Jeudi dernier, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, recevait les chefs de trois partis politiques, dans le cadre de ses consultations avec les dirigeants de partis politiques, indique un communiqué de la présidence de la République.
Il s’agit de Fatima Zohra Zerouati, présidente de Tajamoue Amal El Djazair (TAJ) et ancienne ministre de Bouteflika, Abou El Fadhl Baadji, secrétaire général du parti du Front de libération nationale (FLN), et enfin Belkacem Sahli, Secrétaire général de l’Alliance nationale républicaine (ANR), l’un des plus fervents soutiens de l’ancien président déchu, Abdelaziz Bouteflika.
Galvanisé par sa réapparition, Sahli se charge lui même d’annoncer la convocation imminente du corps électoral, au sortir de sa rencontre avec le chef de l’Etat, pour la tenue des prochaines législatives qui auront lieu le 12 juin 2021, et dont l’annonce est faite par le présidence, quelques heure plus tard.
En effet, le patron de l’ANR refait son apparition sur la scène politique, après une traversée du désert, qui aura duré plusieurs mois. Mais qui est-il vraiment et a t-il encore une place dans le sérail ?
Tout le monde se souvient comment le Secrétaire général de l’Alliance National et Populaire (ANR), a tenté jusqu’au bout de maintenir à flots la candidature de son « parrain », Abdelaziz Bouteflika, à un cinquième mandat présidentiel, contre vents et marées.
Une position pour le moins étonnante et contre-nature, estime le militant de la première heure et membre fondateur du parti, K.T, tant elle était aux antipodes des principes politiques républicains, tracés et défendus par feu Redha Malek, ancien président fondateur, chef de file et maître à penser de l’ANR entre 1995 et 2009.
En effet et depuis quelques années, des adhérents et membres fondateurs du parti, appartenant au bureau national, en l’occurrence K.T, B.M et M.S, n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme pour dénoncer les pratiques délictueuses dont Belkacem Sahli a été l’auteur, selon eux, mais aussi la posture du cavalier seul prônée par cet homme, dans la gestion des affaires du parti et de sa ligne politique.
A commencer par sa non appartenance au parti depuis sa création en 1995 et jusqu’à 2004 (ni en tant que membre fondateur ni en tant qu’adhérant). Interrogés sur la question, nos interlocuteurs nous ont appris également que leur secrétaire général n’a occupé aucune fonction officielle au sein du parti entre 2000 et 2012.
Une montée en puissance à partir de 2012
Selon T.K, tout a commencé lorsque le père de Belkacem Sahili, lui-même cadre de l’ANR, a fait jouer son influence pour le placer à l’Université Ferhat Abbas de Sétif, où il occupait un poste d’enseignant. Puis, profitant de sa proximité avec un certain Salim Saadi (ancien ministre entre 1979 et 2002), il réussit à lui obtenir une bourse d’études en France, par le truchement de Ahmed Djebbar, ancien ministre de l’éducation aux gouvernements Redha Malek et Belaid Abdesselem.
« C’est ainsi que la mécanique Sahli s’est mise en marche. Une succession de renvoi d’assesseurs qui l’ont toujours amené plus haut » Estime T.K.
Comme dans une partie d’échecs, Sahli avance ses pions. Ce jeu de positionnement stratégique se poursuit jusqu’en 1999, et l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika à la tête pouvoir. C’est justement cette année-là que Belkacem Sahli réalise son premier coup de Trafalgar, nous informe T.K. « Il subtilise à son père le cachet du parti, qu’il appose sur un communiqué officiel, annonçant le soutien de l’ANR au candidat Abdelaziz Bouteflika, alors que tous les candidats encore en lice avaient décidé de déclarer forfait ». Nous informe notre interlocuteur.
Ce premier acte d’allégeance envers Bouteflika lui a valu une révocation de l’ANR. Mais en parallèle, il a réussi à gagner ses premiers gallons auprès des anciens tenants du pouvoir.
En 2012, il profite de la tendance opportuniste provoquée par vide politique survenu au sein des appareils politiques et notamment celui de l’ANR, pour sonner la charge et revenir en force au congrès extraordinaire du parti tenu les 24 et 25 février. « Il se fait alors élire secrétaire général, avec le concours de l’ancien DRS », explique T.K. Et d’ajouter : « Sahli est bon orateur. C’est comme ça qu’il a réussi séduire un des plus puissants généraux de l’époque et se faire adouber par les membres de la commission Bensalah, qui plaidaient en faveur de l’ouverture des mandats présidentiels et sa non limitation ».
