Des experts préviennent contre l’option de voir Sonatrach changer les profils de production de ses gisements de pétrole pour augmenter les volumes d’extraction. Option avérée depuis cette semaine.
Le ministre algérien de l’énergie Salah Khabri a indiqué qu’il existe « une marge de sécurité qui permet d’augmenter la production de Hassi Messaoud sans mettre en danger le gisement ». Cette déclaration faite lors de la table ronde du CNES sur la résilience de l’économie algérienne face à la chute des prix du pétrole, a relancé les préoccupations des experts au sujet du sort des « vieux gisements » algériens arrivés pour la plupart en phase de déplétion. C’est Abdelmadjid Attar, ancien PDG de Sonatrach et ancien ministre des ressources en eau, qui a interpellé le gouvernement en présence de Abdelmalek Sellal sur le risque que constitue la tentation de « tirer sur les gisements » en augmentant la production de pétrole au risque de mettre en péril leur avenir. « Nous devons penser à laisser une partie de cette ressource aux générations futures » a prévenu Abdelmadjid Attar. Ce à quoi a répondu rapidement l’actuel ministre de l’énergie, que la production sur les gisements pétroliers algériens se situe en dessous des taux techniques prudentiels d’extraction qui permettent la bonne préservation des gisements dans le long terme, selon une évaluation récente.
« Il y’a de la marge pour extraire 5% de plus à Hassi Messaoud »
Cet écart serait même de 5 points en dessous de la limite convenue sur le gisement géant Hassi Messaoud, « ou le taux est de 15% alors que nous pouvons aller jusqu’à 20% » a précisé Salah Khabri sans préciser toutefois si Sonatrach était en passe d’élever la production d’huile dans les mois qui viennent hors nouveaux gisements. Des informations venant de l’intérieur de Sonatrach laissent entendre que le nouveau PDG de la compagnie, Amine Mazouzi, subit une « amicale » pression de ses nombreuses tutelles politiques afin d’envisager une augmentation de la production physique de pétrole si la baisse des prix devait se prolonger encore plus voire s’aggraver. L’Algérie a augmenté sa production de pétrole de 32 000 barils par jour en aout dernier suite à l’entrée en production de deux petits nouveaux gisements. Le pays a produit en moyenne 1,1 million de baril jour en aout 2015 selon Reuters. Le ministre de l’énergie a également profité de son intervention devant le premier ministre, le gouvernement économique et les experts réunis par le CNES pour évoquer la possibilité d’élever le taux de récupération sur le gisement de Hassi Messaoud. « il est actuellement de 18% nous pouvons aller jusqu’à 35% » a-t-il affirmé.
« Un profil de production intensif réduit l’ère pétrolière algérienne »
Dans une publication en juin dernier Abdelmadjid Attar avait estimé que « les réserves initiales prouvées découvertes à ce jour en pétrole brut, c’est-à-dire pouvant certainement être produites, sont d’environ 3 400 millions de tonnes dont 2 000 millions ont déjà été produites. Il n’en reste à produire que 1 400 millions de tonnes mais il faut leur ajouter aussi les réserves prouvées de condensat dont il reste à produire environ 250 millions de tonnes, soit un total prouvé restant de 1 650 millions de tonnes d’hydrocarbures liquides, non compris le GPL ». D’où l’enjeu considérable du profil de production des prochaines années. S’il devait être plus intensif, le risque d’un épuisement encore plus rapide des quantités disponibles à l’exportation serait plus fort. « On peut estimer que l’Algérie ne pourra presque plus rien exporter dans 25 à 30 ans, à moins que la Sonatrach ne nous surprenne avec de nouvelles découvertes susceptibles de reporter cette échéance » déclarait alors l’ancien PDG de Sonatrach. A côté du respect d’un profil de production qui ne mette pas en péril la durée de vie des gisements, l’autre urgence signalée par les experts lors de la table ronde du CNES aura été celle d’engager la transition énergétique vers un modèle de consommation algérien moins gourmand en Hydrocarbures.