Algérie: Mauvais timing pour les réformes économiques - Maghreb Emergent

Algérie: Mauvais timing pour les réformes économiques

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L’Algérie n’a pas engagé de réformes dans les années d’aisance. Elle s’y engage timidement, sous la contrainte, dans les années de disette.

 

Après avoir raté l’opportunité des ajustements économiques dans les années fastes, le gouvernement se trouve aujourd’hui contraint de prendre ces mêmes mesures dans la difficulté. Ce qui était nécessaire pour l’économie devient aujourd’hui une contrainte budgétaire. Certaines décisions pouvaient être bénéfiques en vue de restaurer une certaine rationalité économique si elles avaient été prises il y a quelques années. Mais aujourd’hui, elles apparaissent comme des restrictions budgétaires, et confortent cette idée selon laquelle l’économie algérienne ne peut s’affranchir des hydrocarbures.

Les exemples sont légion. A commencer par le prix du pain. Celui-ci n’a pas augmenté depuis un quart de siècle! Le prix est si bas que la marge des boulangers a été sérieusement grignotée. Ce qui a poussé le ministère du Commerce à leur supprimer des taxes pour préserver leur profit.

Le prix est si bas qu’il décourage tout un pan d’activité. En amont, les céréales sont subventionnées, ce qui donne lieu à un énorme trafic à la collecte, ainsi qu’un trafic difficile à évaluer aux frontières. Quelle quantité de céréales consomment les Algériens? Les chiffres publiés indiquent une consommation hors normes, la plus élevée au monde. Non seulement l’Algérie est le premier importateur de céréales au monde, mais l’Algérien serait le premier consommateur au monde.

Prix du pain: stable depuis un quart de siècle

Pourtant, une augmentation du prix de la baguette d’un demi-dinar par an, sur les quinze dernières années, n’aurait offusqué personne. Elle aurait permis de doubler le prix sur cette période, et d’arriver à un niveau proche du coût réel. Quitte à accélérer la cadence dans certains moments.

Les avantages d’une telle démarche sont nombreux, disséqués à longueur d’année par les experts. Cela permettrait d’abord de réintroduire des normes de gestion acceptables dans le secteur, avec un possible équilibre à atteindre sans l’intervention de l’Etat dans le prix. L’argent ainsi économisé pourrait aller aux encouragements à la production, en amont : conquêtes de nouvelles terres, et irrigation d’appoint pour les céréales.

Agir sur les prix permet aussi de réguler la consommation. On limite ainsi les gaspillages : l’Algérie a donné naissance à un marché prospère de pain rassis. Ce qui est importé à un prix relativement élevé et destiné à la consommation humaine est orienté vers le bétail.

Un pain un peu plus cher permettrait aussi d’accélérer la transition alimentaire. L’équation parait d’ailleurs simple : manger plus de pomme de terre et moins de pain. C’est d’autant plus séduisant que la production de pomme de terre est abondante, et qu’il y a encore de la marge pour l’augmenter. Une baisse de la consommation de céréales, avec une hausse de la consommation de la pomme de terre, provoquerait une hausse du prix de la pomme de terre, et sauverait cette filière où les prix sont bas, voire trop bas.

Distorsions

Le gouvernement a toujours refusé d’aller dans cette direction. Par manque d’imagination, par manque de courage politique, ou de crainte de provoquer une explosion sociale, peu importe. Le résultat est le même : depuis plusieurs années, la production de céréales baisse, les importations augmentent en quantité. Pour l’heure, le pays est sauvé par deux facteurs sur lesquels il n’a aucune prise : la baisse des prix à l’international, et la hausse du dollar, qui provoquent une baisse des importations de céréales en valeur, malgré la hausse des quantités.

Mais le gouvernement se rend bien compte de l’absurdité de sa démarche. Elle le mène à l’impasse, non parce qu’il ne dispose plus des fonds nécessaires pour poursuivre les subventions, mais parce que les subventions ont créé de telles distorsions que le secteur est totalement déséquilibré.

Moment inopportun

Il en est de même pour l’énergie. Le gaz et l’électricité sont tellement subventionnés que produire de l’énergie à partir de sources renouvelables, par exemple, pousserait Sonelgaz à de grosses pertes financières. Pourquoi s’engager sur un terrain incertain alors qu’il suffit d’attendre le gaz de Hassi-R’Mel, pas cher et disponible? Et ce n’est pas en période de restrictions et de rareté de l’argent que Sonelgaz va se lancer dans les coûteux investissements nécessaires au renouvelable.

Mais dans la loi de finances 2016, le gouvernement a été contraint de revoir le prix de l’énergie à la hausse. La première tentative n’a pas provoqué de remous. «La pilule est passée» assez facilement. Le gouvernement est donc tenté de revenir à la charge, avec de nouvelles augmentations envisagées pour 2017. Contrairement aux appréhensions de l’exécutif, les risques de contestation demeurent faibles.

Mais en faisant ces choix dans la conjoncture actuelle, le gouvernement veut seulement combler une partie des déficits. Il ne s’attaque pas aux distorsions de l’économie. Il règle un problème de trésorerie, sans s’attaquer aux déséquilibres structurels de l’économie algérienne.

Pourtant, dans l’euphorie des augmentations des salaires de 2011-2012, une telle mesure pouvait passer comme une lettre à la poste. Aujourd’hui, elle apparait comme une sanction, dans un climat politique sérieusement dégradé. Même si elle est toujours nécessaire, elle apparait inopportune, car elle ne vise pas à améliorer la gouvernance, mais à sauver la mise au gouvernant.

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