Au lendemain de sa nomination comme ministre des Finances, monsieur Mohamed Loukal a fait publier le 1er avril par la Banque d’Algérie (BA) un document intitulé « Point de situation sur le financement non-conventionnel », la première du genre. Il était bien temps de le faire car ce programme a commencé dix-sept mois auparavant et que la somme ahurissante de 6.556 milliards (mds) de DA (55 mds de dollars, soit 32% du PIB de 2018) a déjà été créée.
Les principaux messages de la première partie du document de la BA (points 1 à 4) sont que la Banque d’Algérie était contre le financement monétaire, et que des experts ont insisté pour cette solution dans une note d’avril 2017 intitulée « Financement de l’économie algérienne : écueils et solutions possibles ». Nous sommes les auteurs de la note. Il est de notoriété publique que nous avons été favorables au principe du recours au financement monétaire, sous des conditions drastiques (et certainement pas au montant ahurissant qui a été tiré), et surtout dans le cadre d’une politique macroéconomique globale reposant sur l’ajustement budgétaire (graduel) et la diversification des sources de financement de l’économie. Nous avons publiquement défendu cette vision dans un document de mars 2016, lors de la conférence organisée par la Banque d’Algérie en mai 2016 et en présence du représentant du FMI en charge de l’Algérie, dans un document en novembre 2017 et un autre en avril 2018, ainsi que dans plusieurs interventions médiatiques. [1]
Nous pouvons ici affirmer que Monsieur Laksaci, ancien Gouverneur de la Banque d’Algérie, était contre le financement monétaire puisqu’il nous l’a dit lors de la conférence de la Banque d’Algérie. Il était tout simplement dans son rôle de banquier central principal de notre pays comme nous étions et sommes toujours dans le nôtre d’économistes d’abord préoccupés par sa trajectoire de croissance. Ceci étant, il était aussi favorable que nous à continuer la baisse de la valeur du dinar. Il a été mis fin à ses fonctions deux jours après la conférence de la BA pour faire place à une nouvelle politique.
Son successeur, Monsieur Loukal, a procédé au financement monétaire à très grande échelle, 6.556 mds de DA soit 32% du PIB en dix-sept mois, montant très largement au-dessus de ce que nous avons recommandé, soit 2.550 mds DA à fin 2019. Pour rappel, des puissances économiques ont eu recours au financement monétaire, en particulier les Etats-Unis avec 30% du PIB sur une période de six années et l’Europe avec 20% du PIB sur une période de trois années.
Par ailleurs, Monsieur Loukal a affirmé publiquement et à plusieurs reprises qu’il a « stabilisé » la valeur du dinar ignorant complètement les déficits ahurissants du compte courant de la balance des paiements (13% du PIB en 2017 et 10 % en 2018) et l’avis de tous les experts sérieux et des institutions internationales ; pour rappel, le montant des réserves de change était de 132 mds de dollars à son arrivée à la tête de la BA contre moins de 80 mds à son départ.
La seconde partie du document de la BA (point 5) fait le point sur le programme de planche à billets. Le principal message de cette partie est que le montant d’argent de la création monétaire réellement injecté dans l’économie est de 3.114,4 mds DA sur les 6.556,2 mds DA du programme global, ce qui est une vraie escroquerie. Nous expliquons ci-dessous que le vrai montant est de 4.954,4 mds DA (24,2% du PIB).
Nous allons revenir longuement sur le contenu de la première partie du document de la BA, comme la seconde partie du document, et nous abordons en sus des points essentiels que le document de la BA ignore pour des raisons obscures. Il est de notre responsabilité de le faire pour éviter qu’à la suite de son document infâme et infâmant, Monsieur Loukal en profite aussi pour se laver la main des résultats et conséquences futurs du programme et en fasse porter le chapeau à son successeur non encore désigné. Nous commençons par un bref éclairage des circonstances qui ont conduit inéluctablement au lancement du financement monétaire.
Ce sont essentiellement des rappels utiles à destination des personnes désintéressées dont la promptitude à intenter des procès en naïveté dans le meilleur des cas, alors même qu’elles ne disposent pas de l’essentiel de l’information (classée), atteste d’un manque de rigueur pour le moins étonnant, d’où les grossières erreurs de datation et d’analyse relevées ici et là ces derniers jours dans les meilleures gazettes. Dans le cas d’un pays comme le nôtre, proche de la cessation de paiement interne en 2017, était-il-il naïf de tenir compte de la situation de crise aigüe d’alors ?
Avant d’aller plus loin, il convient de soulever un point important. Nous avons rédigé plusieurs notes à l’intention du Premier Ministre Abdelmalek Sellal au printemps 2017 lorsque l’économie du pays était en plein asphyxie, en particulier sur le programme de financement monétaire. Jusqu’à aujourd’hui, notre honneur et notre intégrité nous ont empêchés de les rendre publiques malgré toutes les attaques reçues depuis septembre 2017.
