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Algérie

Algérie – Les quatre conditions de l’efficacité de l’emprunt national obligataire et de l’emprunt extérieur (contribution)

Par Maghreb Émergent
mars 18, 2016
Algérie – Les quatre conditions de l’efficacité de l’emprunt national obligataire et de l’emprunt extérieur (contribution)

Après les résultats très mitigés, comme je l‘avais prévu dans maintes contributions, de la tentative d’insertion du capital argent de la sphère informelle au sein de la sphère réelle, le gouvernement algérien, face à la chute du cours des hydrocarbures, se lance dans l’emprunt obligataire à compter d’avril 2016, tout en envisageant, avec des discours contradictoires des responsables, d’où l’urgence d’une communication cohérente, l’éventualité d’un endettement extérieur, d’ailleurs irréversible selon le FMI dans son rapport de mars 2016.

1.-Pour l’emprunt obligataire, je recense quatre conditions pour sa réussite
Premièrement, il doit s’inscrire dans le cadre d’une plus grande rigueur budgétaire, évitant de dépenser sans compter. En effet, l’emprunt obligataire de l’Etat, comme je l’ai suggéré au gouvernement plus de trois ans avec un taux d’intérêt de 5% est une dette garantie par l’Etat mais supportée par les générations futures. Le gouvernement espère drainer une fraction du capital argent de la sphère informelle qui représente 40% de la masse monétaire en circulation et occupe 50% de la superficie économique selon les rapports internationaux. En réalité, face à l’importance du déficit budgétaire, cet emprunt concerne les dinars en circulation en réalité a pour but de combler le déficit budgétaire en cas d’épuisement du fonds de régulation des recettes prévu au rythme de la dépense actuelle courant 2017, au vu du déficit important de la loi de finances 2016.
Deuxièmement, le taux d’intérêts doit être supérieur au taux d’inflation. Sinon les ménages se réfugieront dans l’achat de devises fortes, de l’or ou de l’immobilier afin de préserver le pouvoir d’achat de leur épargne. 
Troisièmement, il y a lieu d’éviter le dérapage accéléré du dinar qui a indirectement un impact à la fois sur les coûts de production des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% et sur le pouvoir d’achat des ménages dont les besoins dépendent à 70% de l’extérieur, un dinar dévalué de 30% du fait des taxes fiscales arrivant aux consommateurs avec une augmentation de plus de 50%. 
Quatrièmement, pour que cet emprunt éventuellement se transforme en investissement, il ne doit pas concerner le financement de rémunérations improductives et des activités rentières (idem pour l’emprunt extérieur), avec deux écueils à éviter impliquant un changement culturel de certains responsables : premier écueil, l’illusion monétaire. Dans une économie productive, toute dévaluation du dinar aurait dû entraîner une dynamisation des exportations hors hydrocarbures. Or le cours du dinar est passé de 5 dinars un dollar en 1970 à plus de 107 dinars un dollar en 2015/2016 et l’Algérie est toujours mono –exportatrice 97% d’hydrocarbures avec les dérivées et le secteur privé représente moins de 1% des exportations totales montrant que le blocage est d’ordre systémique. Deuxième écueil, éviter l’illusion de l’ère mécanique des années 1970. L’on devra synchroniser la sphère financière avec la sphère réelle et prendre en compte les nouvelles mutations mondiales à l’approche de la quatrième révolution industrielle. Sous réserves d’objectifs stratégiques précis, il est souhaitable un grand ministère de l’économie pour éviter les dysfonctionnements ainsi que le primat de l’économie de la connaissance d’où aussi l’importance d’un grand ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique.

