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Champions de la cause palestinienne, les Algériens ratent le BDS

Par Yazid Ferhat
juillet 11, 2016
Champions de la cause palestinienne, les Algériens ratent le BDS

La question palestinienne galvanise beaucoup d’Algériens. Notre pays a tellement souffert des affres du colonialisme qu’il nous est difficile aujourd’hui pour nous de nous détacher de ce qui constitue la plus grande injustice de l’histoire récente.

 

Cependant, si beaucoup d’entre nos compatriotes sont prêts à crier leur amour pour la Palestine et brandir le drapeau palestinien dès qu’ils en ont l’occasion, très peu adhèrent à la campagne de BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Une lacune d’autant plus surprenante que BDS est actuellement la méthode la plus efficace et la plus civile pour faire plier le projet colonial sioniste.

Lancée par la société civile palestinienne en 2005, suite à des années de résistance non fructueuses contre Israël et sa politique d’apartheid et d’épuration ethnique, la campagne de BDS appelle les citoyens de conscience à boycotter les produits israéliens, et à pratiquer un boycott culturel et académique jusqu’à ce qu’Israël se conforme au droit international et reconnaisse le droit aux Palestiniens à vivre dans la dignité.

Cette méthode de résistance non violente s’inspire du modèle de boycott, de sanctions et de retraits des investissements qui ont mené à la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. Dans un contexte d’échec affligeant de différentes tentatives internationales de paix, BDS offre une réelle alternative pour la résistance palestinienne.

En 2011, Agrexco, l’ancien leader israélien dans l’exportation de produits agricoles est entré en liquidation après une campagne de BDS qui a visé à empêcher les supermarchés et les gouvernements de plus de 13 pays européens d’acheter les produits du géant israélien.

Par ailleurs, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), montre qu’entre 2013 et 2014, Israël a vu une diminution de 46% des Investissements Directes Étrangers (IDE). La guerre sanguinaire menée par Israël à Gaza et la compagne de BDS sont les deux principales explications derrière cette chute importante des IDE.

Malgré ces victoires et plusieurs autres, il reste beaucoup d’efforts à faire pour faire fléchir le régime sioniste et l’amener au démantèlement de sa politique coloniale. L’Algérie et les Algériens ne contribuent que marginalement à cette campagne de boycott.

L’Etat Algérien n’applique pas le boycott des compagnies visées par BDS

BDS ne vise pas toutes les compagnies étrangères qui font du business en Israël. Le rapport de force actuel ne le permet pas. Par contre, BDS vise toutes les compagnies israéliennes, ainsi que toutes les compagnies étrangères qui profitent de l’apartheid et du colonialisme israélien, y compris celles présentes sur les territoires palestiniens occupés (territoires colonisés depuis 1967 en violation totale du droit international).

Si l’Algérie, par sa non-reconnaissance diplomatique d’Israël, n’entretient pas de relations commerciales officielles avec l’État hébreu et ses compagnies, elle ne boycotte en aucun cas les compagnies étrangères qui acceptent de sous-traiter dans les colonies israéliennes.

Par exemple, la multinationale française Veolia a été la cible de BDS depuis novembre 2008, en raison de son implication dans la construction et la maintenance d’infrastructures dans les colonies israéliennes comme le tramway de Jérusalem qui a été conçu pour connecter les colonies construites à Jérusalem Est à l’Ouest de la ville.

Pour sanctionner Veolia de sa participation au projet colonial israélien, plusieurs municipalités locales à travers l’Europe et l’Australie ont décidé de ne pas lui confier de marchés. De nombreuses autorités municipales ont également mis en œuvre des politiques pour exclure Veolia des soumissions sur les contrats locaux.

Entre-temps, en Algérie, nation autrefois révolutionnaire, Veolia s’est vu attribuer de gros marchés. En 2011, au pic de la campagne contre Veolia et son cautionnement du colonialisme, OTV, la filiale de Veolia spécialisée dans le traitement des eaux, a gagné un marché de 2,7 milliards de dinars pour la réhabilitation et l’exploitation des stations d’épuration des eaux usées implantées à Beni Merad à Blida en coopérant avec GESITP.

