La salle dans laquelle devait se tenir le meeting d’Abdelmalek Sellal, directeur de campagne d’Abdelaziz Boutefika, a été assiégé dès la matinée. Les affrontements entre la police et les manifestants ont fait plusieurs blessés dans les rangs de la police, dont un grièvement. La foule des manifestants n’étaient pas composée seulement de jeunes « émeutiers ». Hier à Akabou, un meeting des partisans du président a également été empêché.
Le directeur de campagne d’Abdelaziz Bouteflika, Abdelmalek Sellal, a dû se résoudre à annuler son meeting à Bejaïa, prévu en milieu de matinée. Bien qu’ils aient été triés sur le volet – tout le monde est rentré sur invitation-, la salle était pleine à craquer. Un groupe de manifestants hostiles au scrutin du 17 avril 2014 et à un 4ème mandat du président Bouteflika, a très tôt investi l’esplanade de la maison de la Culture, lieu où devait se tenir la réunion. Son objectif: l’empêcher coûte que coûte. Les cordons de sécurité établis par la police autour de la salle ont fini par céder à 12 heures 30.
La police a riposté en faisant usage de grenades lacrymogènes et en mobilisant des camions chasse-neige et des véhicules blindés. Les manifestants, plus nombreux, ont répliqué par des jets de pierres et se sont servis des barrières de protection métalliques comme barricades. Bilan des affrontements : plusieurs blessés dans les rangs de la police, dont un grièvement, un véhicule incendié, des vitres brisés et autres saccages (poteaux électriques, enseignes…). Des dizaines de personnes ont été arrêtées dans les quartiers d’Aamriou, de l’hôpital et de l’Edimco. Bien qu’ils aient baissé d’intensité, les affrontements se poursuivent toujours.
« Nous ne permettrons pas de campagne électorale à Bejaïa »
Les manifestants ont dit non aux élections présidentielles du 17 avril prochain et lancé un avertissement aux autres candidats en lice: « Nous empêcherons tout le monde de mener campagne ou de tenir des meetings. Nous sommes contre ces élections. Quiconque s’aviserait de s’inviter à Béjaïa dans le cadre de cette mascarade en assumera les conséquences », a déclaré un manifestant. En écho, ses amis ont scandé en chœur: « Pas d’élections, pas de campagne. Non à la traîtrise.»
S’ils étaient plusieurs dizaines à se regrouper en début de matinée, les manifestants, munis de banderoles appelant au rejet des élections (« Non au 4ème mandat », «Boutef dégage», etc.) ont été rejoints par des centaines d’autres, des jeunes et des moins jeunes. Même lors des affrontements, il n’y avait pas que de jeunes « émeutiers », a-t-on constaté.
Colère contre les partisans de Bouteflika
Les policiers, voyant qu’ils allaient être submergés par cette foule en colère, ont fait appel aux unités de la police anti-émeutes stationnées quelques dizaines de mètres plus loin. Ces dernières ont tenté de disperser des manifestants de plus en plus nombreux qui s’empareront des barrières métalliques pour les utiliser comme barricades.
Les partisans du candidat-président, ainsi que les journalistes – dont les envoyés spéciaux des rédactions algéroises – se sont retrouvés piégés dans l’enceinte de la maison de la Culture. Ils ont été évacués dans des camions blindés. Ils ont eu plus de peur que de mal. Les véhicules se sont frayés difficilement un chemin au milieu d’une foule déterminée à en découdre avec les partisans d’Abdelaziz Bouteflika qui ont dû se débarrasser de leurs badges pour échapper à sa colère; un septuagénaire, qui avait omis de le retirer, en a payé le prix et a été évacué à l’hôpital.
La LADDH recommande la « vigilance »
Devant ces incidents, la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (aile de Me Hocine Zehouane), a estimé que bien que « les élections présidentielles soient organisées sur fond de doute, de craintes et de risque de dérapages, la LADDH recommande de la vigilance et de la clairvoyance » qui, selon elle, « doivent permettre à la société de s’ouvrir sur une perspective pacifique et rassembleuse ». « C’est la raison pour laquelle la LADDH se démarque de tout acte de violence et exhorte les citoyen(e)s à rester dans le strict cadre pacifique et démocratique », a souligné cette organisation.
Le ministre Moussa Benhamadi, chassé d’Akbou
Hier matin, Moussa Benhamadi, ancien ministre de la Poste et des TIC et membre de la direction de campagne de Bouteflika, a connu la même infortune dans la ville d’Akbou (wilaya de Bejaïa). Son meeting, prévu dans la salle de cinéma, a été empêché par un groupe de manifestants qui avaient investi les lieux bien avant son arrivée. Les organisateurs, qui avaient tenté de dialoguer avec eux, n’ont pas tardé à mesurer leur détermination.
Le mouvement Barakat dément tout lien avec les heurts
Le mouvement Barakat, opposé au régime et au 4e mandat de Bouterflika, a réagi avec vigueur aux accusations du camp présidentiel sur son « implication » dans les événements de Béjaia qui ont vu le directeur de campagne du président-candidat empêché de tenir son meeting, samedi dans la capitale de la Soummam. Dans un communiqué parvenu à la rédaction, Barakat « dégage toute responsabilité quand à ces incidents en rappelant son caractère résolument pacifique et démocratique ». Le mouvement « tient pour seul responsable le pouvoir en place et ses relais de la dégénérescence du rassemblement pacifique aujourd’hui a Bejaia. Le pouvoir pousse au pourrissement. Il a est également à l’origine des affrontements avec la population et de la gravissime tournure des événements, car lui servant d’alibi pour endosser le pourrissement sur les dos les citoyens pacifiques », ajoute le communiqué qui rappelle que la campagne électorale « ne figure aucunement dans ses préoccupations ».