M.Ali Aissaoui, expert à l’Oxford Institute for Energy Studies, qui était dimanche 4 décembre 2016 « l’invité du direct » de Radio M, ne croit pas beaucoup aux perspectives, très optimistes , de redressement de la production nationale d’hydrocarbures annoncées pour les prochaines années par les responsables du secteur.
« La non transparence augmente la perception du risque chez les partenaires internationaux » souligne l’expert algérien qui relève que nos réserves de gaz par exemple « ont été récemment réévaluées officiellement par les responsables de Sonatrach, sans aucune explication, à environ 2700 milliards de m3 alors que jusqu’à une date récente on parlait encore de plus de 4000 milliards de m3 ».
Les partenaires de l’Algérie dans le domaine gazier estiment aujourd’hui selon M.Aissaoui que « notre pays fait face à un problème de réserves et de capacité de production ». « Les gazoducs ainsi que nos installations de GNL ne sont utilisées actuellement qu’à moitié de leurs capacité » affirme encore le chercheur d’Oxford.
Baisse des réserves et réduction du surplus exportable
La situation est la même pour le pétrole. « Les statistiques de la compagnie British Petroleum, qui sont généralement considérées comme la principale référence internationale, évaluent nos réserves de brut à 12 milliards de barils mais il s’agit d’une estimation ancienne qui n’a pas fait l’objet d’une réévaluation récente » en l’absence de communication de Sonatrach dans ce domaine. «
« Un tel niveau de réserves de brut correspond à environ 20 ans de production » ajoute Ali Aissaoui mais il s’agit là d’un « ratio statique » qui ne tient compte « ni des découvertes possibles ni surtout du rythme fulgurant de croissance de la consommation interne qui est susceptible de réduire sensiblement la durée de vie de nos réserves et, avant elles, de nos excédents exportables ».
« Il est actuellement très difficile d’attirer les investisseurs »
Quelle politique adopter face à ce qui apparait comme une baisse tendancielle, et rapide, des réserves algériennes d’hydrocarbures ? Pour Ali Aissaoui, les choses sont claires. « Il faut d’abord maitriser la croissance de la demande y compris à travers l’augmentation des prix internes ». Ce que les autorités algériennes ont commencé à faire avec une certaine prudence.
Mais selon l’expert algérien l’enjeu principal pour le secteur se situe dans l’amont pétrolier et gazier. « Il est actuellement très difficile d’attirer les investisseurs » constate Ali Aissaoui.
Et pour cause, « le domaine minier algérien souffre d’un problème général d’attractivité qui est lié, dans la perception des compagnies internationales, à la fois à l’économie des projets avec les problèmes actuels de prix trop bas, au contrôle des gisements en relation avec la problématique du 51/49 et enfin, à la sécurité des installations et du personnel qui fait actuellement l’objet d’une appréciation négative ».
Comment trouver des solutions ? On pourrait commencer par s’inspirer de ce qu’on fait récemment les autorités égyptiennes affirme le chercheur d’Oxford. « Dans un contexte au moins aussi difficile que celui de notre pays, elles ont décidé de réunir les acteurs nationaux et étrangers et de mettre tous les problèmes sur la table dans des conditions de transparence maximale ». Une démarche qui a donné de « très bons résultats3 selon Ali Aissaoui.
« Un large débat national est nécessaire »
Et si ça ne suffit pas, il faudra bien engager un « débat national sur le cadre juridique du secteur à l’image de ce qu’a fait Ait Laoussine au début des années 90 ». A l’époque où les ressources gazières du pays étaient encore nationalisées à 100% dans le prolongement des décisions de 1971 .Le gouvernement a ouvert le débat avec les partis d’opposition ,les syndicats et les cadres de Sonatrach pour parvenir à un consensus qui a permis d’appliquer au gaz les mêmes règles qu’au pétrole et de booster la production nationale .
Ali Aissaoui en est convaincu : « la loi de 1986 même amendée en 2006 et en 2013 n’est pas suffisante. Chakib Khelil a fait l’erreur en 2005 de vouloir introduire un nouveau cadre juridique sans concertation suffisante. Si on veut relancer sérieusement l’exploration et la production dans l’amont, il faudra sans doute passer par un très large débat qui associera toutes les parties…«
Un projet d’avenir : ramener le gaz de l’extérieur
Et si ça n’était encore pas suffisant ou pas possible ? « Si on n’arrive pas à mettre en œuvre un programme sérieux en amont, il faut ramener le gaz de l’extérieur dans le but d’utiliser et de rentabiliser nos capacités d’exportation actuellement utilisées à moitié ».
Pour y parvenir Ali Aissaoui donne un conseil aux autorités algériennes .Il suggère de s’intéresser non seulement au projet Nigal avec le Nigéria mais plutôt désormais aux importantes ressources gazières offshore découvertes récemment en Mauritanie sur lesquelles lorgnent déjà nos voisins marocains.