Riyad a un besoin urgent de fonds pour financer la diversification de son économie mais aussi pour continuer à la fois d’acheter la paix sociale et de poursuivre la guerre au Yémen.
La semaine dernière, l’Arabie saoudite a annoncé une baisse de sa production de 560 000 barils par jour à partir du mois de novembre. Pour les observateurs, cela signifie que Riyad entend favoriser le prolongement de l’accord de limitation des pompages (1,8 million de barils par jour) conclu au sein de l’Organisateur des pays exportateurs de pétrole (Opep) en novembre 2016. La phase entamée en 2014 où l’Arabie saoudite entendait d’abord défendre ses parts de marché (au détriment des cours) est donc révolue. Avec une telle réduction, le royaume veut favoriser le retour du prix du baril dans une fourchette comprise entre 60 et 70 dollars en moyenne.
Convergence avec la Russie
Les déficits enregistrés par ce pays au cours de ces dernières années ne sont pas la seule explication de ce changement de stratégie. Riyad a un besoin urgent de fonds pour financer la diversification de son économie mais aussi pour continuer à la fois d’acheter la paix sociale et de poursuivre la guerre au Yémen. Il est évident qu’un baril à 60 dollars vaut mieux qu’un cours à 30 ou 40 dollars, niveaux où l’or noir serait certainement sans deux faits majeurs. D’abord, la réduction décidée en 2016 par l’Opep mais aussi la bonne entente entre l’Arabie saoudite et la Russie. Il est d’ailleurs intéressant de relever que les deux pays n’ont pas la même politique au Proche-Orient, Moscou soutenant le régime syrien de Bachar al-Assad tandis que Riyad continue de vouloir sa chute. Cela vaut aussi pour l’Iran, la Russie étant un proche partenaire de ce pays tandis que la « guerre froide » entre le royaume wahhabite et la République islamique est à l’origine de nombre de conflits dans la région. Ces divergences n’empêchent donc pas une coopération en ce qui concerne le pétrole.
L’Arabie saoudite souhaite aussi favoriser la hausse des cours parce que c’est une condition importante pour réussir l’entrée en Bourse de 5% du capital de l’Aramco, son entreprise publique pétrolière. Cette dernière est prévue pour le second semestre 2018 et les grandes places que sont le London Stock Exchange (LES) et le New York Stock Exchange (NYSE), autrement dit la City et Wall Street, rivalisent pour attirer ce qui devrait constituer, dans l’histoire, la plus importante des « IPO » (initial public offering, terme consacré pour désigner une entrée en Bourse). En effet, la valorisation de l’Aramco (laquelle déterminera ce que débourseront les investisseurs) se fera à la fois sur la base de ses réserves prouvées de pétrole mais aussi de son chiffre d’affaires avant taxation sans oublier, bien sûr, ses bénéfices. Plus le baril sera élevé et plus la valorisation sera haute et ce, pour le plus grand bien des finances saoudiennes.
Vers un placement direct ?
Pour autant, il existe de sérieux doutes sur la possibilité que cette IPO se fasse dans les temps. Les règles de Wall Street et de la City sont très rigoureuses en ce qui concerne les nouveaux entrants. Pour être cotés dans les plus prestigieux segments de ces marchés, il faut un minimum d’ouverture du capital (au moins 20%), des bilans comptables et financiers remontant à plusieurs années et certifiés, cela sans oublier un descriptif clair de la gouvernance de l’entreprise. Or, l’Aramco est une entreprise d’Etat, opaque dans son organisation, et ses chiffres ne sont pas rendus publics dans leur totalité. A cela s’ajoute le fait que Riyad ne veut mettre que 5% de son capital sur le marché. Voilà pourquoi une IPO reste encore incertaine, d’où la piste d’un placement direct auprès d’investisseurs de références : les entreprises pétrolières et chinoises seraient déjà sur les rangs en attendant d’autres prétendants. Le feuilleton Aramco ne fait donc que commencer…