Pourtant grâce aux efforts continus de la campagne de BDS, les pertes de Veolia ont atteint les 20 milliards de dollars. Le groupe français a été forcé en août 2015 de se retirer de tous les projets dans les territoires occupés en liquidant ses derniers 5%s dans le projet du tramway de Jérusalem.

Le groupe français a même admis publiquement que son retrait était dû aux dégâts causés par la campagne de BDS. L’Algérie n’aura joué aucun rôle dans cette victoire.

Par ailleurs, Alstom, autre compagnie française lourdement impliquée dans la construction et la maintenance du tramway de Jérusalem, a gagné des milliards de dollars dans des marchés publics algériens comme le tramway d’Alger, d’Oran et de Constantine.

Un paradoxe quand on constate que l’Arabie Saoudite, connue pour son faible engagement pour la cause palestinienne, a rejeté en 2011 l’offre d’Alstom pour la réalisation du tramway de Haramain.

L’implication de la compagnie dans la construction illégale du tramway de Jérusalem a été citée comme la cause principale derrière cette décision qui a fait perdre au groupe français 10 milliards de dollars. Comme Veolia, Alstom s’est depuis retiré du tramway de Jérusalem.

Caterpillar (CAT), le plus grand fabricant au monde de machines de construction (et de destruction) est un autre exemple de la complaisance du régime algérien face aux compagnies qui profitent directement du système d’oppression instauré par Israël.

Caterpillar détient le seul contrat pour la construction du bulldozer militaire D9, spécialement conçu pour les invasions des zones bâties. Depuis 1967, Caterpillar sous-traite avec l’armée israélienne pour la démolition de dizaines de milliers de maisons palestiniennes et le déracinement de centaines de milliers d’arbres.

Caterpillar Bulldozer utilisé par l’armée israélienne pour détruire des maisons palestiniennes dans la ville de Hébron, en Cisjordanie occupée, Décembre 2010.

Le bulldozer D9 a été largement utilisé par Israël au cours de l’opération « Bouclier Défensif » en 2001-2002, en particulier lors de l’invasion de Ariha (Jénine), où de nombreuses maisons ont été détruites par des bulldozers.

Un homme handicapé, ne pouvant pas quitter sa maison a été enseveli sous les décombres. Caterpillar a aussi signé des contrats juteux dans le cadre de la construction du mur de séparation qui a coupé de nombreux villages palestiniens du reste de la Cisjordanie.

Caterpillar est ciblé par BDS depuis plusieurs années, et si la campagne connue sous le nom de ‘Caterkiller’ a enregistré quelques victoires contre le géant américain, la bataille n’est pas encore gagnée.

Curieusement, en Algérie, les autorités ne se sont point indisposées par les activités de Caterpillar en territoires occupés. À travers son concessionnaire Bergerat Monnoyeur, Caterpillar, vend ses engins comme des petits pains et profite au-delà de toute espérance de l’explosion des commandes des chantiers publics en Algérie depuis 15 ans.

Il n’y a, au fond, rien de surprenant dans tout ça. Nous savons depuis quelque temps que l’engagement algérien dans la cause palestinienne n’est qu’une simple rhétorique qui sert de couverture morale dans un contexte de perte critique d’éthique et de principes moraux au sein des hautes sphères de l’État.

Une des dernières illustrations en est la tentative d’instrumentaliser la cause palestinienne par Chakib Khelil sur son mur Facebook. Après que le nom de son épouse, américano-Palestine, ait été associé à des comptes bancaires qui ont reçu une partie des commissions de Saipem, dans l’affaire de corruption de Sonatrach 2, l’ancien ministre de l’Énergie a présenté l’engagement de sa femme pour l’indépendance de son pays, la Palestine, comme une preuve valable de son innocence. Il a également traité d’agents sionistes les médias qui ont enquêté sur le scandale.

Des marques ciblées par BDS, «populaires» en Algérie !

S’il n’est pas possible de compter sur notre gouvernement actuel pour défendre la cause palestinienne, il n’est pas interdit, par contre, en tant que consommateurs, de faire des choix responsables qui aideront à faire pression sur le système discriminatoire d’Israël.