La dernière attaque d’une rare malhonnêteté de Monsieur Loukal nous oblige à envisager de rendre publics tous ces documents. De fait, nous rendons public en même temps que la présente note le document intitulé « Financement de l’économie algérienne : écueils et solutions possibles », rédigé à l’intention du Premier Ministre Abdelmalek Sellal et remis à ses services le 24 avril 2017, qui est abondamment cité par la note de la BA. Il va de soi que nous nous tenons prêts à dévoiler toutes les notes rédigées à cette époque-là de même que la correspondance complète avec la BA, qui est très significative.
1- Genèse du programme de financement monétaire
Vers la fin de l’année 2016, le système bancaire du pays était proche de l’asphyxie puisque les liquidités bancaires atteignaient le niveau très faible de 820 mds de DA, et que le ratio crédits bancaires / dépôts collectés en dinars était de 87,1%. Le niveau des liquidités était loin de la période des excès structurels de liquidité que le pays a connue avant le contre-choc pétrolier de juin 2014. Sur ce plan, le pays recule brusquement d’une quinzaine d’années, au début de la décennie précédente, mais avec une « topographie » socioéconomique bien différente.
Entretemps, le pays, surfant sur la vague des revenus pétroliers abondants, avait lancé des programmes d’infrastructures épatants, les importations avaient doublé (en % du PIB) et la réponse budgétaire au Printemps arabe avait exacerbé à un point inimaginable les dépenses sociales, les subventions diverses et variées et le budget de fonctionnement de l’Etat. L’œil rivé sur le matelas des réserves de devises encore reluisant, le gouvernement se rendait compte à ce moment que ce matelas confortable n’empêchait pas de facto la faillite de l’Etat, l’incapacité un jour prochain à s’acquitter des salaires des fonctionnaires et des pensions.
Par ailleurs, un fort ralentissement de l’économie était ressenti, ce que confirmera l’ONS plusieurs mois plus tard : la croissance du PIB hors hydrocarbure a été de 2% au premier semestre 2017 contre une moyenne de 5,9% pour la période 2010-2015.
A cela s’ajoutaient quatre éléments politico-économiques importants :
- Le pays s’interdisait d’emprunter à l’international depuis déjà quelques années.
- Le pays, par la voix du gouverneur de la Banque d’Algérie Loukal décrétait une pause dans la dévaluation du dinar.
- En adoptant une trajectoire budgétaire pluriannuelle 2017-2019 assez contraignante mais raisonnable, notre pays s’accordait du temps dans l’ajustement budgétaire.
- Le gouvernement décidait de renoncer encore (devant l’étendue de la tâche mais pas seulement) à la réforme bancaire pourtant réclamée à cor et à cri par la Task Force installée par l’ex-Premier Ministre Sellal quelques mois auparavant, et par de multiples autres voix discordantes depuis quelques années déjà. De même, toutes les réformes requises du financement de l’économie inscrites dans le Nouveau Modèle de Croissance, adopté en conseil des ministres le 26 juillet 2016, et incluant notamment la réforme des marchés financiers et des Partenariats Public/Privé, ont été soit gelées soit réduites à leur portion congrue. De fait, la Task Force cessera de fonctionner en tant que telle après juillet 2016.
Si le recours aux marchés financiers internationaux à court terme était exclu par les autorités du pays pour des raisons politiques, et déconseillé par nous-mêmes pour des raisons économiques comme nous l’avons expliqué dans plusieurs documents (octobre 2015 et novembre 2017), la décision de ne pas continuer la dévaluation contrôlée du dinar, entamée de façon plutôt concluante sous le gouvernorat de Mohammed Laksaci, reste une énigme étant donné l’ampleur catastrophique avérée de la crise des finances publiques à cette époque. Aurait-on voulu alors donner des gages à des opérateurs économiques friands d’importations, on ne se serait pas pris autrement. L’excuse toute trouvée par Monsieur Loukal pour expliquer l’inexplicable était que l’ajustement de dinar attendrait la mise en place de marchés de change à terme, alors que les finances publiques étaient en totale perdition déjà fin 2016.
De même, le non-démarrage du plan de réforme du financement de l’économie a de quoi interpeler, même si en l’occurrence l’explication par l’économie politique (blocage du système rentier) coule de source. Reste l’ajustement budgétaire pluriannuel assez contraignant adopté par le gouvernement Sellal, qui sera ensuite abandonné par le gouvernement Ouyahia. La perspective des élections présidentielles d’avril 2019 est passée par là.
Même si le gouvernement Sellal n’a pas lui-même actionné la planche à billets, elle devenait de fait inéluctable déjà au printemps 2017, d’autant qu’un nouvel emprunt national n’était pas envisageable par manque de liquidités bancaires, et que la BA ne pouvait donner que ce qu’elle pouvait, la politique monétaire n’ayant jamais réglé des problèmes éminemment structurels nulle part. Il nous semble d’ailleurs important de rappeler que le programme du gouvernement Tebboune adopté en conseil des ministres fait explicitement mention du financement non conventionnel comme l’indique le communiqué de la Présidence de la République en date du 14 juin 2017.
