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Algérie

Algérie: Rencontre Gouvernement/Walis: rationaliser les dépenses et optimiser la demande sociale

Par Mohamed Zenina
août 28, 2016
Algérie: Rencontre Gouvernement/Walis: rationaliser les dépenses et optimiser la demande sociale

Une réunion Gouvernement – Walis est programmée prochainement courant septembre 2016 : sera-t-elle  une énième réunionite comme  les  précédentes sans actions concrètes où le  suivi a fait cruellement défaut, ou débouchera-t-elle enfin sur des actions opérationnelles ?

 

La pression démographique souvent oubliée sera le principal défi des années à venir avec l’accroissement des besoins sociaux  posant la problématique des liens entre développement  et sécurité.  La crise liée à la chute du prix des hydrocarbures et les conséquences sur le budget de l’Etat, impliquent  la révision  des politiques menées,  car l’ère des transferts des budgets de l’État pour pallier les déficits de gestion est révolue. Or, en dépit des instructions du président de la république et du  premier ministre, allant dans le sens d’une rationalisation des dépenses, la gestion tant des Ministères  que    des collectivités locales demeure empreinte d’une forte tendance à la dépense sans analyser les impacts. L’objectif  est une réorganisation institutionnelle devant être sous tendue  par le trio– stratégie/ suivi de la stratégie-exécution

 

1.- Il s’agit de replacer l’action du gouvernement dans le cadre d’une véritable  politique de l’aménagement du territoire en Algérie, structure qui devrait  être rattachée au Ministère  de l’Intérieur. L’Algérie s’étend sur 2 380 000 km2 dont 2100 000 km2 d’espace saharien.  La densité paraît faible, mais les neuf dixièmes de la population sont concentrés sur les terres du nord.  L’objectif stratégique horizon 2016/2030 est éviter que plus de 95% de la population vive sur moins de 10% du territoire et avoir une autre vision de l’aménagement pour un espace équilibré et solidaire Les collectivités locales les 48 wilayas et les 1541 communes (APC) doivent avoir d’autres missions que de se limiter à des guichets destinés à la prise en charge de certains services publics de base en s’appuyant essentiellement sur le budget de l’Etat car il n’y pas de commune pauvre en Algérie, mais bien une mentalité rentière prévalant au niveau des collectivités locales. Les rapports élaborés par les services de ce Ministère montrent un bilan négatif en matière de dynamisation de l’économie locale, les impôts étant insuffisamment recouvrés, certains biens étant exploités sans contrepartie et d’autres détournés de leur vocation. Ces rapports précisent que les Walis et les présidents d’APC se sont limités aujourd’hui au rôle, à distribuer le couffin de Ramadhan, et à changer les carrelages des trottoirs et places publiques.  L’anarchie dont témoigne actuellement la croissance et les extensions désordonnées de nos villes, et notamment les plus grandes d’entre elles, ne pourra que s’accentuer, si l’on continue à accepter que les autorités locales demeurent livrées à elles mêmes pour répondre, sous la contrainte, à la demande sociale en espace à bâtir. Les constructions anarchiques avec le manque d’homogénéisation dans le mode architectural, le taux accéléré d’urbanisation avec des bidonvilles autour des grandes villes, avec le risque de l’extension de nouvelles formes de violence à travers le banditisme et de maux sociaux comme la drogue et la prostitution, , des routes, des infrastructures et des ouvrages d’art qui ont coûté à la collectivité nationale plusieurs dizaines de milliards de centimes inutilisables en cas d’intempéries, des routes éventrées à l’intérieur des villes où la plupart des autorités se complaisent uniquement aux axes principaux visitées par les officiels, des ordures qui s’amoncèlent depuis des mois à travers la majorité des quartiers périphériques , des logements que les citoyens refont surtout les seconds œuvres avec des VRD non finies , des espaces verts qui font place à du béton, la construction d’unités dangereuses et polluantes près des villes, des sites touristiques près des cotes de plusieurs centaines de lits qui déversent à la mer leurs déchets sans compter le manque d’eau pour l’hygiène, témoignent d’actions urgentes pour ralentir le rythme de la détérioration de notre environnement. Si la  centralisation à outrance, favorise un mode opératoire de gestion autoritaire des affaires publiques, une gouvernance par décrets, c’est-à-dire une gouvernance qui s’impose par la force et l’autorité loin des besoins réels des populations et produit le blocage de la société.  Les expériences historiques montrent clairement que si la centralisation a été nécessaire dans une première phase, elle a atteint vite ses limites et que ce sont les pays qui ont développé des décentralisations réelles et non des déconcentrations, synchronisant gouvernance centrale et locale, qui ont le mieux réussi leur développement. Le pays le plus décentralisé au monde ce sont les Etats Unis d’Amérique et voyez les cantons suisses, les Länder allemands ect… Une réorganisation du pouvoir local dont la base est la commune, pour une société plus participative et citoyenne s’impose supposant d’imaginer d’autres modes de gestion des Ministères et de tous les appareils de l’Etat.  C’est dans ce contexte, que les collectivités locales doivent doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les initiatives qui participent à l’amélioration de l’espace territorial, de passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités locales entreprises et citoyennes responsables de l’aménagement du développement et du marketing de son territoire. D’une manière plus générale, la mise en place d’une véritable décentralisation impliquant les acteurs locaux, doit avoir pour conséquence un meilleur gouvernement réel ressenti comme tel par la population, l’argument de base résidant dans la proximité géographique. Cela signifie qu’il existe une solution locale aux problèmes locaux et que celle-ci est nécessairement meilleure qu’une solution nationale.

