La réforme du système des subventions est un projet que le régime algérien ne peut faire que sous la contrainte et si, aujourd’hui, il y songe, c’est uniquement à cause de la crise qui le secoue depuis la chute des prix du pétrole en 2014.
Le Gouvernement parle depuis au moins deux ans de la réforme du système des subventions pour aller, dit-on, vers un meilleur ciblage. Mais, en vérité, il ne fait qu’annoncer un projet qu’il ne peut entreprendre que contraint. En effet, le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, a évoqué lundi une éventuelle révision des subventions destinées à l’énergie.
Mais, encore une fois, c’est au futur qu’il conjugue son vœu. « L’actuelle politique de subventions ne peut pas continuer comme ça pour l’équité sociale. Dans sa forme actuelle, le simple citoyen ne peut pas profiter de cette politique mieux que quelqu’un qui dispose d’un revenu plus important, ce n’est pas normal. Mais nous ne toucherons pas aux subventions tant qu’on n’a pas encore terminé nos études en la matière. Et lorsqu’on les terminera, cela va se faire avec l’ensemble des pouvoirs publics. Nous devrions nous asseoir autour d’une table, les rediscuter et, par la suite, mener une grande campagne de communication dirigée vers nos citoyens pour leur expliquer comment on doit procéder», avait déclaré le ministre.
Cette réticence, pour signe de sagesse politique qu’elle paraisse, n’est pas moins l’expression d’une ambivalence dans le discours du Gouvernement et le malaise qu’il éprouve à s’en prendre à une politique populiste qui constitue, selon plusieurs économistes et experts, « l’ADN du système politique algérien ».
« Si cela ne tenait qu’à lui, le régime algérien supprimerait tous les prix pour que les hommes obéissent à lui plutôt qu’aux lois du marché. Un régime qui nie le marché ne peut pas se passer des subventions. Ce régime, populiste, est incapable d’admettre que le prix exclut. Les subventions constituent l’ADN économique de l’idéologie populiste qui fait mouvoir ce régime, » estime Samir Bellal, économiste et auteur de La crise du régime rentier.
Quant à l’idée d’aller vers un meilleur ciblage en matière de subventions, idée, initialement proposée par le FCE (Forum des chefs d’entreprise) et aujourd’hui portée par le Gouvernement, Samir Bellal considère que c’est « un faux débat » que de parler de « ciblage ».
« Le débat doit porter sur le principe même de la subvention. La subvention des prix est une pratique qui illustre le refus politique de la régulation par l’économique. Elle traduit la volonté d’instrumentaliser politiquement les ressources économiques du pays: l’économie est et demeure encore une ressource dans la compétition politique. Ce régime est objectivement incapable de renoncer à la politique de soutien des prix car c’est cette politique qui lui permet de se maintenir sans avoir à user de la coercition», affirme-t-il.
Il ajoute, en outre, que le régime ne réformera le système des subventions, même partiellement, que « contraint ». « Depuis 1999, il n’a jamais été question de réduire le soutien des prix. Au contraire, la liste des produits et services subventionnés n’a cessé, depuis, de s’allonger. Le Gouvernement n’aurait même pas songé à une réforme du système des subventions s’il n’y avait pas cette crise qui dure depuis 2014 », ajoute encore Samir Bellal pour qui le régime est davantage dans une logique de fuite en avant que de recherche effective d’une solution à la crise du système rentier qui dure.