La réactivation de l’open market en mars 2017 et la baisse du taux des réserves obligatoires de 12 à 8% étaient supposées sortir les banques de leur atonie. Il n’en fut et n’en sera évidemment rien, et les banques étaient toujours bien en peine de financer l’économie nationale au printemps 2017, même après la mise en exécution de ces deux mesures. Sans réformes profondes du financement bancaire et non-bancaire, les rustines conjoncturelles de la BA ne serviront qu’à entretenir l’illusion…un court moment.
C’est dans ce contexte que le premier auteur du présent document, membre de la défunte Task Force, a été sollicité par la Primature pour donner un avis académique sur la planche à billet début mars 2017. Il rédigera à cet effet une note de 9 pages, datée du 25 mars 2017, intitulée « Création monétaire, inflation et croissance », et depuis classée. Cette note rappelle les principes et les dangers de la planche à billet, dont plusieurs points ont été développés dans notre document de mars 2016. Elle s’éloigne de l’analyse scolaire de l’impact du financement monétaire en soulignant d’abord que dans le cas de notre pays les risques inflationnistes de court terme sont modérés si le montant de l’injection monétaire est raisonnable et les canaux de transmission totalement maîtrisés .
De fait, les grosses poussées récentes inflationnistes dans notre pays ont été provoquées par les distorsions des marchés (origine non-monétaire), la BA ayant développé pendant la période des excédents structurels de liquidité des capacités de monitoring de haut niveau qui ont toujours permis de circonscrire l’inflation monétaire. Mais la note insiste lourdement sur des risques beaucoup plus grands de la planche à billet, quantitative easing et toute stratégie de mise à disposition d’argent « facile » sur longue période : la dislocation du système financier et banquier algériens, rien que ça, dans un pays où déjà l’informel est endémique et où le système de change est encore dual ! Curieusement, ce passage de la note, pourtant long (s’appuyant sur l’exemple chinois après la chute de Lehman Brothers en 2008) n’a pas attiré l’attention des spécialistes de la BA et du gouvernement, certains préférant surtout voir la minimisation du risque inflationniste à court terme. Les faits nous ont donné raison. La dernière partie de la note revient sur le nécessaire renforcement en parallèle de l’ajustement budgétaire pluriannuel, et l’introduction de nouveaux modes de financement de l’économie, notamment des TIPS (bons du Trésor indexés sur l’inflation).
Suite à cette note, nous avons tous les deux été conviés à participer le 9 avril 2017 à un « conseil interministériel consacré aux instruments alternatifs de financement de l’économie » en présence du Premier Ministre et de son équipe, du Ministre des Finances, du Gouverneur de la BA, et des PDG de toutes les banques publiques.
Au cours de cette réunion, nous avons défendu l’option du financement monétaire, de la baisse de la valeur du dinar, de la baisse des impôts sur le revenu pour compenser l’inflation créée par la baisse du dinar, et l’arrêt de projets très coûteux et pas nécessaires comme ceux de Sonelgaz. A la fin cette réunion, le Premier Ministre Abdelmalek Sellal nous a demandé de lui faire des recommandations sur le financement de l’économie. Nous avons rédigé la note du 24 avril 2017 intitulée « Financement de l’économie algérienne : écueils et solutions possibles ».
En excluant le préambule et le résumé des recommandations, moins d’une page et demi sur huit de la note sont consacrées à la politique monétaire accommodante, avec un paragraphe central entièrement dévolu à l’encadrement quantitatif et au monitoring de la planche à billet ! Le reste du document, soit 6 pages et demie sur 8, traite successivement de la restructuration des dettes de long terme avec période différée pour atténuer en urgence le problème du mismatch bancaire (avec un exemple illustratif : le cas de la Sonelgaz) afin de rendre certains crédits éligibles au refinancement par la BA ; des mesures pour augmenter l’épargne ; et enfin une section entière est consacrée à l’innovation financière, la diversification des sources de financement et l’ajustement aux besoins immédiats de l’économie nationale (notamment pour le financement des programmes de logement).
Le lecteur pourra se faire une idée précise du contenu en parcourant la note. La mystification tentée par Monsieur Loukal tombe d’elle-même.
2- Commentaires sur certains points de la note de la BA du 1er avril
Nous allons éviter au lecteur d’entrer dans tous les détails du document de la BA et nous concentrer sur les points essentiels. Précisons dès maintenant que nous n’avons pas reçu le document de réponse de la BA en date du 18 juin 2017 que mentionne le document de la BA du 1er avril, nos contacts avec la Primature s’étants arrêtés à la fin de mission de Monsieur Sellal le 24 mai 2017. Nous avons par-contre reçu une réponse de la BA le 15 mai sur certains documents que nous avons transmis au cabinet du Premier Ministre ; comme cette réponse n’est pas mentionnée dans le document de la BA, nous avons décidé de ne pas en parler et de ne pas la rendre publique.
