent aussi bien du management conventionnel largement marginalisé dans nos écoles et universités , que des question plus profondes de gouvernance d’entreprise et de facteurs socio-politiques. Les gains de productivité ont de ce fait été largement en dessous des normes requises par la compétitivité nationale et internationale.

3/ La marginalisation de la sphère du savoir : nous l’avons écrit plusieurs fois également et nous avons longtemps milité pour l’insertion de l’Algérie dans l’économie du savoir. Nous avons également tenté d’impulser une réflexion et action pour qu’elle soit effective au niveau de la sphère de la décision. Malheureusement, une vision authentiquement algérienne n’a pu se développer. La réflexion que nous avons réussi à accompagner au sein du CNES (Conseil National économique et social) s’est contentée d’un bilan et un état des lieux. La deuxième étape qui devait se traduire par une véritable stratégie et une vision à long-terme n’a pu voir le jour.  Et l’Algérie reste marginalement insérée dans cette économie alors qu’elle régit l’économie globalisée à l’heure actuelle.

4/ La marginalisation des compétences à l’étranger dans la dynamique de développement. C’est une évidence que les pays qui ont connu une impulsion remarquable de leur croissance ont été ceux qui ont savamment su distiller dans les politiques de développement la force de frappe et le gisement que représentaient leurs compétences scientifiques, techniques et entrepreneuriales résidentes à l’étranger : Corée du Sud, Chine, Inde, en tête et bien d’autres. Nous l’avons également souligné dans nos différentes publications et travaux. Souvent c’est l’inverse qui s’est passé ; Nos compétences sont restées largement tenues en marge de toutes les dynamiques aussi bien globales que sectorielles dans le pays. Un langage entretenu et savamment distillé aussi bien par les autorités que par les partie-prenantes au plus bas de l’échelle a tenté d’opposer compétences internes et compétences extérieures et dont les effets dévastateurs ne peuvent qu’être constatés à l’heure actuel. L’Algérie est parmi les pays qui mobilise le moins ses compétences à l’extérieur.

5/ La marginalisation de la « classe créative » pour reprendre l’expression de Richard Florida. Cette classe inclue toutes les personnes, hommes, femmes, jeunes et tous les secteurs ( agriculture, industrie, services) inclus les secteurs de l’Art, la culture, la pensée où un magnifique gisement de créativité et de dynamisme sommeille et que les politiques successives mises en place n’ont pas pleinement capturé et mobilisé. L’innovation, maître mot de la réussite avec ses multiples facettes depuis Schumpeter, est restée au niveau des incantations et il est inutile de rappeler la place peu reluisante que notre pays occupe sur les différentes grilles internationales de mesure de la capacité d’innovation. Il est clair que l’explosion de ce torrent d’idées et de projets innovants ne peut se faire dans le domaine technique et technologique sans des innovations sociales, institutionnelles et politiques.

Et dans cette classe créative, la jeunesse occupe un rôle central du fait de son énergie, son appétence au changement et son regard résolument tournée vers l’avenir. C’est elle également qui a montré une capacité formidable à absorber la révolution numérique à l’heure actuelle et qui préfigure la 4ème révolution industrielle déjà à nos portes. L’Algérie devra inévitablement s’y engouffrer d’une manière efficace et avantageuse avec ses forces vives et sa jeunesse en tête.

Des femmes et des hommes nouveaux avec une autre vision, une énergie et une fougue d’un autre calibre seront nécessaires. Les marches actuelles auxquelles nous nous associons et que nous appuyons fortement sont un formidable gisement d’énergie et de créativité, mais aussi un modèle d’expression populaire citoyenne et démocratique inégalable dans les pays du Sud. Il s’agit maintenant de savoir comment canaliser intelligemment toute cette énergie vers une Algérie qui occupera sans aucun doute sa place dans le concert des nations gagnantes en très peu de temps.

L’association Maghtech que nous avons l’honneur de présider soutient également les marches populaires dans notre pays contre le 5ème mandat.

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