Une semaine économique, pauvre en recettes hydrocarbures mais riche en débats, commentée par El Kadi Ihsane.
Rien n’a filtré des deux réunions d’urgence autour de Abdelmalek Sellal la semaine dernière au sujet des mesures de riposte économique devant la prévision budgétaire en baisse pour 2015 : Ou alors si. Les ministres ont comme consigne de dire que rien ne va changer. Le ministre des Affaires sociales a rassuré sur la suppression de l’article 87 bis qui permet de faire remonter les bas salaires, le ministre du Commerce a tranquillisé sur le maintien de l’intégrité du système de subventions. Même Laïd Benamor, qui n’est pas au gouvernement, mais qui parle un peu comme un ministre depuis qu’il est à la tête de la chambre algérienne de commerce et d’industrie (CACI), a dit que «la baisse des prix du pétrole peut être bénéfique à notre économie».
C’est certes différent. Mais cela participe tout de même à la traque à la panique. C’est l’occasion de comparer l’action de Sellal 2014 à celle de Ouyahia 2008 lorsque les cours du brut sont passés sous les 40 dollars à fin novembre, alors qu’ils étaient à 147 dollars le baril en juillet de la même année. Ahmed Ouyahia a commis une circulaire le 22 décembre 2008 qui révisait la loi sur les investissements en introduisant le 51-49 au profit de la partie algérienne dans tous investissements étrangers. Il a interdit le paiement libre des importations en imposant le crédit documentaire. La situation de la balance des paiements de l’Algérie s’est ensuite redressée à partir de 2010, après une année 2009 juste à l’équilibre (+ 500 000 dollars).
Mais était-ce le fruit du 51-49 — qui combat l’exportation massive de dividendes — et le crédit documentaire obligatoire qui combat l’importation massive de biens et de services ? Bien sûr que non. C’est la réunion de l’OPEP d’Oran (2,2 millions de barils/jour retirés du marché), et le non-effondrement du système financier international en 2009 qui ont relancé les recettes de la fiscalité pétrolière. Les circulaires d’Ouyahia, matrices de la LFC 2009, elles, n’ont pas atteint leurs objectifs. Le 51-49 a détérioré l’attractivité en IDE du pays, et, s’il a réduit les sorties de dividendes, il a surtout bloqué leur entrée dans la proportion d’un pays comme l’Algérie. Le Credoc n’a pas freiné les importations. Les opérateurs et les banques se sont adaptés. Ahmed Ouyahia a clairement «sur-réagi» en 2008. Sellal, à l’inverse, paraît tétanisé. Six années plus tard, à la nouvelle alerte sur les revenus extérieurs de l’Algérie, la jurisprudence de la panique Ouyahia devrait donc donner à réfléchir à Abdelmalek Sellal. Mais pas trop tout de même. D’abord, parce que le temps ne le permet pas beaucoup. Ensuite, parce que cela ne ressemble pas au personnage de réfléchir. Surtout pas longtemps.
Si Abdelmalek Sellal multiplie les conclaves pour savoir quoi faire, Mohamed Laksaci agit : Le gouverneur de la Banque d’Algérie n’est jamais aussi à l’aise que lorsqu’il faut serrer les vannes. C’est la qualité de son défaut. Ce n’est pas un faiseur de marché — comme devrait l’être tout régulateur. Il a, en refusant tout nouveau agrément bancaire depuis 10 ans, laissé le secteur bancaire algérien devenir un oligopole de fait. Ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui. Dans le cycle économique précédent, celui des excédents financiers, le risque, avec la politique budgétaire expansive, était celui de l’inflation. Mohamed Laksaci a réussi sa politique de maîtrise de la masse monétaire. Tant mieux.
Dans le cycle qui commence depuis la baisse des cours du brut, et qui était déjà amorcé par celle des volumes de gaz exportés, le risque est, bien sûr, celui du déséquilibre de la balance des paiements. Le gouverneur de la Banque d’Algérie a du mal à se faire entendre auprès de l’Exécutif. Il entreprend donc, dans son secteur, des mesures de protection de l’équilibre extérieur. Les banques primaires ont été invitées à recadrer le montant de leurs opérations. Il doit équivaloir non plus quatre fois, mais deux fois leurs fonds propres. Autrement dit, si une banque veut, par exemple, toujours faire 100 milliards de dinars de produits, elle doit disposer non plus «seulement» de 250 milliards de dinars de fonds propres, mais de 500 milliards de dinars.
La mesure vise clairement à réduire le financement du commerce extérieur qui représente le poste d’engagement principal des activités bancaires, en particulier des banques privées (80% dans certains cas). Les banques sont ainsi invitées à limiter leur part d’engagement dans le commerce extérieur auprès de leurs clients, sans pour autant être plus incitées à financer des activités domestiques. Le pronostic le plus partagé est qu’elles vont s’adapter. Faire leurs calculs, et augmenter leurs fonds propres à la bonne hauteur de ratio pour ne pas avoir à renoncer à la manne, certes moins rentable, de l’accompagnement des importateurs. Cela fait déjà penser un peu à l’opération crédit documentaire obligatoire de fin 2008. On en connaît l’issue.
La COSOB, la commission de surveillance des opérations en bourse est un régulateur plus inventif que l’ARPT qui a copié sur la Corée du Nord la double numérotation pour la 3G : La COSOB a lancé, l’autre semaine, l’interdiction d’introduire un ordre de vente à la Bourse d’Alger si on ne dispose pas d’une mainlevée de l’Etat algérien détenteur du droit de préemption sur les actifs détenus par les étrangers. Or, nulle part dans le monde les opérations en Bourse ne sont compatibles avec les droits de préemption, publics ou privés. Si un titre a été admis en cotation, il est cessible en Bourse. Si un acquéreur veut en prendre possession, il peut le faire justement en Bourse. Valable pour l’Etat algérien. Le patron de la COSOB était à Londres aux côtés de Abdeslam Bouchouareb au moment de l’annonce sur Radio M de la transaction à la Bourse d’Alger entre Afric Invest et Cevital sur 15% du capital de NCA Rouiba. A-t-il voulu faire du zèle anti-Rebrab en soumettant cette opération de Bourse à autorisation ? Le fait est qu’il a agi comme l’ARPT. Il a régulé contre le marché, et les petits porteurs intéressés par un premier souffle de mouvement à la Bourse d’Alger. Comme la double numérotation de l’ARPT régulait contre les usagers et leur confort.