Le Forum des chefs d’entreprise algérien(FCE) a fait un passage discret au CEO 2018. La faute à un choix d’agenda tourné vers le bilatéral et l’institutionnel. Un « archaïsme » très algérien.
Le président Ali Haddad et les membres du FCE, le principal syndicat patronal algérien, qui l’accompagnaient avaient toutes les allures d’une importante délégation officielle dans le hall de l’Hôtel Sofitel Ivoire, à Abidjan, pour les rares moments partagés avec les participants de l’Africa CEO Forum 2018. Flanqué en permanence de l’ambassadeur algérien à Abidjan, Mohamed Abdelaziz Bouguetaia, dont il se dit ici beaucoup de bien sur son dynamisme pro-business et pro-intégration africaine, Ali Haddad et les vice présidents du FCE (Mohamed Bairi, Mehdi Bendimered et Mohamed Skander de Jil FCE) ne se sont presque jamais quittés, enchainant les rendez vous institutionnels, le plus souvent à l’extérieur. Ils ont peu échangé avec les prestigieux PDG africains présents, eux, durant deux jours dans, et en marge, des différentes séances plénières et ateliers thématiques. L’évocation furtive du nom de Ali Haddad dans le mot de clôture de Amir Ben Yahmed, directeur général du groupe Jeune Afrique et co-organisateur du CEO Forum, aura permis à la majorité des participants que « le patron des patrons » algérien était convié à leurs travaux.
Les ministres meilleurs interlocuteurs ?
La délégation du FCE n’est, certes pas, restée inactive durant 48 heures à Abidjan. C’est le choix de son agenda qui paraît quelque peu déroutant pour ceux qui connaissent la fonction premium de networking du CEO Forum entre acteurs privés. Ali Haddad, et sa délégation, a rencontré trois ministres ivoiriens et visité à 40 km d’Abidjan sur le Grand Bassam le projet de Technopole en zone franche, qui veut attirer des acteurs mondiaux et continentaux. Un agenda « ministériel » quasi strictement bilatéral qui aurait pu faire l’objet d’une visite dédiée à la Côte d’Ivoire, au lieu de se supplanter aux opportunités multiples qu’offre, au CEO forum, la présence de plus de 1000 acteurs privés de l’économie africaine et des institutionnels multilatéraux accompagnant leurs investissements et échanges. Bien sûr le FCE peut revendiquer la signature d’un protocole d’accord avec la CGECI, son homologue ivoirien. Un protocole entre acteurs privés, qui fait sens, même si le président du patronat ivoirien, Jean Marie Ackah, a beaucoup insisté sur le fait qu’il ne s’agissait que d’un « premier pas » pour espérer créer un flux d’affaires entre les deux pays. Pour le reste, la délégation algérienne a, entre autres, évoqué avec le ministre du commerce ivoirien, Souleymane Diarrassouba, les questions logistiques qui empêchent les marchandises algériennes d’être compétitives à l’arrivée au port d’Abidjan « 2 mois en moyenne au lieu de 15 jours- trois semaines » a déploré Ali Haddad. Mais la solution pour développer une ligne plus directe entre les ports algériens et le port d’Abidjan est-elle chez le gouvernement ivoirien ou plutôt chez les grands armateurs privés, dont au moins un, était présent au CEO Forum ? Autre démarche, autre style, le conseiller personnel du PDG de Condor Réda Hamai a pris le temps de chercher des réponses à cette problématique « supply chain » parmi ses partenaires participants, exportateurs, comme Condor, de biens manufacturés vers l’Afrique de l’Ouest.
Le networking et les idées dans le Forum
Ali Haddad et ses amis du FCE ne sont peut être pas à blâmer pour un tel tâtonnement dans leur approche de l’Afrique. Ils reproduisent spontanément la démarche historique des Algériens concernant le continent africain. Celle qui croit que tout passe quasi strictement par le souverain et l’institutionnel. Pour sa 6e édition l’Africa CEO Forum a pourtant encore montré à Abidjan cette semaine, que la dynamique à l’autonomisation relative du monde des affaires est bien en marche. Comment devenir un opérateur en Afrique dans les nombreuses opérations de partenariat public privé (PPP) ? Des réponses documentées se trouvaient dans un atelier ou participait le vice président de la SFI, filiale de la banque mondiale dédiée au privé. Un thème qui peut directement intéresser l’ETRHB (frères Haddad), sacrée parmi les entreprises africaines de l’année par le CEO Forum, mais dont on attend toujours un premier contrat significatif sur le terrain africain. Comment grandir dans le continent en combinant des fusions-acquisitions avec des acteurs locaux d’une part, et des créations « from scratch » d’autre part ? Le directeur général de Attijari WafaBank, Aboubekr Jai, en a parlé dans le détail en forum ouvert, puis en tête à tête avec les présents. De même si une entreprise veut sélectionner un fonds d’investissement étranger pour qu’il l’aide à se transformer en champion régional, le président de Activa, Richard Lowe, basé à Maurice, a prodigué les bonnes pratiques du haut de ces vingt années de « Private Equity » pour assurer le développement continental de son enseigne d’assurance « malgré la diversité des régulations par pays ». Une grande partie des projections d’affaires sur le continent africain se trouve chez les entreprises africaines, les fonds d’investissement régionaux, et les institutions multilatérales dédiées au développement. L’archaïsme algérien, de l’ère Abdelkader Messahel, empêche de le voir suffisamment. Ali Haddad et sa délégation, privé parmi les privés, aurait du mieux se prémunir de ce biais, et consacrer plus d’attention au CEO Forum. Gardons tout de même à son actif une vraie volonté d’inaugurer une présence algérienne en Afrique. Un mérite peu négligeable lorsqu’on se souvient comment le FCE a été poignardé dans le dos par le gouvernement de Abdelmalek Sellal lors du forum africain d’Alger de décembre 2016.