A) Notre recommandation pour le montant de la création monétaire : Notre note d’avril 2017 a plaidé pour une création monétaire (incluant réescompte, open market et planche à billets) de 1.100 mds DA en 2017, 700 mds en 2018 et 750 en 2019, soit 2.550 mds DA au total. En tenant explicitement compte de l’encours de 500 mds DA en avril de la création monétaire pour le refinancement (réescompte et open market), nous avons explicitement écrit que le montant global maximal de création monétaire serait donc de 3.050 mds DA à fin 2019. Nous sommes très loin des montants tirés actuellement alors que l’année 2019 est très loin d’être terminée.
De manière stupéfiante, Monsieur Loukal écrit au sujet de notre recommandation pour l’année 2017 « Il est à noter que ce niveau d’intervention de la Banque d’Algérie dans le financement de l’économie est quasiment atteint, au cours des cinq premiers mois de cette année, sous la forme de 657 milliards de dinars de refinancement (réescompte et opérations d’open market) et de 920 milliards de dinars de dividendes versés au Trésor et sans recourir au QE,… ». Monsieur Loukal inclut les dividendes de la BA dans le montant de la création monétaire, ce qui est une escroquerie doublée d’une contradiction. C’est une escroquerie car les dividendes sont des bénéfices que la BA doit verser à son actionnaire principal (l’Etat), et que c’est une opération classique de tout bilan comptable.
Nous croyions naïvement que Monsieur Loukal avait fini par apprendre à lire un bilan après avoir dirigé la plus grande banque du pays pendant une quinzaine d’années… La contradiction est ailleurs. Puisque le document de la BA inclut les dividendes de 2017 versés par la BA au Trésor dans la création monétaire, pourquoi ne pas inclure ceux de 2018 (1.165 mds DA) et 2019 (600 mds DA selon la LF 2019) dans le montant global du financement non conventionnel ?!! Pendant qu’on y est, on pourrait aussi rajouter le montant du FRR (740 mds DA) injecté après que le niveau plancher de ce fonds a été supprimé !
B) Refinancement auprès de la Banque d’Algérie : Le document de Monsieur Loukal suggère que le refinancement auprès de la BA aurait été suffisant pour maintenir un bon niveau de liquidité, ce qui est une autre escroquerie.
Pour rappel, une banque commerciale peut se faire refinancer par la banque centrale un crédit qu’elle a donné à un de ces clients, le montant du refinancement étant partiel et en fonction de la qualité du client et du prêt, et le taux en général plus bas que celui que la banque a appliqué à son client. Mais la législation de la banque centrale peut exclure certains prêts du refinancement. De fait, les règles de la BA, qui sont tout à fait standards, excluent le gros des prêts consentis par les banques publiques. Ainsi, La BA exclut de refinancer un prêt qui contiendrait un délai de différé pour le remboursement du capital, cette exclusion étant limitée à la période de différé. Or la quasi-totalité des prêts au secteur public (la moitié du montant global) contient de longues périodes de grâce, souvent dix ans. C’est aussi le cas de certains prêts au secteur privé, avec une période de différé qui peut atteindre cinq années. Notre document d’avril 2017 a proposé une solution pour régler ce problème, solution qui à notre connaissance n’a pas été appliquée.
Par ailleurs, les prêts des banques à Sonelgaz ne peuvent être refinancés car ses actifs ne peuvent être saisis par les banques en cas de défaut de remboursement. Etant donné l’énorme dette de Sonelgaz auprès des banques (2.000 mds DA en 2017 sur le total de 8.000 mds DA), nous avons recommandé dans notre document d’exclure Sonelgaz de toute opération du refinancement monétaire. En octobre dernier, le montant de la planche à billets pour refinancer la dette de Sonelgaz était de 545 mds DA ; il pourrait-être plus élevé maintenant.
Enfin, il y a une règle qui oblige toute banque à signaler à la Banque d’Algérie tout crédit dans un délai de trois mois, au risque d’exclure ce crédit du refinancement. Malheureusement, énormément de crédits consentis par les banques publiques au secteur privé n’ont pas été signalés à la BA, ce qui les exclut du refinancement par la BA. Une question intéressante est évidemment de savoir si la BEA sous la direction de Monsieur Loukal avait signalé tous ses prêts à la BA…
C) Pression inflationniste, taux d’intérêt et excès de liquidités : La note de la BA soulève deux paradoxes dans notre document. Le premier est que nous sommes favorables à la planche à billets qui serait éminemment inflationniste mais que nous demandons à ne pas inonder le marché de liquidités afin d’éviter de mettre de l’huile le feu en alimentant la spirale inflationniste. Où est le paradoxe ? Nous avons défendu une création monétaire modérée pour justement éviter les risques inflationnistes.