En effet, Abdelaziz Belkhadem, ancien Premier ministre et ex-Secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), avait à l’époque reproché, lors de son passage à l’émission « Hiwar Essaa » de la chaîne de télévision nationale A3, à l’Instance de consultations, d’avoir « ouvert grand les portes à d’illustres inconnus » !
Sans avoir nommément cité les personnalités qui ont été reçues par Abdelkader Bensalah et ses deux conseilleurs, le général en question ainsi que Mohamed Ali Boughazi, actuel ministre du Tourisme et ancien proche du clan Bouteflika, Abdelaziz Belkhadem a estimé tout de même qu’il est « anormal qu’ils soient consultés pour des causes qui engagent l’avenir du pays ».
Les liens entre Sahli et Abdelkader Zoukh
Selon le témoignage de T.K, aux législatives de 2012, Abdelkader Zoukh, alors ex-wali de Sétif, contribue grandement à ce qu’il réussisse à obtenir trois sièges à l’Assemblée Populaire Nationale. Mais son ascension fulgurante ne s’arrête pas là ! En septembre de la même année, il est nommé secrétaire d’état auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la communauté algérienne à l’étranger, au gouvernement de Abdelmalek Sellal.
A cette fonction, Belkacem Sahli chavire à deux reprises, la première lorsque huit députés ont publié un communiqué dénonçant « le refus de ce membre du gouvernement de travailler avec eux pour le bien des ressortissants algériens à l’étranger » tout en en qualifiant son attitude « d’irresponsable » et « d’incompréhensible ».
La deuxième intervient lorsqu’il aurait profité, selon nos sources, de sa position privilégiée pour asseoir son pouvoir au sein du parti qu’il dirige, notamment en nommant son frère, ancien lieutenant colonel de l’ANP, au poste de secrétaire national chargé de l’organique.
Mais le plus grave d’après nos interlocuteurs, c’est le virage idéologique et politique dans lequel il aurait engagé le parti. « Intrinsèquement républicain et attaché aux principes de démocratie et de liberté, l’ANR tombe en déconfiture dans les abysses de la pensée unique, condamné à entériner sans débat ni dialogue aucuns, les décisions prises par le gouvernement.» Estime T.K .
Le décès de Redha Malek lui ouvre une deuxième brèche !
Solidement installé à la tête de l’ANR et renforcé par les nombreuses alliances concluent dans le sillage de son allégeance au pouvoir, ce n’est qu’en 2017, au moment du décès de la figure emblématique du parti, feu Rédha Malek, que Belkacem Sahli se retrouve pointé du doigt par ses propres compagnons de route. « Comme lorsqu’il se fait éconduire par la famille et proches du défunt leader du parti, à la cérémonie mortuaire, qui refusa de l’accueillir en lui signifiant ouvertement qu’il n’était pas le bienvenu. Ou lorsqu’un bon nombre de voix émanant du parti s’élèvent enfin pour lui demander des comptes sur ses pratiques douteuses et ses combines mafieuses, en allant jusqu’à exiger qu’il soit traduit en conseil de discipline.»
Son soutien au 5ème mandat n’était pas un baroud d’honneur
Mal en point au sein de son propre appareil à partir de 2017, Belkacem Sahli tente de se refaire une santé en politique, en soutenant la candidature de Abdzlaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel. Et Même si l’ANR n’a pas daigné faire partie de la fameuse alliance présidentielle formée par le FLN, RND, TAJ et le MPA, il n’en reste pas moins que son sulfureux patron a encore une fois raté l’occasion de se racheter auprès de ses camarades, en se dressant ouvertement contre le Hirak, qui exigeait le départ du président imminent et sans conditions du président grabataire.
Maniant le verbe à la perfection, il s’engage alors dans une campagne pro-Bouteflika, opérée en solo sur les plateaux de certaines chaînes de télévision. Et comme s’il était investi d’une mission, Sahli se démène comme un beau diable, des semaines durant, pour tenter de sauver celui qui était à l’origine de sa propre chute.
En s’érigeant en dernier rempart de Bouteflika contre perte inéluctable du pouvoir, Belkacem Sahli essaie, vainement, de faire durer le suspense. Il propose alors de tenir une conférence nationale, de prolonger la durée constitutionnelle du mandat présidentiel ou encore d’annuler le scrutin présidentiel. Mais, ne parvenant pas à sauver les meubles du palais présidentiel, le Secrétaire général de l’ANR préfère activer son rotor et rallier la position de l’armée et son défunt chef, Ahmed Gaid Salah, qui en poussant le président malade à démissionner sous le poids du Hirak, le 2 avril 2019, redevient le nouveau garant du pouvoir en Algérie.