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Opinions

Algérie-Revoir la politique des subventions généralisées face à la baisse des revenus pétroliers

Par Yazid Ferhat
septembre 14, 2016
Algérie-Revoir la politique des subventions généralisées face à la baisse des revenus pétroliers

J’ai attiré l’attention du gouvernement algérien  sur la question des subventions dans plusieurs contributions, dont une parue sur le site international de l’ IPEMED -Institut de Prospective Economique du Monde Méditerranéen- en 2011 et dans un rapport transmis au gouvernement en janvier 2013.

 

Sonatrach  fait vivre la majorité de la société algérienne avec  97/ 98% d’exportations y compris les dérivées d’hydrocarbures, cette rente  permettant  l’importation  d’environ  70-75% des besoins des entreprises publiques-privées ainsi que les besoins des ménages , ayant permis également l’importance de la dépense publique  entre 2000/2016.  Grâce à l’aisance financière passée, générée par les hydrocarbures, le gouvernement, au nom de la paix sociale a  généralisé les subventions.  Peut-on continuer dans cette voie populiste quitte à réitérer l’expérience de faillite vénézuélienne. L’objectif stratégique, relevant de la sécurité nationale  est  de réhabiliter la bonne gouvernance, l’entreprise créatrice de richesse  publique/ privée nationale ou internationale sans distinction  et son fondement  le travail (l’économie de la connaissance)  source de la richesse de toute Nation.

 

La généralisation des subventions, cancer d’une économie rentière

 

Nous avons les  subventions du prix du pain, de la semoule et du lait, les  subventions des carburants, de l’électricité et de l’eau, les  subventions de la santé et le transport, les  subventions pour le soutien à l’emploi  et   la charge financière du transport des étudiants, de la restauration et de l’hébergement des étudiants internes sans distinction. Ce qui se répercute sur la gestion des œuvres universitaires comme les frais de la carte d’abonnement annuel du transport universitaire d’un montant de 300 DA et le prix de la restauration, toujours fixé depuis les années 1970 à 1,20 DA le repas. Qu’en sera-t-il avec plus de 2 millions d’étudiants horizon 2017-2018 où uniquement pour le repas, le prix réel dépasse 500 dinars. Cela concerne également les œuvres sociales des CEM et des lycées.  Avec la baisse drastique du cours des hydrocarbures, cette généralisation, source d’injustice sociale et de gaspillage  a atteint  ses limites. En Algérie de celui qui gagne le SNMG au chef d’entreprise national ou étranger, bénéficient des prix subventionnés, n’existant pas de système ciblé de subventions. Il n’est pas juste que tout le monde puisse bénéficier de certaines subventions, quelle que soit leur situation financière.  Dans son rapport, la Banque mondiale fait remarquer qu’en moyenne dans le monde, 20% des plus riches bénéficient six fois plus que 20% des plus pauvres des subventions recommandant que les programmes d’aide sociale doivent être ciblés de manière à aider les ménages pauvres et vulnérables à y faire face. Pour l’Algérie, la même institution note  que les montants des subventions sous forme de comptes spéciaux du Trésor, recensant sous différentes appellations 14 fonds, allouées au soutien de services productifs, à l’accès à l’habitat et aux activités économiques  représentant 14% du total des dépenses de l’État en dehors du budget de fonctionnement qui paradoxe est alimenté par els hydrocarbures posant la problématique de la réforme fiscale.  A cela s’ajoutent les assainissements répétés aux entreprises publiques qui ont couté au trésor public plus de 60 milliards de dollars entre 1971 et 2015, dont plus de 80% sont revenues à la case de départ, montrant que ce n’est pas une question de capital argent seulement, les exonérations fiscales et de TVA accordées par les différents organismes d’investissement (ANDI ANSEJ) y compris pour les entreprises étrangères, dont il conviendrait de quantifier les résultats par rapport à ces avantages à coup de dizaines de milliards de dinars.  Outre cette disparité dans l’octroi du soutien de l’Etat, il y a lieu de fait remarquer  l’opacité dans la gestion de ces programmes. 