Dans un long document écrit par le second auteur du présent document, envoyé en septembre 2017 aux autorités du pays incluant Monsieur Loukal, dont une seconde version a été rendue publique en novembre 2017, nous avons fait plusieurs recommandations opérationnelles. En particulier : 1) injecter de manière graduelle la création monétaire selon les besoins du Trésor ; 2) reprendre si nécessaire les reprises de liquidités, même si ça pourrait paraître absurde car la BA reprendrait d’une main les liquidités injectées par l’autre main ; 3) exclure le FNI et Sonelgaz du refinancement monétaire ; 4) adopter une politique orthodoxe dans les taux d’intérêt et la valeur du dinar ; 5) annoncer par la BA un échéancier pour l’émission monétaire mensuelle jusqu’à juin 2019. Etant donnée l’information disponible, nous pouvons affirmer que : 1) le Trésor a suivi notre première recommandation ; 2) la BA a repris son programme de reprises de liquidités car elle a inondé le marché, l’amenant à utiliser un énorme taux de 3,5% pour les reprises de liquidités à 7 jours (voir plus loin); 3) malheureusement le FNI et Sonelgaz n’ont pas été exclus du programme de financement monétaire, ce qui est la principale source d’excès de liquidités du système bancaire ; 4) la BA a continué de gérer de manière non-orthodoxe les taux d’intérêts et la valeur du dinar ; 5) la BA n’a pas annoncé à l’avance ses émissions monétaires.
Selon la note de la BA, le second paradoxe de notre document est que l’injection de liquidités agit à la baisse sur les taux d’intérêt et que nous recommandons de relever les taux d’intérêt. Quelle escroquerie ! Nous avons recommandé de relever les taux d’intérêt de la rémunération de l’épargne pour que la monnaie fiduciaire, c’est-à-dire l’argent en dehors du circuit bancaire entre dans ces circuits. Dans ce cas, le montant de la création monétaire serait moins élevé car les besoins de liquidités plus faibles !
Pour terminer cette sous-section, les dix sept premiers mois du programme de financement monétaire montrent clairement que les pressions inflationnistes sont encore faibles malgré tout ce qu’on prédit les « experts ». Nous l’avons dit et redit à plusieurs reprises (documents de mars 2016, avril 2017, novembre 2017, et avril 2018) que ce risque est faible à court terme, et tant que les réserves de change son appréciables, le principal argument est que l’énorme déficit du compte courant de la balance de paiements fait que la masse monétaire ne croit pas beaucoup. La gestion future du programme de financement monétaire, incluant les actuelles liquidités, et de manière plus globale de la politique monétaire en particulier la valeur du dinar, comme la politique de consolidation budgétaire, et le lancement des réformes structurelles, détermineront la trajectoire de l’inflation et de fait l’issue du programme de création monétaire entamée en octobre 2017.
D) Solutions proposées par la BA. Le premier grand outil que mentionne le document de la BA est le refinancement par la BA des crédits que nous avons longuement discuté et disqualifié ci-dessus. Le second outil est la baisse du taux de réserves obligatoires, ce que nous avons aussi recommandé. Mais les marges que donne cet instrument étaient faibles. En effet, ce taux était de 8% en avril 2017 et a été abaissé à 4% en août 2017, dégageant une somme proche de 400 mds DA, ce qui est très loin des besoins.
L’autre outil est le placement d’une partie des fonds propres de la BA en titres émis, montant limité à 40% par l’article 53 de la loi de la monnaie et du crédit. Rappelons que le capital de la BA était de 300 mds DA en avril 2017 et qu’il a été augmenté en mai à 500 mds DA.
Fait intéressant, le document de la BA mentionne les dividendes que la BA a versé au Trésor entre 2016 et 2018, en « oubliant » de préciser qu’ils proviennent des gains de change réalisés par la BA suite à la baisse de la valeur du dinar que son prédécesseur a réalisé, gains de change mentionnés dans notre document de juillet 2015. Rappelons aussi qu’un des arguments utilisés en faveur de la planche à billet par le document de novembre 2017 est justement les dividendes que la BA est amenée à réaliser à l’avenir tant qu’il y a déficit de la balance des paiements, la planche à billets étant un moyen de distribuer à l’avance ces futurs dividendes sachant que les besoins du pays sont actuels.
E) Le montant d’argent de la création monétaire injecté dans l’économie est 4.954,4 mds DA (24,2% du PIB) et non pas 3.114,4 mds DA : De manière stupéfiante, Monsieur Loukal affirme « Au total, sur le montant global mobilisé à ce jour, de 6.556,2 milliards de DA, seul un montant de 3.114,4 milliards de DA a été injecté dans l’économie ». Quelle escroquerie ! En effet, la différence entre ces deux montants, soit 3.441,8 mds DA, contient les réserves obligatoires des banques ainsi que les reprises de liquidités !! Or ces montants sont bien injectés dans l’économie. En effet, les banques ne sont pas obligées de souscrire au programme de reprises de liquidité ; elles peuvent prêter cet argent aux agents économiques. De la même manière, dès qu’un agent économique sort de l’argent de son compte, le montant des dépôts de cette banque baisse et automatiquement le montant des réserves obligatoires baisse aussi. Ces montants sont bien dans l’économie et la BA n’a aucun contrôle sur cet argent. Le programme de reprises de liquidités et les réserves obligatoires sont des outils de politique monétaire qui permettent à la BA de lutter contre l’inflation, mais l’argent en question est injecté dans l’économie.
