Tous les animateurs de la campagne électorale au profil du président candidat aux présidentielles d’avril 2014 avaient fait de la baisse du chômage leur cheval de bataille et le slogan de leur meetings.
Depuis le premier programme de relance économique lancé par le président de la République M. Abdelaziz Bouteflika en 2001, les officiels ne ratent aucune sortie médiatique pour annoncer la baisse du taux de chômage et la création de plusieurs centaines de milliers de nouveaux emplois chaque année.
Ce discours triomphaliste a occupé les devants de la scène politique nationale durant les trois premiers mandats du président Bouteflika. En 2001, ce dernier avait promis lors de l’annonce du premier programme de relance économique, auquel 7 milliards de dollars ont été consacrés, la création d’un million de postes de travail. Une promesse tenue, selon les officiels et les partis politiques qui ont soutenu la candidature du chef de l’Etat pour un second mandat en avril 2004.
A peine réélu pour un second mandat avec une majorité écrasante, le président de la République annonce un nouveau programme appelé « Programme de soutien à la croissance ». Un projet qui prévoyait la création de deux millions de postes de travail entre 2005 et 2009. Un chantier ambitieux qui a suscité des espoirs parmi les millions de chômeurs diplômés et non diplômés. La « concrétisation » de ces deux millions d’emplois a provoqué un fait nouveau en Algérie. Il s’agit de la rareté de la main-d’œuvre. « Les secteurs de l’agriculture et de BTPH cherchent désespéramment des travailleurs », avait déclaré le Premier ministre, Ahmed Ouyahia à la veille des élections présidentielles d’avril 2009.
Dans son programme électoral pour les présidentielles d’avril 2009, le président candidat a fait une nouvelle promesse plus audacieuse cette fois-ci : Il s’est engagé à créer 3 millions de postes d’emploi entre 2009 et 2014. Une annonce astronomique « Qui a suscité des jalousies » notamment en Europe qui vivait à cette époque une crise économique, a commenté un homme politique proche du pouvoir.
Officiellement, entre 2000 et 2014, ce sont 6 millions de postes d’emplois qui ont été créés « grâce aux différents programmes de développement lancés par le président de la République ».
Une baisse record du chômage
Situé près de 30% en 1999, le taux de chômage a baissé à moins de 10% en 2014, selon les chiffres communiqués par l’Office national des statistiques (ONS). Avec 9,4% en 2014, l’Algérie affichait un taux chômage parmi les moins élevés au monde. « Aucun pays au monde n’a réussi à faire comme l’Algérie », se réjouissait à cette époque l’ex-ministre du Travail et de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Tayeb Louh. Tous les animateurs de la campagne électorale au profil du président candidat aux présidentielles d’avril 2014 avaient fait de la baisse du chômage leur cheval de bataille et le slogan de leur meetings. Le rythme annoncé de création d’emploi devait faire passer l’Algérie d’un pays ravagé par le chômage en 1999 à un pays qui devait arriver au stade du plein emplois en 2019. Un objectif raisonnable, d’après bien sûr les officiels et les voix proches du pouvoir.
La CNR démystifie la réalité
Tout allait bien pour le gouvernement et les partis politiques qui le soutiennent jusqu’à l’été 2014. En effet, soudainement et contre toute attente, les prix du baril chutent brusquement et marquent le début de l’ère des vaches maigres et la fin des discours triomphalistes. La fiscalité pétrolière dont 2,5% sont injectés dans les comptes de la Caisse nationale des retraites (CNR), ne suffit plus pour assurer les pensions de retraites. Du coup, le gouvernement se trouve contraint de chercher des solutions alternatives.
Une révision des conditions du départ en retraite a été préconisée pour réduire les charges. Ainsi, le départ en retraite sans condition d’âge et la retraite anticipée ont été supprimés en janvier 2017. Une mesure impopulaire qui n’a pas tout réglé. Le déficit de la CNR se creuse et s’inscrit dans la durée. D’autres solutions draconiennes s’imposent pour permettre à la CNR de retrouver l’équilibre financier.
Des solutions qui sont en cours d’étude et d’élaboration dans les bureaux fermés du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. Cette crise lève le voile sur une réalité amère, longtemps mystifiée et cachée : Le nombre de cotisants à la CNR évolue timidement voire moins que nécessaire pour maintenir les équilibres financiers entre les cotisants et les retraités.
Moins de 7 millions de cotisants à la CNR
Pour préparer l’opinion publique à des mesures draconiennes, le directeur général de la Caisse nationale des retraites, Slimane Melouka a révélé, le 4 juillet courant, sur les ondes de la chaine 3 de la radio nationale un chiffre effrayant qui remet en cause la crédibilité de tout ce qui a été dit sur la création d’emplois entre 2000 et 2014. Selon ses révélations, les recettes de la CNR pour l’année en cours seront de l’ordre de 700 milliards DA contre des dépenses qui atteindront les 1.200 milliards DA.
Il ajoute : « Au cours des six dernières années, les recettes de la CNR n’ont augmenté que de 50 milliards de DA contre 600 milliards pour les dépenses ». Un aveu qui témoigne de la modestie de nombre de postes de travail formels créés réellement au cours des dix dernières années. Selon ses dires toujours, aujourd’hui, 2 travailleurs cotisent pour un retraité au lieu 5 pour arriver à l’équilibre. Il précise, en outre, que le nombre de retraités en Algérie a atteint les 3,2 millions. Avec un simple calcul, on constate que le pays compte 6,4 millions salariés qui cotisent régulièrement à la CNR. A ces derniers s’ajoutent près d’un million de cotisants non-salariés à la CASNOS. En tout, ce sont 7 millions d’Algériens qui alimentent les caisses de la CNR.
Ce chiffre officiel pose plus d’une interrogation sur le sort des 6 millions de postes de travail créés, selon le discours officiel, entre 2000 et 2014. Trois hypothèses peuvent expliquer ce gigantesque décalage entre le discours et la réalité. La première c’est que les chiffres de création d’emplois annoncés par les officiels n’ont rien à voir avec la réalité du terrain.
Autrement dit, il s’agissait de propagande destinée exclusivement à des fins politiques et médiatiques. La deuxième hypothèse est que la quasi-totalité des emplois créés étaient temporaires. En clair, ce sont des emplois liés au BTPH. La dernière hypothèse : La majorité des emplois créés activent dans le secteur informel. C’est pour cela qu’on ne trouve pas leur trace à la CNR.