 

Pour des subventions ciblées grâce à une chambre nationale de compensation inter- socioprofessionnelle et interrégionale

 

Face à la concentration excessive du revenu national au profit d‘une minorité rentière, renforçant le sentiment d’une profonde injustice sociale, l’austérité n’étant pas partagée, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de rente, quitte à conduire l’Algérie au suicide collectif. Ainsi, se pose le problème de l’efficacité de toutes ces subventions sur le producteur local et sur le consommateur final,  le processus inflationniste étant  compressé artificiellement par les subventions, du programme de relance économique basé sur la dépense publique donnant des taux artificiels de taux de croissance et du taux de chômage. Les surcouts avec parfois des abandons de projets, sont exorbitants, estimés entre 20 à 30% pour certains projets, étant des subventions indirectes supportées par le trésor. Les subventions généralisées faussent l’allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d’avoir une transparence des comptes, fausse les normes de gestion élémentaires et les prévisions tant au niveau micro que macroéconomique, aboutissant au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Ils découragent, non ciblées, la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays. Comme se pose cette question stratégique : qu’en sera-t-il avec après le dégrèvement tarifaire avec l’Europe horizon 2020 et son éventuelle adhésion à l’OMC où les produits énergétiques à l’aval ( étant des marchandises)  sont également concernés notamment par la suppression de la dualité du prix du gaz ? Les négociations  de la Russie et de l’Arabie Saoudite lors de leur adhésion à l’OMC  ayant profité des accords de Doha devraient être étudiées avec attention par le gouvernement algérien.  Se pose cette question stratégique pour l’Algérie :peut-elle continuer à fonctionner sur la base de 70 dollars pour le budget de fonctionnement et 40-45 dollar pour le budget d’équipement comme en 2013/2015, avec une légère baisse pour 2016 de 15/20 %. L’Algérie qui a reposé son développement essentiellement sur les  infrastructures/logements   entre 2000/201, avec des surcouts exorbitants qui ne sont qu’un moyen de développement, la véritable richesse provenant que des entreprises concurrentielles, peut-elle continuer à compresser els importations sans ciblage quitte à étouffer tout l’appareil productif en déclin du fait d’un climat des affaires contraignant , l’Etat pourrait ne pas avoir les moyens de continuer à généraliser les subventions certains  en cas où le baril descendrait en dessous des 60/70 dollars. L’instauration d’une chambre nationale inter socioprofessionnelle et inter régionale  de compensation indépendante, permettant des subventions ciblées, par un système de péréquation, suppose un Etat régulateur fort, mais fort par sa moralité, devant reposer sur des compétences, la ressource humaine richesse pérenne et la démocratisation des décisions. Cela implique forcément un réaménagement profond de la logique du pouvoir algérien reposant sur les forces sociales réformistes, Dépenser  sans compter pour une paix sociale fictive grâce aux hydrocarbures est une solution de court terme. Selon le communiqué du conseil des ministres  de 2013, les réserves  de pétrole ont été estimées à 10 milliards de barils et les réserves de gaz à 2700 milliards de mètres cubes gazeux . Aussi,   l’arrêt des exportations de pétrole,  en fonction de la forte consommation intérieure est prévu 2020/2025, et en cas de non découvertes substantielles, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables,  fonction du cout et du vecteur prix international, et le gaz conventionnel horizon 2030(projection  de la consommation intérieure  du Ministère 60 milliards de mètres cubes gazeux) ,  au moment  où la population algérienne sera d’environ 50 millions d’habitants. Il s’agit de dépasser  statu quo  suicidaire en réorientant toute  la politique économique, ne devant plus compte seulement sur cette ressource éphémère,   afin de favoriser  l’émergence d’une économie hors hydrocarbures et ce pour le bien être de l’Algérie et des générations futures, mettant fin au cancer de l’économie de la rente qui se diffuse dans la société par des subventions généralisées et des versements de traitements sans contreparties productives. Pour cela une vision stratégique s’impose tenant compte des nouvelles mutations géostratégiques mondiales qui s’annoncent 2018/2030 tant dans le domaine militaire, sécuritaire, politise, économique qu’énergétique.  [email protected]

(*) Professeur Abderrahmane MEBTOUL Expert International

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