2.- L’on devra impérativement prendre en compte les facteurs sociaux et culturels devant procéder à une réorganisation institutionnelle  du sommet à la base se fondant sur un Etat régulateur et non gestionnaire se fondant sur le  trio – stratégie/ suivi de la stratégie- exécution

– Etant selon la constitution  dans un régime semi-présidentiel, la création de grands départements  au niveau de la présidence de la république  chargés d’élaborer  la stratégique socio-économique en symbiose avec l’organisation gouvernementale

-de grands ministères  avec des secrétariats d’Etat techniques chargé du suivi de la stratégie

–  au niveau régional  quatre à cinq grands  pôles régionaux  avec un gouverneur chargé non de gérer mais de représenter l’Etat central assisté de walis managers évitant de puiser toujours  dans l’école nationale d’administration. L’objectif manager et non bureaucratiser : connaissez vous le nom du préfet  de Paris , de Bordeaux  et de New York ? Evidemment non , mais tout le monde connait le maire de Parsi  de Bordeaux et de New York.   L’objectif est  une véritable décentralisation  et non déconcentration,  en posant la problématique de la régionalisation économique qui favorisera une société plus participative et citoyenne

Aussi, la  structure chargée de la concrétisation de projets structurants, qui me semble la plus appropriée pour créer ce dynamisme, ce sont les chambres de commerce régionales (plusieurs wilayas).   Cette  structure régionale opérationnelle  que je propose au gouvernement  regrouperaient l’Etat jouant le rôle de facilitateur, les présidents d’APC, des représentants de la société civile,  les organisations patronales privées (  qui doivent aller vers des unifications  par  branches d’activité, y compris le FCE) , les entreprises publiques, les banques, les centres de formation professionnelle, et les universités/centres de recherche(1). L’action des chambres de commerce, seul interlocuteur des pouvoirs publics tant au niveau national( élection d’un conseil d’administration national)  que régional ,  lieu de concertation mais surtout d’impulsion pour la concrétisation de projets serait quadruple :

– premièrement, dynamiser les infrastructures de base et préparer des sites confiés à des agences de promotions immobilières publiques et privées; 

deuxièmement, mettre à la disposition des sociétés une main-d’œuvre qualifiée grâce à un système de formation performant et évolutif allant des ingénieurs, aux gestionnaires, aux techniciens spécialisés et ce, grâce aux pôles universitaires et des centres de recherche, évitant ce mythe d’une université par wilayas. Exemple la chambre de commerce offrirait un poste pour 10 candidats en formation, les 90 % non retenus ne constituant pas une perte pour la région. L’apprentissage en dynamique est un capital humain pour de futures sociétés qui s’installeraient dans la région, une société installée payant des impôts qui couvriront largement les avances en capital de la formation avancée. Cette formation devra être adaptée pour tenir compte de la norme qualité standard, le label qualité étant exigé pour tout exportateur en direction de l’Europe, de l’Amérique, de l’Afrique ou de l’Asie. Ainsi, nous assisterions à une symbiose entre l’université et les entreprises. Car les sociétés ont besoin de l’accès aux chercheurs, aux laboratoires pour les tests d’expérimentation et l’université a besoin des sociétés comme support financier et surtout d’améliorer la recherche. Les étudiants vivent ainsi la dialectique entre la théorie et la pratique ;