La liste des marques ciblées par BDS est consistante. Toutes ne comptent pas dans la vie des Algériens. Quelques-unes sont, cependant, suffisamment présentes dans leur quotidien pour espérer que leur boycott ajoute de la force à la campagne de BDS et contribue à mettre fin à la tragédie subie par le peuple palestinien.

Dans la télécommunication, l’application israélienne Viber figure dans la liste de BDS. Née en 2010 en Israël, Viber est de plus en plus utilisée par les usagers Algériens des smartphones grâce au décollage récent de l’internet mobile (3G).

Son PDG et un de ses créateurs, Talmon Marco, a servi comme officier en chef en informatique au sein de l’armée israélienne pendant plusieurs années. L’application a souvent fait l’objet de critiques l’accusant de servir d’outil d’espionnage pour le compte d’Israël.

En cosmétique, le groupe Français L’Oréal fait partie de la liste des marques à boycotter. Le géant de la cosmétique offre par son activité un maquillage aux violations du droit international commis par Israël. L’Oréal Israël fabrique une gamme de produits à partir des minéraux de la Mer Morte dont plus d’un tiers des rives occidentales se situe en Cisjordanie occupée. Les Palestiniens sont interdits d’accès à la totalité des rivages par l’occupation militaire israélienne.

Mais s’il est encore facile de boycotter en Algérie les deux marques précédentes, c’est dans le fameux Delta Galil Groupe que peut réellement s’évaluer la ferveur de l’engagement pro-Palestinien des Algériens.

Delta Galil est une entreprise israélienne de textile qui a son entrepôt principal dans la zone industrielle de Barkan, une colonie israélienne en Cisjordanie. Le groupe gère également des magasins à Ma’aleh Adumim et Pisgat Ze’ev dans les territoires Palestiniens occupés.

Ces colonies, parmi d’autres, sont largement considérées comme le plus grand obstacle à la réussite du processus de paix. Delta Galil vend du textile et du prêt-à-porter aux marques suivantes : Mark and Spencer, Calvin Klein, Nike, Victoria’s Secret, Hugo Boss, Tommy Hilfiger, JC Penny, GAP, Target, Wal-Mart, Nicole Miller, Lacoste, Triumph, Pierre Cardin…

Pour certains, l’engagement à la campagne de BDS peut paraître compliqué devant une telle liste mais en réalité, au temps de la globalisation, chaque marque à au moins une dizaine de substitution possibles.

BDS, une arme redoutable

Le meilleur moyen de mesurer le succès de BDS, en dehors de la diminution de l’investissement direct en Israël et du nombre croissant d’institutions qui rejoignent le boycott, est la férocité grandissante des attaques contre le mouvement.

Le 06 juin 2016, Andrew Cuomo, gouverneur de l’État de New York et personnage politique fortement influencé par AIPAC, lobby israélien aux États Unies, a déclaré en s’adressant aux compagnies qui adhèrent à BDS: « Si vous boycottez Israël, New York vous boycottera… Si vous sanctionnez Israël, New York vous sanctionnera ».

Manuel Valls, Premier ministre Français, a, compte à lui, déclaré au dîner annuel du Crif en Mars que les mots ‘antisionisme’ et ‘antisémitisme’ étaient des synonymes et qu’en France le boycott des produits israéliens étaient un acte ‘illégal’… Le pays de la liberté d’expression disent-ils !

La bataille pour légitimer BDS est donc rude, mais elle en vaut la peine; une solution juste pour un peuple longtemps opprimé est en jeu. Et pour les pessimistes qui pensent que ça ne sert à rien de rejoindre le boycott parce que c’est impossible de vaincre le régime sioniste d’Israël, je laisse ‘The Greatest’ leur répondre :

‘Impossible n’est rien qu’une excuse avancée par ceux qui trouvent plus facile de vivre dans le monde qui leur a été légué plutôt que de chercher en eux la force de le changer. Impossible n’est pas un fait, c’est une opinion. Impossible n’est pas une fatalité, c’est un défi. Impossible est provisoire. Impossible n’est rien’ Mohamed Ali, 1942-2016.

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