L’argent qui provient du financement monétaire et qui n’a pas été injecté dans l’économie est celui qui est logé dans le comte du Trésor auprès de la BA. Le document de la BA nous informe que ce montant est de 1.601,8 mds DA. Autrement dit, le montant de l’argent de la planche à billets réellement injecté dans l’économie est de 4.954,4 mds DA (24,2% du PIB) et non pas 3.114,4 mds DA comme l’affirme Monsieur Loukal.
F) Avenir du programme de financement monétaire : Le document de la BA se termine en énonçant les bons résultats du programme de financement monétaire et sur la maitrise de l’inflation. Nous ne contestons pas ces affirmations et nous passons sur la contradiction avec la première partie du document où le risque inflationniste était mis en exergue. Néanmoins ces résultats ne peuvent être présentés comme un bilan de la politique monétaire de la mandature de Monsieur Loukal, ce qui le dédouanerait de tout impact retardé du programme, accablant de fait son successeur non encore désigné.
En effet, des effets néfastes retardés du programme de création monétaire, en particulier vu l’énormité du montant injecté, ne sauraient être exclus, en particulier le risque d’une forte et brutale dévaluation du dinar accompagnée d’une forte inflation. Le dinar devra baisser car il est fortement surévalué, et ce indépendamment du programme de création monétaire, ce qui aura un impact sur l’inflation. Par ailleurs, les prix des produits subventionnés sont appelés à augmenter, en particulier ceux de l’énergie. Ceci engendrera de l’inflation et donc une baisse du dinar en terme nominal pour cause de différentiel d’inflation avec nos partenaires commerciaux. Mais nous pourrions assister à une accélération dans la dévaluation de la monnaie si les réserves de change arrivent à un niveau bas de l’ordre de 3 mois d’importations (10 mds de dollars) et que la consolidation budgétaire et du compte courant n’est pas réalisée d’ici là.
3- Un éclairage des enjeux délibérément omis par la note de la BA du 1er avril 2019
A) Gestion de la valeur du dinar : Depuis notre première intervention publique en janvier 2015, nous plaidons systématiquement pour la baisse du dinar, en particulier au cours de la mandature de Monsieur Loukal. En vain, à croire que nous étions plus convaincants pour la planche à billet que pour la baisse du dinar, pourtant soutenue par beaucoup d’autres experts et aussi par le FMI. Un point essentiel dans le développement de notre note d’avril 2017 est le montant des réserves de change. A l’époque, le Premier Ministre Sellal s’est engagé à plusieurs reprises à ce que le niveau des réserves de change ne baissera pas en dessous de 100 mds de dollars sur la période 2017-2019. Nous avons défendu la reprise de la baisse du dinar lors du conseil interministériel du 9 avril 2017.
Monsieur Loukal s’est farouchement opposé à cette baisse au cours de cette réunion en arguant de façon étonnante que personne ne peut déterminer le niveau exact de la valeur du dinar. Tout au long de sa mandature, Monsieur Loukal a décidé d’ignorer l’avis de toutes les institutions internationales, les experts incluant ceux de la BA, malgré les faits, à savoir l’énorme déficit de la balance des paiements. La surévaluation du dinar est catastrophique pour l’économie du pays car elle favorise les importations au détriment de la production nationale et surtout elle encourage la surfacturation et l’évasion des capitaux.
La chute des réserves de change a été dramatique durant la mandature de Monsieur Loukal, avec un montant de 132 mds de dollars à son arrivée contre moins de 80 à son départ. L’histoire retiendra que la seule action prise durant cette période pour lutter contre cette baisse aura été de forcer les importateurs à déposer dans les banques 120% du montant des importations un mois avant l’acte d’importation. Cette action a non seulement entraîné des coûts supplémentaires générateurs d’inflation, mais elle a surtout privé ces importateurs du crédit fournisseur en temps de difficultés financières majeures pour le pays, favorisant de facto les gros importateurs qui ont facilement accès aux crédits bancaires.
B) Taux d’intérêt : Monsieur Loukal est resté silencieux sur les paramètres financiers des prêts de la BA au Trésor et au FNI. Le document du FMI sur l’Article IV en date de mai 2018 nous apprend que ce taux est de 0,5%, ce qui est totalement absurde car très loin de l’inflation. Nous avons recommandé de faire ces prêts à des taux proches de l’inflation. Par ailleurs, les deux Vice-Gouverneurs qui ont défendu le projet de changement de la loi de la monnaie et du crédit ont défendu le même principe, manifestement en vain. Ce taux a été minoré pour que les remboursements annuels par le Trésor et le FNI soient faibles, en particulier durant les premières années puisque manifestement les prêts ont des périodes de grâce de non remboursement du capital. Ainsi, le montant des intérêts annuels des 6.556 mds DA est de 32,8 mds DA, alors que ce montant aurait été de 262,25 mds DA si le taux avait été de 4%.
