L’horrible assassinat du français Hervé Gourdel en Kabylie a encore une fois mis à nu la gestion désastreuse – tant politique que sécuritaire – de la menace terroriste en Algérie. En quelques jours, l’image du pays a été associée à celle de la Syrie et de l’Irak, version Desh. Au Café Presse de Radio M, le constat est sévère.
Près de deux ans après l’attaque contre le complexe pétro-gazier de Tiguentourine et son lot de victimes algériennes et étrangères, l’Algérie revient encore à la Une de l’actualité internationale, avec les images insoutenable de la décapitation du guide de montagne français dans le Djurdjura. Actualité oblige, le talk-show « Café Presse » de Radio M, en a fait son premier sujet de débat pour cette lourde reprise post-estivale. Et dans le tour de table des journalistes, l’incapacité des dirigeants algériens – civils ou militaires – à gérer une crise de grande envergure, a occupé une bonne partie des échanges.
Cette crise a remis sur le tapis l’absence d’un président impotent et des centres de pouvoir éparpillés et préoccupés par les intrigues de succession. Au déclenchement de la crise, François Hollande a dû s’entretenir avec le premier ministre Abdelmalek Sellal, au lieu de son homologue Bouteflika. Faute d’un pouvoir central fort et cohérent, l’Algérie a eu toutes les difficultés à gérer cette crise dans ses aspects politique, médiatique et sécuritaire. Les institutions impliquées dans cette crise, à savoir la Présidence de la république et les ministères de l’Intérieur et celui de la Défense nationale, ont fait preuve de défaillance, laissant le soin aux médias privés algériens et étrangers traiter cette affaire à leur manière. Ces failles ont mis à nu l’incompétence des institutions et alimenté, tout au long du déroulement de cette crise, des rumeurs de complots « intérieurs et extérieurs » dans la rue et sur les réseaux sociaux.
Le terrorisme en Kabylie est de nature politique
Mais pourquoi la Kabylie s’est-elle transformée en bastion du terrorisme où des filiales d’organisations criminelles internationales ont toutes les facilités à s’y installer ? Là encore, les hypothèses ne manquent pas au tour de la table du « Café Presse » : l’incompétence technique des services de sécurité, « une tare largement répandue dans les institutions de l’Etat » ; le maintien d’un « minimum de menace terroriste » pour les besoins de politique interne ; ou la lutte contre ces groupuscules demande beaucoup de temps. La région kabyle est réputée en rupture politique avec le régime depuis l’indépendance. Cette rupture est palpable dans le déficit de confiance entre la population et les institutions sécuritaires, ce qui a rendu difficile la « collaboration » de la population pour dénoncer la présence des groupes terroristes qui écument encore la région. Mais la volonté politique de réduire le « kyste terroriste » en Kabylie n’y est pas aussi. Et l’arrivée de Bouteflika au pouvoir a, au contraire, élargi le fossé entre la région et le pouvoir central. « Je ne vois pas le kabyle qui va collaborer avec le général Boustella, dont le corps de gendarmerie est pleinement impliqué dans la répression des événements de Kabylie en 2001, » résume l’un des animateurs du talk-show.
La menace vient plutôt de Libye
Daesh est-il vraiment installé en Algérie, via ce groupuscule qui a revendiqué la décapitation de Hervé Gourdel ? Autour du café presse, on est plutôt sceptique. Cet assassinat vise plutôt à donner un retentissement mondial à un groupe terroriste qui vient de faire scission avec Aqmi et qui profite de l’actualité suscitée en Occident par la montée en puissance de Daesh en Irak et en Syrie. La vraie menace, par contre vient de Libye, avec son stock d’armes à ciel ouvert et des milices qui pullulent partout dans le pays.
Extraits vidéo :http://bit.ly/1ndot43
Le talk-show est accessible sur le lien suivant :