M. Ait Laoussine a indiqué, dans un entretien accordé à Liberté que, plutôt de jouer le jeu des Russes et des Américains, « le royaume wahhabite a besoin d’une Opep revigorée s’il souhaite protéger le rôle influent qu’il exerce dans le contexte énergétique mondial ».
Selon l’ancien ministre de l’Energie, Noredine Ait Laoussine, la crise que traverse aujourd’hui le marché du pétrole et qui touche principalement les pays de l’Opep est due à une rupture dans la politique énergétique de l’Arabie Saoudite qui est passé de la défense des intérêts des pays membre de cette organisation à la protection des ses intérêts égoïstes.
« Les pays de l’Opep traversent une nouvelle crise qui n’est que la suite logique de la décision de 2014 de l’Arabie saoudite de s’en remettre aux forces du marché pour tout simplement reprendre sa liberté d’action afin d’augmenter sa part de marché. Il est indéniable que cette décision a contribué à la déstabilisation du marché depuis 2014 et a conduit à une extrême volatilité des cours qui empêche les pays membres de contrôler et donc de planifier le niveau de leurs revenus», a expliqué Noredine Ait Laoussine dans un entretien qu’il a accordé à Liberté aujourd’hui.
En effet, selon lui, l’Arabie Saoudite joue un rôle primordial dans le maintien de la stabilité du marché au pays membres de l’Opep. Or, relève-t-il, « le royaume des Al Saoud collabore aujourd’hui davantage avec les deux autres principaux producteurs, la Russie et les États-Unis, qu’avec ses collègues au sein de l’Opep ». « Il s’agit de la protection de ses intérêts égoïstes à court terme, » affirme-t-il.
M. Ait Laoussine a indiqué, par ailleurs, que « le rôle de leader implicite de l’Arabie saoudite au sein de l’Opep tirait sa légitimité non seulement du niveau dominant de sa capacité de production mais aussi de l’esprit de conciliation, de compromis et de sacrifice qui animait le royaume wahhabite dans ses rapports avec les pays membres ».
Toutefois, rappelle-t-il, « cet esprit s’est considérablement affaibli depuis 2014 suite au limogeage de l’ancien ministre Ali al-Naïmi et à la nomination d’un nouveau ministre du Pétrole (Khaled al-Faleh). » En effet, selon lui, depuis 2014, l’Arabie Saoudite se comporte de plus en plus d’une façon unilatérale vis-à-vis des membres de l’OPEP et essaie d’imposer ses visions, quitte à déstabiliser le marché pétrolier.
« L’esprit de conciliation et de compromis qui prévalait jusqu’alors a laissé la place à l’imposition de mesures unilatérales, à la coercition, voire à l’intimidation. Au lieu de jouer, tant bien que mal, le rôle de “swing producer” (variable d’ajustement), l’Arabie saoudite s’est engagée dans une stratégie de production à outrance pour peser sur les cours, chaque fois que ses propositions, sur la manière de rétablir la stabilité du marché, étaient contrariées par la majorité des pays membres, » a-t-il affirmé. Pourtant, à long terme, les soubresauts du marché pétrolier et son instabilité peuvent lui être préjudiciables. Car, comme l’a assuré M. Ait Laoussine, « le royaume wahhabite a besoin d’une Opep revigorée s’il souhaite protéger le rôle influent qu’il exerce dans le contexte énergétique mondial » étant donné que les préoccupations qu’elle partage avec la Russie et les Etats-Unis peuvent à tout moment diverger.