Ce taux absurde de 0,5% de ces obligations a plusieurs conséquences directes. La BA ne pourra jamais les revendre sur le marché secondaire, même si ce marché finit par se développer (rappelons que les maturités des prêts sont de 30 années ou plus). Par ailleurs, pour éponger les excès de liquidités générés par l’énorme montant d’argent tiré par la planche à billets, la BA a relancé son programme de reprise de liquidités en janvier 2018 et a aussi augmenté le taux des réserves obligatoires. Ces opérations sont rémunérées et coûtent donc de l’argent à la BA et malheureusement bien plus que les 0,5% qu’elle reçoit du Trésor et du FNI. Ainsi le taux d’intérêt des reprises de liquidité à sept jours est actuellement de 3,5% ! Oui, 3,5% soit plus que la rémunération que payent les banques publiques et le Trésor pour l’épargne des algériens. Jamais un tel taux n’a été atteint du temps du Gouverneur Laksaci qui a utilisé le programme de reprise de liquidités pendant plus d’une décennie, avec un taux de 0,75% pour les reprises de liquidité à 7 jours. Le montant des reprises de liquidités devrait être autour de 700 mds DA, ce qui veut dire que le coût annuel pour la BA est de 24,5 mds DA (207 millions de dollars) ! Merci pour les banques publiques et privées qui ne demandaient pas autant de cadeaux. En plus, ce taux diminue les incitations des banques à donner des crédits aux projets productifs au moment où la croissance économique est en berne.
Malheureusement le plus grave est ailleurs. Les prêts ont été faits sur de très longues périodes, avec des périodes de différés du remboursement du capital, au taux de 0,5%, ce qui veut dire que la valeur présente de ces remboursements est beaucoup plus faible que les montants prêtés à cause de l’inflation. Autrement dit, la BA a offert de l’argent, c’est le terme adéquat, au gouvernement et aussi à la caisse des retraites.
Peu de détails ont circulés sur les détails des maturités des prêts et des périodes de différés de remboursement. Néanmoins, l’ancien Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a mentionné une maturité de quarante années avec une période de grâce de vingt années pour les prêts au FNI destinés à la CNR. En prenant un taux d’intérêt de 0,5% et un taux d’inflation de 4%, ce qui est le taux d’inflation de long terme de la BA, la valeur présente d’un prêt de 100 mds DA à la caisse des retraites est de 40 mds DA !! Il n’y a pas d’erreur de frappe, c’est bien 40 mds DA. Ainsi, pour un prêt de 100 mds DA à la CNR, le BA a fait un cadeau de 60 mds DA à la CNR. Est-ce le rôle de la BA ? Le même type de cadeau a été fait pour les autres prêts, mais nous ne pouvons quantifier leur ordre de grandeur sans connaitre la maturité et la période de grâce de ces prêts. Ceci veut aussi dire que les « experts » qui s’alarment du remboursement futur de ces prêts ne devraient pas l’être. Par contre, nous avons de la peine pour les futurs dirigeants de la BA qui devront gérer le bilan comptable de la BA.
C) Pourquoi avoir noyé le système bancaire avec les excès de liquidités ? Une question très importante est de comprendre pourquoi la planche à billets à dérapé à partir de Novembre 2018 avec une création monétaire de 2.600 mds DA, avec un supplément de 500 mds DA prévu pour la CNR selon l’ex-Premier Ministre Ouyahia. C’est d’autant plus surprenant que le Directeur du Trésor qui a une très bonne vision des besoins du Trésor et du système bancaire a affirmé en octobre dernier qu’il était possible de ne plus faire fonctionner la planche à billets. Ces créations ont inondé le marché bancaire, amenant la BA à augmenter le taux de réserves obligatoires des banques de 10 à 12% et probablement à augmenter le montant des reprises de liquidités.
Nous ne voyons qu’une seule explication logique. Nous pensons qu’il y avait un plan d’annonce d’arrêt de la planche à billets au lendemain des élections présidentielles, et que ces liquidités serviraient à financer des emprunts nationaux en 2020, voire 2021. Plusieurs raisons nous amènent à cette déduction. D’abord le montant de 1.360 mds DA prévus pour la CNR qui de fait couvre deux années de déficits (2019 et 2020). Ensuite le taux ahurissant de 3,5% de rémunération des reprises de liquidités pour inciter très fortement les banques à ne pas utiliser ces liquidités sous formes de prêts aux agents économiques. Enfin, la nomination du Monsieur Loukal au poste de Ministre des Finances pour justement faire l’annonce de l’arrêt du programme de la planche à billets en clamant qu’il était contre la planche à billets, son document de ce mois-ci préparant le terrain à une telle annonce. Nous devons avouer qu’il est difficile de faire plus fourbe.
D) Note sur le FRR : Le 1er avril 2017,nous avons rédigé une note à l’intention du Premier Ministre pour expliquer qu’un FRR libellé en dollars au moment de sa création aurait un montant supérieur de plus de 21 milliards de dollars à fin 2016, cette différence étant liée à la perte de change due à la baisse de la valeur du dinar. Nous avons fait des recommandations qui auraient pu éviter retarder d’au moins une année l’utilisation de la planche à billet. Cet argent n’a pas disparu et s’est retrouvé dans le bilan de la BA. La réponse de la BA a raté complètement notre point en se focalisant sur le placement en devises de cet argent, ce qui était totalement hors de propos. Comme cette réponse nous est parvenue le 16 mai 2017, à quelques jours du départ du Premier Ministre Sellal, nous n’avons pas rédigé de réponse puisqu’il n’y avait plus de contact avec le Palais du Gouvernement. Comme ce document n’est pas mentionné par la note de la BA, nous ne pouvons le rendre public.
