En ces moments cruciaux pour son devenir, si elle veut éviter le retour au FMI et des tensions sociales de plus en plus aiguës, l’Algérie a besoin d’une vision stratégique claire, donc de revoir son modèle socioéconomique et sociopolitique, loin des discours démagogiques populistes.
Il faut se méfier de certains soi-disant experts, se contredisant à intervalles réguliers et induisant en erreur l’opinion publique, qui prédisent un retour du cours du pétrole au-dessus de 80-90 dollars le baril entre 2016 et 2020. Nous devons nous tenir aux fondamentaux. Selon la majorité des experts et institutions internationales, il existe plusieurs scénarios à ce sujet : un retour de la croissance de l’économie mondiale permettait un cours variant entre 60 et 70 dollars le baril, une croissance modérée situerait le prix de celui-ci entre 50 et 60 dollars alors qu’une croissance en berne le situerait entre 40 et 50 dollars et qu’une une dépression mondiale le ramènerait à 30 dollars seulement.
C’est une erreur de raisonner au-delà de 2020 sur un modèle de consommation énergétique linéaire du passé. Le monde s’oriente vers une grande mutation énergétique. Deux grands producteurs de pétrole au monde l’ont compris. L’Arabie Saoudite consacrera plus de 2.000 milliards de dollars pour se libérer de sa dépendance rentière vis-à-vis de l’or noir. La Russie, elle, envisage de réaliser également cette transition car pour reprendre les propos récents du ministre du Développement russe : » De la même façon que l’âge de pierre, qui n’a pas pris fin parce qu’il n’y avait plus de pierres, l’ère du pétrole est terminée. Nous nous sommes retrouvés dans le camp des pays perdants qui n’ont pas eu le temps d’adapter leur économie. Le futur est arrivé avant que l’on s’y attende. «
L’Algérie devra elle aussi accepter d’opérer cette transition énergétique afin d’asseoir une économie diversifiée. Les ajustements économiques et sociaux nécessaires, avec des sacrifices partagés, impliqueront de profondes réformes structurelles, des stratégies d’adaptation tant aux nouvelles mutations mondiales qu’internes à l’approche de la quatrième révolution industrielle, analysée minutieusement lors de la dernière rencontre du Word Economic Forum.
Son Excellence le président de la République a rappelé le 1er mai dernier l’urgence de profondes réformes, condition pour aller vers une économie diversifiée 2. L’Algérie a toutes les potentialités pour y arriver. Mais cela implique de reposer le développent sur les trois fondamentaux du XXIème siècle : premièrement, la bonne gouvernance, l’Etat de droit et la démocratisation de la société ; deuxièmement, la valorisation de la connaissance en améliorant la qualité de l’éducation et de la formation ; et troisièmement, enfin, le dialogue permanent entre le pouvoir et les forces sociales et économiques sans exclusive, le mouvement de la société donnant naissance à des forces nouvelles dynamiques tant politiques et sociales qu’économiques.
Aussi, en ces moment de grands bouleversements géostatiques dans la monde et à nos frontières, avec la baisse des recettes de Sonatrach, l’Algérie a besoin d’une mobilisation sans faille de tous. Cela ne signifie pas unanimisme, signe de décadence de toute société. Cela veut dire le rassemblement de tous les Algériens pour un devenir solidaire.
Le débat contradictoire productif, le dialogue serein et la symbiose Etat/citoyens sont, me semble t-il, la condition sine qua non pour établir un bilan objectif de la situation du pays afin de corriger les erreurs du passé et de tracer les perspectives futures. A l’ère de l’Internet, le monde est une maison en verre et il s’agit d’éviter toute désinformation contreproductive.
L’Algérie a surtout besoin d’un regard lucide et non d’un regard de courtisans. Il ne faut avoir une vision négative ce qui se qui se passe en ce mois de mai 2016, avec des prises de positions contradictoires tant au niveau des partis politiques que du pouvoir et de certaines organisations de la société civile et personnalités économiques. Cela traduit la vitalité d’une société à la recherche de son destin. Personne n’a le monopole du nationalisme et de la vérité.
Le plus grand ignorant est celui qui prétend tout savoir d’où l’importance du respect des idées d’autrui. Tous les Algériens aiment leur pays et rêvent qu’ils deviennent un pays émergent. Les discours qui voient l’ennemi extérieur partout afin de voiler les difficultés internes ne portent plus et sont déconnectés de la réalité sociale avec une jeunesse exigeante, de plus en plus instruite et connectée. Ceux qui attisent la haine et la division ne rendent pas service au pays en cherchant à préserver leurs intérêts personnels au détriment des intérêts supérieurs de l’Algérie.
En ces moments cruciaux pour son devenir, si elle veut éviter le retour au FMI et des tensions sociales de plus en plus aiguës, l’Algérie a besoin d’une vision stratégique claire, donc de revoir son modèle socio-économique et sociopolitique, loin des discours démagogiques populistes.