– la troisième action est de favoriser des entreprises souples reposant sur la mobilité et les initiatives individuelles. Des tests ont montré que l’initiative personnelle, pour certains produits, permet d’économiser certains équipements (donc d’avoir un amortissement moindre dans la structure des coûts) et de faire passer le processus de sept (7) minutes (420 secondes) à 45 secondes soit une économie de temps de plus de 90 % améliorant la productivité du travail de l’équipe . Ce qu’on qualifie d’équipes auto- dirigées ;

– la quatrième action, la chambre de commerce intensifierait les courants d’échange à travers différentes expériences entre les régions du pays et l’extérieur et l’élaboration de tableaux de prospectifs régionaux, horizon 2016/2020/2030. La mise à la disposition des futurs investisseurs de toutes les commodités nécessaires ainsi que des prestations de services divers (réseau commercial, loisirs) est fondamentale Cette symbiose entre ces différentes structures et certains segments de la société civile doit aboutir à un tableau de bord d’orientation des futures activités de la région, afin de faciliter la venue des investisseurs

Ces actions synchronisées  doivent avoir pour objectif  de  rapprocher l’Etat du citoyen pour satisfaire la demande sociale en croissance avec la pression démographique.  Outre la refonte du statut de l’administration tant centrale  que locale, il va sans dire que les prérogatives nouvelles qui en découleront pour l’autorité locale ne pourront s’exercer que si elles sont accompagnées par une réforme des finances locales, devant imaginer un système de péréquation entre  les APC riches et les APC  les plus pauvres.  Dans le même temps, l’Etat doit sauvegarder ses missions fondamentales de garant de tout ce qui constitue les intérêts de la communauté nationale (cohésion et justice sociale, sauvegarde du patrimoine public, égalité des chances pour l’épanouissement de tous les citoyens…). En effet, l’autonomie de la gestion locale ne peut s’exercer que dans le respect des politiques et stratégies que met en œuvre l’Etat, tant pour régler et orienter le développement économique et social du pays, que pour aider et organiser le développement équitable et la bonne gestion de toutes les composantes de l’espace national. La pleine réussite de ce processus complexe éminemment politique implique de poser le rôle de l’Etat et son articulation avec le marché dans la future stratégie socio- économique ce qui renvoie au mode de gouvernance tant local qu’international. Tirons les leçons de toutes ces tensions sociales qui se manifestent à travers la majorité des wilayas ( voir les derniers rapports-2016- alarmants de la gendarmerie nationale et de la DGSN)existant  un lien dialectique entre sécurité et développement, entendu développement multidimensionnel, à ne pas le circonscrire uniquement à l’Economique, vision bureaucratique matérielle du passé ce qui serait une grave erreur politique..

3.- En résumé, l’ensemble des actions citées précédemment implique  une vision stratégique,  d’où l’importance d’un organe de planification stratégique sous l’autorité du président de la république ou du Premier Ministre et non d’actions conjoncturelles, doivent s’insérer dans le cadre d’une réorganisation tant gouvernementale autour de grands ministères, notamment économie/éducation/recherche scientifique. D’où l’urgence d’une révision déchirante de l’actuelle politique socio-économique qui doit être fondée sur la bonne gouvernance, l’économie de la connaissance et des entrepreneurs créateurs de richesses et non de rentiers, un Etat de Droit, devant  favoriser une société participative et citoyenne passant par la restructuration du système partisan ainsi que la société civile comme puissant réseau de mobilisation afin d’éviter l’affrontement direct citoyens/forces de sécurité. Espérons la fin des discours démagogiques, facteur de démobilisation et  reconnaissons une lente mutation culturelle de la part de certains ministres  face à la chute drastique du cours des hydrocarbures, en espérant ne pas renouveler l’expérience malheureuse de la crise de 1986, ce qu’aucun patriote ne souhaite.  Face aux tensions budgétaires 2016/2020, la prochaine rencontre Gouvernement /Walis, débouchera t- elle sur des actions opérationnelles? 