Conclusion
Au lendemain de sa nomination comme Ministre des Finances, Monsieur Loukal a décidé de se comporter comme un « général courageux » : il a écrit que l’institution qu’il venait de quitter a été contre le financement monétaire, oubliant de rappeler qu’il a été mis fin à la mission de son prédécesseur pour son opposition à ce programme. Tout au long de sa mandature, Monsieur Loukal s’est comporté en « général courageux » ; ainsi, il a envoyé deux Vice-Gouverneurs défendre auprès de l’APN et des médias le programme de financement monétaire au lieu de le faire lui-même. Tout au long de sa mandature, Monsieur Loukal s’est comporté en « général clairvoyant » pour son institution ; il n’a pas nommé de directeur des études après la nomination du titulaire au poste de Vice-Gouverneur ; et pire, il a stoppé les programmes de formation à l’étranger des cadres de la BA, incluant les programmes gratuits que donnent le FMI et le fonds monétaire arabe. Ou est l’intérêt de former des cadres qui vont vous dire que le dinar est surévalué ?!!
On peut penser ce que l’on veut du financement monétaire et toutes les postures sont observées. Néanmoins, il ne faut pas oublier que le financement monétaire sert à combler le déficit budgétaire et aussi celui de la caisse des retraites. La LF 2019 a prévu des recettes de 6.500 mds DA et des dépenses trop élevées de l’ordre de 8.600 mds DA, le déficit étant financé par la planche à billets. Ceci veut dire que 25% de toutes les factures et des salaires payés par le Trésor proviennent de la planche à billet. De la même manière, sur les 1.200 mds de dépenses de la caisse des retraites, 620 mds proviennent d’un prêt indirect de la BA et près de 200 mds DA proviennent du Trésor, ce qui veut dire que près de 670 mds de DA des dépenses de la CNR sont financées par la planche à billets. Autrement dit, plus de 55% de chaque pension de retraite provient de la planche à billets. L’argent des salaires et des pensions qui provient de la planche à billets n’est pas de la fausse monnaie ; c’est de la vraie monnaie qui fait vivre des millions de familles.
Les déficits budgétaires et celui de la caisse des retraites seront encore présents durant les années prochaines et la question de leur financement se posera. L’excès de liquidités engendré par la planche à billets peut permettre de les financer en 2020 à travers un grand emprunt national mais pas au-delà. Se posera alors et avec acuité la question du financement de ces déficits.
Nous avons défendu le principe de la création monétaire car d’une part nous ne voulions pas que le pays refasse l’erreur faite au lendemain du premier contre-choc pétrolier de 1986 avec une coupure drastique des dépenses d’équipements, et que d’autre part les autres moyens de financement ne pouvaient suffire pour combler le déficit budgétaire. Nous avons soutenu le principe de la création monétaire avec un montant raisonnable de 2.550 mds DA sur la période 2017-2019 et en arguant que le risque inflationniste était très faible. L’histoire nous a donné raison. Nous n’excluons pas des effets néfastes retardés du programme de création monétaire comme nous l’avons expliqué ci-dessous.
Nous avons soutenu la création monétaire dans le cadre de la trajectoire budgétaire de la LF 2017 pour la période 2017-2019, trajectoire qui été contraignante. Nous ne sommes ni responsables du changement de politique budgétaire de l’automne 2017 et encore moins des énormes montants du financement monétaires. Nous sommes responsables pour ce que nous avons recommandé dans des documents publics et dans le document d’avril 2017 que nous rendons public, ni plus, ni moins.
Depuis notre première intervention publique en janvier 2015, nous avons toujours privilégié l’intérêt du pays et la rigueur scientifique, n’hésitant jamais à aller à contre-courant de ce que pensaient nos compatriotes, les autres experts incluant ceux du FMI ; ce fut le cas pour la baisse du dinar, le protectionnisme pour les importations et évidemment le financement monétaire. Actuellement, le rôle des élites est mis sur la table face aux enjeux du moment et la formidable énergie que porte le Hirak. Nous pensons qu’un des rôles des élites est d’éclairer et non pas de suivre le vent. Nous l’avons fait depuis janvier 2015 et nous continuerons de le faire. C’est d’autant plus vrai actuellement avec le Hirak car nous savons que les enjeux économiques vont jouer un rôle majeur dans le débat politique au cours des prochaines années. Nous serons présents dans le débat.
Raouf Boucekkine et Nour Meddahi, professeurs des universités
Note
[1] Tous les documents sont disponibles sur https://nourmeddahi.github.io/El-Djazair/El-Djazair.htm