Ce qui était frappant dans la conférence donnée, samedi dernier, par Chakib Khelil, à l’ISGP (Institut supérieur de gestion et de planification), c’était le fait que l’intervenant n’ait pratiquement pas parlé du secteur énergétique. Le seul moment où il l’avait évoqué c’était, en réponse à la question d’un invité, et pour parler brièvement de la concurrence sur le marché international.
Chakib Khelil, ancien ministre de l’Energie, ex-patron de Sonatrach, deux fois président de l’Opep, ancien président de la Commission africaine de l’énergie (AFREC), de l’Association des pays africains producteurs de pétrole (APPA) et du Forum des pays exportateurs de gaz (FOPEG) a choisi de parler de subventions, d’investissements et de marché parallèle. L’intitulé de sa conférence « Economie algérienne perspectives/ prospectives » était celui d’un expert dont la vision dépassait de loin le seul secteur énergétique. Comment expliquer ce choix qui, disons-le, a fini par donner lieu à une conférence marquée par des généralités ? Car sur le plan pédagogique, on ne peut pas dire que l’ancien ministre soit allé très loin, donnant quelques explications sommaires tout en évoquant des solutions déjà proposées par des experts algériens. L’exercice était assez risqué devant un public qui ne comptait pas que des étudiants de l’ISPG. Des économistes reconnus, des spécialistes des questions énergétiques, des cadres dirigeants d’institutions publiques étaient présents.
On ne sait donc pas si l’ISPG avait invité Chakib Khelil, le docteur et ancien ministre où plutôt la personnalité politique. D’ailleurs les médias, qui n’ont pas été officiellement invités, comme l’opinion publique se sont beaucoup plus attardés sur le fait que l’ancien ministre donne une conférence à Alger que sur le contenu de la conférence elle-même. Dans la presse et sur les réseaux sociaux, une seule et même idée est revenue sans cesse, celle de la préparation du terrain pour le grand retour de Chakib Khelil aux affaires. Et si l’on se fie au thème choisi pour la conférence, on peut dire que l’ancien ministre voit loin.
L’invité de l’ISPG dont le nom a été associé à des affaires de corruption liées à la compagnie nationale Sonatrach n’ignore pas que beaucoup d’Algériens l’ont déjà jugé et condamné. Difficile donc de se redonner une nouvelle image après un tel épisode. Ses premières apparitions publiques, après son retour au pays, étaient celles de visites faites dans des Zaouyas, des confréries religieuses qui historiquement avaient toujours eu de l’influence sur la société. Historiquement, mais beaucoup moins aujourd’hui, les référents religieux ayant quelque peu changé au fil des générations. Les jeunes, moins sensible à l’aura des Zaouyas, comprennent, en revanche, le langage des réseaux sociaux. Et c’est sur ce terrain que Chakib Khelil a déplacé le curseur dernièrement.
Lors de sa conférence de l’ISPG, il a parlé, à deux ou trois reprises, de sa page Facebook sur laquelle il donne sa vision des choses sur le plan économique. Une page suivie, selon lui, par des dizaines de milliers d’internautes. L’ancien ministre cherche manifestement à se donner l’image d’un homme moderne qui ne perd pas de vue les questions importantes pour l’avenir du pays. En se rendant dans des Zaouyas, c’était surtout la personnalité politique qu’il exposait à la vue du public. A présent, c’est l’expert en économie, qu’il souhaite mettre en avant. Ce n’est pas encore gagné.