« Alors que la Tunisie et la Turquie se disputent les visiteurs algériens, le tourisme national prend son mal en patience » (SNAV) - Maghreb Emergent

« Alors que la Tunisie et la Turquie se disputent les visiteurs algériens, le tourisme national prend son mal en patience » (SNAV)

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Les tunisiens et les turcs attendent impatiemment les touristes algériens et font de la réclame pour les convaincre. Quid du tourisme algérien qui n’en finit pas d’attendre ? Eclairage sur Radio M avec Said Boukhelifa, Président du Syndicat National des Agences de Voyages (SNAV), auteur d’un livre consacré à l’histoire du tourisme en Algérie intitulé « Mémoires Touristiques Algériennes 1962-2018 ».

Les estivants algériens qui choisissent la Tunisie comme destination dépassent chaque année les deux millions de personnes. Sans compter ceux qui partent au Maroc, en Egypte et surtout en Turquie. Ils optent pour un rapport qualité prix nettement plus avantageux.

L’ouverture de nos frontières à l’est rend la Tunisie encore plus attractive et convoitée. Surtout pour les hôtels de une à trois étoiles, quand ce n’est pas la formule « chez l’habitant » qui est privilégiée. L’invité de Radio M met en relief l’existence d’une « culture d’accueil du touriste » qui n’existe pas en Algérie, sauf dans le grand sud. 

C’est pour accueillir ce nombre impressionnant que la Tunisie a annoncé l’ouverture de toutes ses frontières dès le 27 juin prochain, pour ne pas perdre la saison estivale. Les autorités tunisiennes ont diffusé à grande échelle leur plan pour rassurer leurs futurs touristes, algériens et d’autres nationalités, sur leur capacité à les accueillir avec le respect total des règles de sécurité sanitaire.La Turquie, deuxième destination prisée par les les touristes nationaux, se prépare également à l’ouverture de ses frontières et à l’accueil de ses visiteurs les plus assidus.

Les experts et professionnels algériens du secteur du tourisme travaillent sur un plan. Il reste qu’aucune date n’est encore disponible pour l’ouverture des frontières, ni pour le déconfinement d’ailleurs.

Le président du SNAV n’exclut pas que les autorités algériennes permettent aux potentiels voyageurs algériens d’aller changer d’air après plus de trois mois de confinement, chez un voisin qui n’exige aucun visa d’entrée sur son territoire et sans les contraintes du transport aérien. 

Le secteur du Tourisme aurait besoin d’un véritable « plan Marshall »

La crise sanitaire du Coronavirus a eu, partout dans le monde, l’effet d’un véritable tsunami vis-à-vis du secteur du tourisme et pour les opérateurs économiques qui y travaillent. Mais selon l’invité de Radio M, la situation de ce secteur en Algérie serait plus préoccupante en raison du désengagement de l’administration en charge du secteur. 

La crise sanitaire – et le confinement – s’est traduite par la fermeture pure et simple de l’ensemble des agences de voyages, sans qu’aucune forme d’indemnisation ne soit pour l’instant annoncée. Des milliers de foyers se sont retrouvés du jour au lendemain sans revenus. L’Algérie compte plus de 3500 agences de voyage. 

Le secteur aurait besoin d’un véritable « plan Marshall » pour espérer le voir un jour assumer son rôle moteur de développement. Au lieu de s’améliorer, la situation ne fait que s’empirer. Ancien du secteur touristique, M. Boukhelifa estime que « l’Algérie touristique du télex des années 70 était plus en avance que celle d’aujourd’hui. ».

De surcroît, l’invité de l’émission animée par Ihsane El Kadi pense que l’intention annoncée, après le Conseil des ministres tenu début mars 2020 et consacré au tourisme, de faire de l’Algérie une destination mondiale est très ambitieuse. Lui reste sceptique. Il cite le budget du ministère du Tourisme, dérisoire et en baisse depuis plusieurs années. A titre de comparaison, il est 74 fois inférieur à celui du ministère des Moudjahidines. 

Les Directions de Tourisme des wilayas disposent souvent d’un seul véhicule, utilisé par le directeur. Leurs inspecteurs utilisent les transports publics pour faire leur travail. Ces directions ne disposent même pas d’un site internet mentionnant les ressources touristiques disponibles sur leur territoire, les lieux d’hébergement, leurs tarifs. Telle est  la réalité de la relégation du secteur du tourisme. 

Oublier le tourisme Balnéaire, développer le tourisme Culturel et d’Expédition 

Le président du SNAV estime que l’Algérie a des atouts indéniables pouvant l’amener à « oublier le tourisme balnéaire ». Les grandes destinations dans le monde ont pris une avance considérable sur l’Algérie, à commencer par ses voisins, le Maroc et la Tunisie. Pour Boukhelifa, « nos plages sont répugnantes. La capacité en lits est dérisoire comparée à la demande. L’Algérie ne dispose que de 60 milles lits, soit 240 milles nuitées à commercialiser sur la base d’un séjour d’une semaine ». Il ajoute que « Les hôteliers balnéaires en Algérie refusent le double de leur capacité en lits, alors qu’ils n’ont aucune attractivité, ni en services et encore moins en tarifs.»  

Par ailleurs, L’expert estime que l’Algérie doit cibler les autres segments du tourisme mondial. Il cite l’exemple du tourisme culturel. Avec ses 22 sites romains, dont seulement trois sont connus (Tipasa, El Djemila, Timgad), le pays a tout intérêt à développer cette niche haut de gamme. L’autre créneau est celui du tourisme d’expédition. Le Hoggar et le Tassili font partie de ce qu’il y’a de plus beau dans le monde. Et la culture du tourisme est bien ancrée dans la mentalité des populations de ces régions. 

L’invité de l’émission conclut son intervention avec un mot sur la jeunesse algérienne qui avec sa culture numérique, est capable, selon lui, de relever le défi du développement des segments touristiques dans lesquels l’Algérie dispose d’avantages comparatifs certains, sous réserve de la mise en oeuvre d’un plan Marshall pour ce secteur. 

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