La présidente d’Amnesty International a salué hier l’adoption de la loi contre les violences faites aux femmes. « Cependant, nous avons des réserves concernant la clause de pardon », a déclaré Hassina Oussedik. Cette clause, a-t-elle expliqué, épargne au conjoint des poursuites judiciaires si la victime lui « pardonne » sa conduite.
En dépit de plusieurs améliorations législatives et constitutionnelles en 2015, la situation des droits de l’Homme en Algérie reste préoccupante, a estimé Hassina Oussedik, la présidente de Amnesty International Algérie, mercredi 24 février lors de la présentation du rapport annuel 2015-2016 de cette ONG.
Hassina Oussedik, accompagnée de Younes Saadi, directeur de Amnesty International Algérie, ont dressé un bilan mi-figue, mi-raisin de la situation des droits de l’Homme. S’ils ont salué certaines avancées, dont l’adoption de la loi contre les violences faites aux femmes, ils ont exprimé de nombreuses réserves, dénonçant par la même occasion plusieurs atteintes et restrictions des libertés fondamentales.
Hassina Oussedik a dénoncé les atteintes aux libertés de réunion, d’association et d’expression, notamment la vague d’arrestations arbitraires des militants pour les droits des chômeurs, dont Rachid Aouine et Belkacem Khencha.
« Oulach Smah »
La présidente d’Amnesty International a salué les avancées enregistrées dans la protection des droits des femmes, notamment l’adoption de la loi contre les violences qui leur sont faites. « Cependant, nous avons des réserves concernant la clause de pardon », a déclaré Hassina Oussedik. Cette clause, a-t-elle expliqué, accroît la vulnérabilité des victimes de violences conjugales en épargnant au conjoint des poursuites judiciaires si la victime lui pardonne sa conduite.
Amnesty International Algérie a souligné que cette clause « problématique » expose les femmes aux risques de pression ou de violence pour les contraindre à retirer leur plainte. « Connaissant le rapport de force entre l’homme et la femme, nous nous imaginons bien que nous allons avoir beaucoup de « pardons » », a-t-elle ironisé.
Principes fondamentaux sans réponses
Lors de cette conférence de presse, tenue à l’hôtel Sofitel, il a également été question de la révision de la Constitution.
La présidente de Amnesty International Algérie et le directeur de cette ONG, Younes Saadi, ont évoqué les dernières réformes constitutionnelles, adoptées par le Parlement en janvier 2016. Ils ont salué les réformes liées à la détention préventive et la liberté de la presse, exprimant une fois de plus leurs réserves quant à l’absence de « principes fondamentaux ».
Reconnaissant, avec retenue, les modifications du Code de procédures pénales, qui ont instauré le droit du garde à vue de contracter un avocat, Amnesty International Algérie a regretté l’interdiction de ce dernier d’assister aux interrogatoires. « Cette constitution renforce certaines garanties et en introduit de nouvelles, mais, malheureusement, laisse certains principes fondamentaux sans réponses », a fait remarqué Hassina Oussedik.
« Concernant la liberté de la presse, nous saluons l’article 41 qui consacre la liberté des médias sans aucune forme de censure préalable. Cependant, cette disposition renvoie au respect des constantes et des valeurs morales, religieuses et culturelles. Il est important qu’il n’y ait pas de renvois à des lois nationales pouvant restreindre durablement les lois constitutionnelles, surtout quant elles donnent lieu à de larges interpellations », a-t-elle ajouté.
Des infractions préoccupantes
Hassina Oussedik et Younes Saadi sont cette fois-ci formels, qualifiant de « préoccupante » la situation des droits de l’Homme, marquée par les atteintes aux libertés fondamentales, notamment celles d’expression, de réunion et d’association.
L’Algérie est, malheureusement, en totale conformité avec la région du Moyen-Orient et ses tendances des répressions des libertés d’expressions », a-t-elle noté.
« Durant l’année passée, un certain nombre de militants des droits de l’Homme, des journalistes, des blogueurs et des citoyens ont été harcelés et poursuivis juste pour avoir exprimé de manière pacifique leurs opinions », fait de son côté savoir M. Saadi. Rappelons-nous de Rachid Aouine, qui a passé 6 mois de prison pour avoir posté un commentaire sur Facebook et de Belkacem Khencha ».
Belkacem Khencha, militant des droits des chômeurs à Laghouat, condamné à six mois de prison ferme pour « attroupement non autorisé », a d’ailleurs été condamné à une amende de 100.000 dinars mercredi dernier pour avoir témoigné des conditions de sa détention.
Amnesty International a aussi évoqué ce mercredi le droit au rassemblement pacifique. Plusieurs manifestations ont été interdites et réprimées en Algérie l’année dernière », a rappelé Hassina Oussedik, citant, entre autres, le sit-in de la CNLTD contre l’exploitation du gaz de schiste.