« J’ai lu l’entretien accordé par monsieur Larbi Ouanoughi, PDG de l’ANEP, agence qui gère le portefeuille publicitaire de l’opérateur public et distribue une partie de l’aide de l’Etat à la presse sous forme d’annonces légales, à nos confrères El Khabar et El Watan.
Je note une chose : Ounoughi dit tout sauf l’essentiel et l’entretien nous a été « survendu » avant sa publication.
Au sujet de l’enfumage par les chiffres : il ne révèle rien puisque tout est dans le domaine public. Un simple examen des bilans de l’ANEP et ceux des journaux en question permet de déduire les sommes avancées. L’ANEP fait beaucoup de débours, c’est-à-dire, elle avance des sommes pour le compte de ses clients (collectivités locales, administrations etc) qu’elle recouvre une fois qu’ils seront en mesure de payer. Dit autrement, elle achète des espaces publicitaires auprès des journaux et se fait payer après par les annonceurs. Des annonceurs que lui impose l’Etat, qui sont de mauvais payeurs, leurs dettes auprès de Sonelgaz, l’ADE, Algérie Télécom sont beaucoup plus importantes et l’assainissement de ses dettes ne dépendrait pas de l’audit que réalise l’ANEP ou de la bonne volonté de monsieur Ouanoughi.
Le problème, c’est le système d’aide de l’Etat à la presse en lui-même qui est basé sur la rente. La modification de la liste des bénéficiaires ou son élargissement à d’autres rentiers – comme il l’annonce avec l’adoption d’un décret sur la presse électronique –, ne règle pas le problème.
Or, dire que Ennahar avait engrangé 235 milliards de centimes de recettes liées aux annonces légales en huit ans, soit environ 40 milliards de centimes/an– indépendamment de ce que je pense de cette chose imprimée et de ses pratiques –, est juste ridicule. Ce journal tirait, pendant la période considérée, entre 300 000 et 400 000 exemplaires/jour et paie 70 milliards de centimes/an en moyenne aux imprimeries. Ce n’est pas ce qui lui permettait de payer les salaires de ses employés et ce ne sont pas les collègues de Ennahar qui se plaignaient le plus de leurs conditions de travail. Si le but était de frapper les esprits en additionnant des sommes qui ne veulent rien dire, c’est raté. Je vois aussi que monsieur Ounoughi était sélectif dans le choix des bénéficiaires à épingler.
Et les journaux publics, comme El Massa et Ech-chaab, ils se vendent à combien d’exemplaires ? Et les autres privés ? El Acil, par exemple, qui tire 1000 exemplaires et vend au mieux une centaine grâce à son carnet mondain ou plutôt sa nécrologie, il bénéficie de combien de pages pub ? Allez demander au général Mohamed Betchine à combien il paie ses salariés ! ou L’expression qui réalise 10 milliards de centimes de bénéficie net par an grâce à l’ANEP ? Connaissez-vous tous les éditeurs de l’ouest, monsieur Ouanoughi ? Il n’y a pas que Rabah Madjer. Et on tire aucune gloire en tirant sur les ambulances.
Je déduis une chose de cet entretien : les successeurs du colonel Lakhdar Bouzid, alias Fawzi, à la cellule de communication et de diffusion (CCD) comptent bien perpétuer le système en éliminant quelques têtes et en élargissant le cercle des bénéficiaires de la rente. Un système qui menace le tissu social et qui rend l’Etat vulnérable. La question est de savoir quelle presse nous voulons. Une source ouverte, comme dans le monde libre, qui serait utile pour le citoyen et les institutions de l’Etat ou une presse aux ordres alimentée par les sources officielles et complètement inutile et pour le citoyen et pour les pouvoirs qui se l’approprient. Ce qui est sûr, on ne peut pas construire sur un marécage. Nous devons l’assécher d’abord. Cela donne de belles choses. El Hamma (Alger) est un bon exemple. Les colons français y ont construit de belles choses. Et c’est techniquement très simple. ANEP, le système d’arrosage va se perpétuer. »