Le journaliste algérien a perdu 32 kilos durant ses 16 mois de détention sans procès. Malade, ses jours sont désormais en danger.
« Mon frère Saïd est en train de lâcher prise. Son état est très alarmant. Il faut faire quelque chose. C’est urgent ». Ces mots désemparés prononcés par la sœur du journaliste algérien Saïd Chitour, 54 ans, détenu sans jugement depuis le 5 juin 2017, disent le désarroi de sa famille. Le journaliste algérien correspondant de plusieurs médias anglo-saxon (Washington Post, Bbc news, ect..) attend dans la prison d’El Harrach depuis 16 mois qu’il est en détention préventive, d’être jugé ou libéré. Au dernier parloir, sa famille est sortie horrifiée par l’accélération de sa dégradation physique.
« La tumeur née à la base du crane au début de l’année est en train de grandir à vue d’œil. Il a encore beaucoup maigri ces dernières semaines. En fait, il est méconnaissable », témoigne un proche. Ses avocats se sont vu refusé toutes les demandes de mise en liberté provisoire. Said Chitour a été accusé en novembre 2017 par le tribunal de Bir Mourad Rais d’avoir fuité des « documents gouvernementaux sensibles » à des diplomates étrangers. Il a été déféré pour un jugé par un tribunal criminel. Said Chitour a toujours nié les faits qui lui sont reprochés, « je n’ai pas accès aux documents décrits dans les accusations » a-t-il affirmé au juge d’instruction selon sa défense. Saïd Chitour souffre d’un diabète sévère et d’une hypertension chronique.
Le spectre de la mort en détention de Mohamed Tamalt
La campagne de solidarité lancée à l’automne dernier en Algérie et dans le monde pour la libération de Said Chitour n’a donné aucun résultat auprès des autorités algériennes qui refusent de le juger ou de le libérer. Reporters Sans Frontieres (RSF) a lancé une pétition pour sa libération il y a un an et CPJ, le comité pour la protection des journalistes a interpellé le Premier ministre Ahmed Ouyahia en novembre 2017, exigeant la libération du journaliste algérien.
Enfin, sa mère de 83 ans a envoyé en juin dernier une lettre implorant Bouteflika d’être clément avec son fils et de le rendre à sa famille après une année de prison sans jugement. Les manifestations de solidarité avec Said Chitour se sont taris cet été et sa détention préventive s’est installée dans une durée insupportable pour les siens et dangereuse pour son état de santé. La poursuite de la détention de Said Chitour et sa dégradation physique rappellent fortement le sort de Mohamed Tamalt, journaliste algérien arrêté au printemps 2016 et condamné à deux années de prison ferme pour offense au président de la république.
Il avait entamé une grève de la faim durant l’été 2016 qui a conduit à son affaiblissement et à son décès en détention, le 11 décembre de la même année. La mort de Mohamed Tamalt en détention a provoqué une grande émotion dans la corporation des journalistes et a soulevé la question de la faiblesse de la solidarité active avec les collègues détenus dans des conditions arbitraires pour des faits supposés liées à l’exercice de leur métier. Deux ans plus tard, l’histoire est en train de se répéter presque à l’identique.