2. Concernant l’endettement extérieur, face à la conjoncture financière difficile, la dette extérieure étant inférieure à 4 milliards de dollars, une situation différente des années 1986, existent des marges de manœuvres. Mais au rythme de la dépense actuelle (sorties de devises 75 milliards de dollars en 2014 avec les transferts légaux de capitaux et 65 milliards de dollars en 2015) les réserves de change de 143 milliards de dollars au 01 janvier 2016 contre plus de 192 milliard au 31/12/2014 seront épuisées entre 2018/2019. Cet endettement ne sera positif qu’à quatre conditions.
Premièrement, tout dépend de la capacité de remboursement et donc d’une économie productive concurrentielle en termes de coût/qualité, étant à l’ère de la mondialisation. La majorité des pays développés sont endettés mais ont un appareil productif performant, gérant leur endettement avec précaution afin de ne pas faire supporter ce fardeau aux générations futures. Ainsi, la dette publique mondiale s’élève entre 2014/2015 à près 55 000 milliards de dollars contre 26 000 milliards en 2005. Si l’on ajoute les dettes privées, la dette mondiale atteint même les 100 000 milliards de dollars. Dans ce cadre comme je l’ai suggéré au gouvernement, si le cours devait se maintenir à un cours bas, l’emprunt extérieur ciblé concernant les entreprises productives qui peuvent rembourser le principal et les intérêts est souhaitable. L’on devra écarter tout emprunt extérieur pour les segments non exportateurs (ces derniers pouvant se porter emprunteur sur le marché intérieur en dinars, sous réserve de leur rentabilité) et les importations devant mettre en place les réformes pour une croissance soutenue.
Deuxièmement, au vu des taux d’intérêts internationaux bas des banques centrales, (entre 0 et 0, 5%), posant d’ailleurs la problématique des rendements des réserves de change algériennes placées à l’étranger, en obligations européennes et en bons de trésor américains, ces emprunts doivent l’être à moyen et long terme afin de se prémunir contre la baisse des réserves de change, en attendant la relance de l’appareil productif horizon 2019/2020. C’est que le cours du dinar algérien (comme le rouble russe qui subi une dévaluation importante) est corrélé à 70% aux réserves de change via la rente des hydrocarbures. Tout amenuisement de ces réserves entraîne automatiquement un dérapage du dinar officiel étant passé depuis une année de 75 dinars à plus de 107 dinars un dollar et avec un écart de 30/40% sur le marché parallèle avec des incidences inflationnsites. Aussi les réserves de change évaluées à 143 milliards de dollars au 01 janvier 2016 par le FMI doivent être utilisées à bon escient. Si les réserves de change étaient de 10 milliards de dollars, le cours officiel du dinar serait coté à plus de 200 dinars un dollar avec un écart plus important sur le marché parallèle.
Troisièmement, éviter l’autonomisation de financement par Sonatrach qui n’est pas la propriété des dirigeants de Sonatrach mais la propriété de toute la collectivité qui finance toute l’économie, pouvant se porter emprunteur sur le marché financier international mondial. Elle ne doit pas s’autonomiser au détriment des autres secteurs de l’économie car avec un cours moyen de 40 dollars le baril, son profit net, déduit des charges, ne dépasse pas 15 milliards de dollars et à 50 dollars 21 milliards de dollars et comment dès lors financera-elle son programme de 90/100 milliards de dollars sans compter les 20/30 milliards de dollars de Sonelgaz entre 2016/2020 ? Le financement se pose plus d’acuité pour les 100 milliards de programmés entre 2016/2030 pour les énergies renouvelables devant couvrir à cette période 40% de la consommation intérieure d’électricité.
Quatrièmement, comme annoncé par la majorité des chancelleries, étrangères (USA/Europe) – expliquant la chute drastique des IDE, et sous réserve d’une visibilité et cohérence de la politique socio-économique, excepté les secteurs stratégiques qu’ils ‘agira de définir avec précision, assouplir la règle des 49/51% avec éventuellement une minorité de blocage, pour les PMI/PME. Car cette règle généralisée défendue par certains tenants de la rente, n’a pas eu les résultats escomptés, l’Algérie supportant tous les surcoûts, sans garanties de transfert technologique et managérial.

En résumé, l’Algérie recèle des potentialités pour surmonter la crise actuelle renvoyant tant aux réformes économiques, politiques que sociaux. Concernant notre problématique, si l’on veut éviter les effets pervers tant de l’emprunt obligataire que de l’emprunt extérieur, s’impose une autre gouvernance reposant sur l’économie de la connaissance, des institutions réalisant la symbiose Etat-citoyens pour un retour à la confiance. Cela implique la moralité, et de profondes réformes structurelles, micro-économiques et institutionnelles, certes difficiles car déplaçant d’importants segments de pouvoir assis sur la rente(1).

*Professeur des Universités expert international
[email protected]

(1)- Interview du professeur Abderrahmane Mebtoul (Algérie) à paraître – dans le grand magazine afrique.lepoint.fr- Paris France (fin mars 2016) – « bilan et perspective de l’économie algérienne face aux enjeux géostratégiques et sécuritaires »

 

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