Deux ans après le suicide d’Amina El Filali, une adolescente forcée d’épouser un homme qui l’avait violée, les parlementaires marocains ont amendé l’article 475 du Code pénal qui soustrayait à la justice les violeurs ayant épousé leurs victimes.
Deux ans après l’affaire Amina El Filali, une adolescente de 16 ans morte en ingurgitant de la mort au rat après avoir été mariée de force à son violeur, les parlementaires marocains ont voté mercredi à l’unanimité l’amendement de l’article 475 du Code pénal marocain, qui autorisait ce genre d’étrange union. Le gouvernement avait déjà donné son accord pour son amendement, ainsi que les représentants de la Chambre des Conseillers (sénat), au mois de mars dernier.
Le lobbying des ONG a ainsi fini par faire pencher la balance du côté des »victimes » de viols, souvent des adolescentes. Après un vote favorable au début du mois de janvier au niveau de la commission de la Justice et de la Législation, la Chambre des Représentants a voté l’abrogation de l’alinéa 2 de l’article 475 du Code pénal marocain. Le nouvel article 475 stipule désormais que »quiconque, sans violences, menaces ou fraudes, enlève ou détourne ou tente d’enlever ou de détourner un mineur de moins de dix-huit ans, est passible d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 200 à 500 dirhams ». L’alinéa 2 abrogé stipulait : »Lorsqu’une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l’annulation du mariage et ne peut être condamné qu’après que cette annulation du mariage a été prononcée. »
Les ONG soulagées
Le suicide d’Amina El Fillali cette adolescente du village côtier de Larache, à une vingtaine de kilomètres de la ville du Détroit (Tanger), avait provoqué un immense choc au Maroc. ONG de protection de l’enfance et des droits de l’homme, partis politiques, médias et personnalités locales et étrangères avaient vivement réagi contre la décision du tribunal de ne pas sanctionner le »violeur », en vertu justement de l’article 475 du Code pénal avant son récent amendement.
« Aujourd’hui, Amina Filali peut, enfin, reposer en paix. Depuis 2012, il a fallu attendre et c’est grâce à la lutte menée par les ONG et à la mobilisation de certains groupes parlementaires que nous avons pu aboutir », a indiqué, dans une déclaration à l’AFP, Khadidja Rouissi, députée du parti Authenticité et modernité (PAM). Amnesty International a, de son côté, salué « un pas dans la bonne direction ». Cependant, le défi reste entier dans un pays où plus de six millions de femmes sur une population globale de 35 millions d’habitants sont victimes de violences selon la ministre de la famille Bassima Hakkaoui.