Permettra t- elle de concilier  deux facteurs apparemment  contradictoires, la rationalisation des dépenses et l’optimalisation  de la demande sociale  afin d’aboutir à de véritables technopôles régionaux ?   Comment ne pas rappeler le verdict du président Abdelaziz Bouteflika  en 2007,  je le cite « des technopoles en Algérie? En réalité de vulgaires hangars »  Président Abdelaziz BOUTEFLIKA lors de la conférence Gouvernement – Walis (novembre 2007)- [email protected]

Références

-Ouvrage du professeur Abderrahmane Mebtoul  – Economie de marché, bonne gouvernance et Etat de Droit en arabe-anglais-français Edition Dar Gharb 2002(140 pages chaque volume) ou a été mis en relief les rôles respectifs de l’Etat et du marché — et ouvrage collectif sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul « enjeux et défis de l’Algérie 2004/2009 face aux enjeux de la mondialisation » paru à Casbah Editions Alger mai 2004, 2 tomes 500 pages avec les universitaires et praticiens de l’économie où un chapitre complet a été consacré à la gestion des collectivités locales où la majorité des recommandations du Ministre de l’Intérieur en 2016 reprennent nos propositions formulées en 2004. -Voir Dynamisation  régionale  et pôles d’excellence (l’expérience de Greenville USA – contribution du professeur Abderrahmane Mebtoul 29/11/2007 (www.google.com), écrit qui a fait suite à ma tournée aux USA notamment à New York- Virginie, Washington  et en  Caroline du Sud et où j’ai commenté la réunion walis/gouvernement tenue en novembre 2007.

– Comme réorientation de la politique économique  voir  plusieurs  contributions parues au niveau national et international ( (arabe-anglais-français le  dernier trimestre 2014) au moment où je préconisais au gouvernement un comité de crise indépendant. Or certains  responsables  croyant en la lune (vivant de l’illusion de la rente de pétrole) n’ont pas pris au sérieux ces recommandations Propositions reprises récemment dans le site www.maghrebemergent dans plusieurs contributions et les   quotidiens gouvernementaux Chaab (20/08/2016) et deux articles d’El Moudjahid  (20/08/2016 et 23/08/2016 ) sur l’urgence d’éviter le mythe du pétrole  pour le gouvernement   et d’approfondir  les  réformes  structurelles –  Contribution site MENA Bruxelles 23/08/2016  en réponse à l’analyse tendancieuse du média américain Politico sur les relations Europe/USA/Algérie  -Tendentious interpretations ? In response to POLITICO’s article titled – by Dr A. Mebtoul | Aug 23, 2016 AlgeriaEuropean UnionGovernanceInternational TradeMENANorth Africa – Voir contribution du Pr Abderrahmane MEBTOUL  quotidien El Watan Week end du vendredi 26/08/2016 : la polémique banque d’Algérie/Banque mondiale- quelles perspectives pour l’économie algérienne – Interview du professeur Abderrahmane Mebtoul à la télévision Ennahar 23 août 2016(OMC)  et sur l’adhésion de l’Algérie à l’OMC contribution   www.maghrebemergent.com 26/08/2016 – interview quotidien Chorouk  rencontre gouvernement/Walis  28/08/2016

Note utile : j’ai eu à diriger plusieurs thèses de doctorat entre 1981/1984 sur l’aménagement du territoire  et la régionalisation économique, thème  faisait suite d’un cours  passage, avant de rejoindre le Ministère de l’industrie et de l’Energie   et la soutenance de ma thèse de doctorat d’Etat fin 1974, pour le contrôle de Sonatrach,   en 1973 où je fus chargé par le Secrétaire  d’Etat au  Plan de l’époque, Abdallah KHODJA,  de l’élaboration d’un modèle de développement régional pour l’Algérie.  Cela faisait suite également  de notre expérience sur le terrain  avec mon ami Abdelhamid BRIXCI, ex secrétaire général du MAE et actuellement ambassadeur à Rome où nous fumes chargés par le Wali de  l’Ex grande wilaya de Batna (feu Adda BENGUETTAT   1972)  du programme spécial Aurès.  A  l’époque le responsable de la caserne des Armes de combat à Batna était, Liamine ZEROUAL  avec le grade de commandant.  Cela a  permis la soutenance de ma  thèse de doctorat de 3ème cycle (1972) sous la  direction du professeur  Xavier Greffe actuellement  Professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, où il dirige le programme doctoral d’économie des arts et des médias,  Professeur associé à l’Université de Tokyo (Graduate Research Institute for Policy Studies) et  président de la commission nationale de l’emploi artistique.  A ce titre mon ex étudiant, AIT HABOUCHE Madjid, brillant chercheur,  qui a soutenu sa thèse sous ma direction en 1983,  devenu professeur, a poursuivi depuis plus de 20 ans cette initiative,  dirigeant actuellement le plus grand laboratoire de recherche en Algérie dans ce domaine.

 (*) Professeur des Universités, Expert International

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