Ali Benflis sort fortement ébranlé de la présidentielle du 17 avril. C’est la seconde fois que sa participation donne de la crédibilité à une élection, ce qui met en cause son jugement. A moins qu’il n’ait délibérément accepté un rôle.
Ali Benflis a été maintenu de justesse au-dessus de la ligne de flottaison. Avec un maigre 12% obtenu lors de la présidentielle du 17 avril, celui qui voulait apparaitre comme le principal rival du président Abdelaziz Bouteflika, se maintient dans une zone grise, aussi ambiguë que le personnage. Son score lui évite le naufrage, mais ne lui permet pas de coup d’éclat.
« A plus de 35%, Ali Benflis aurait pu invoquer la fraude et se déclarer vainqueur de l’élection. A 25%, il aurait pu se prévaloir d’un bon résultat, et se mettre dans la peau d’un successeur légitime du président Bouteflika. Mais à moins de 10%, il était politiquement fini », estime un analyste. Son score « le place dans une fourchette basse, mais en l’état actuel de l’opposition, cela ne lui permet pas de s’affirmer comme le chef d’un pôle politique potentiel ».
Ali Benflis semble avoir fait ce choix. Il a annoncé, vendredi, la création d’un mouvement politique, en tirant profit de l’élan suscité par sa campagne pour la présidentielle. Mais ce cheminement, assez classique, risque aussi de se révéler peu productif. En Algérie, un ancien haut responsable qui franchit le pas pour se placer dans l’opposition risque de finir rapidement dans l’oubli.
Deux fois la même erreur ?
D’autant plus que M. Ali Benflis trainera, pour de longues années encore, ses mésaventures avec le président Abdelaziz Bouteflika. Après s’être fabriqué une image d’homme d’ouverture et d’indépendance de la justice sous Chadli Bendjedid, Ali Benflis s’est retrouvé dans l’opposition, quand le FLN, emmené par Abedelhamid Mehri, avait refusé de suivre le pouvoir dans les années 1990. Benflis s’était ensuite discrètement rapproché du pouvoir, pour se retrouver directeur de campagne de Abdelaziz Bouteflika en 1999, puis premier ministre. Le président Bouteflika ne supportant pas qu’on lui fasse de l’ombre, Benflis avait été poussé hors du gouvernement, dépossédé du FLN dont il était devenu secrétaire général, avant d’affronter Abdelaziz Bouteflika lors de la présidentielle de 2004. Sévèrement battu, il a stoïquement effectué sa traversée du désert, avant de revenir tenter de nouveau l’aventure de la présidentielle en 2014. Avait-il reçu des assurances en 2004, puis en 2014, comme l’assurent certains proches ? A-t-il été simplement victime de sa mauvaise appréciation de la situation ? Toujours est-il que M. Benflis a été victime deux fois de la même tactique. A ce niveau, cela ne pardonne pas.
Moyens « légaux et pacifiques »
L’opinion reproche à M. Benflis d’avoir, par deux fois, donné de la crédibilité à une opération électorale jouée d’avance. Cette fois-ci, il a fait monter les enchères, affirmant qu’il ne se tairait pas face à la fraude. Ses proches ont laissé planer la menace d’une occupation de la rue, dans un scénario à l’ukrainienne, ce qui a fait monter la tension d’un cran lorsque le président Bouteflika l’avait accusé de « terrorisme ».
A l’annonce des résultats, M. Benflis a dénoncé une élection «planifiée et préparée par une alliance entre la fraude, de l’argent suspect et des médias vendus». Mais il n’a annoncé aucune action d’envergure pour contester la réélection de M. Bouteflika. Bien au contraire, il a joué l’apaisement durant les derniers jours de la campagne, affirmant qu’il se limiterait aux moyens « légaux et pacifiques ». Face au système politique en place en Algérie, cela signifie une résignation au fait accompli.
Pour M. Benflis, 70 ans, il sera difficile de rebondir après ce nouvel échec. Il a montré qu’il n’était pas disposé à aller à l’affrontement avec le pouvoir et qu’il n’en a pas les moyens. Il lui reste à tente de s’imposer comme un acteur central au sein de l’opposition, dans la difficile partie qui s’annonce pour une éventuelle transition. A moins qu’un impondérable ne le projette de nouveau sur le devant de la scène, en raison d’une éventuelle dégradation de l’état de santé du président Bouteflika.