Le fameux « Mine Ayna Laka Hadha » (d’où tiens-tu cela), ce mot d’ordre subversif -mais vain?- qui contestait la légalisation et la légitimation de « l’accumulation capitaliste primitive » à la sauce algérienne n’a jamais été vraiment mis en pratique.
Il est désormais définitivement enterré avec le projet « d’amnistie fiscale » prévu, selon des fuites dans les médias, dans la loi de finance complémentaire. Cela reste encore à confirmer officiellement mais c’est « tendance ». Exit donc ceux qui réclamaient qu’on pose des questions sur l’enrichissement -sans cause- et des fortunes rapides. C’est fini. En ces temps de baisse des recettes financières, le gouvernement devient réaliste, il ne cherchera plus -même s’il ne l’a jamais fait jusqu’à présent- à « investiguer » sur les fortunes de nouveaux oligarques connus ou potentiels.
L’argent accumulé -peu importe son origine- va être légalisé après avoir été « purifié » par le versement de 10% du montant déclaré. Ce n’est pas cher payer pour sortir l’argent caché et en devenir le détenteur légitime aux yeux de la loi.
Une purification à 10%
Le « Mine Ayna Laka Hadha », ce cri du pauvre, des laissés pour compte de l’accumulation « primitive » ou du demandeur de justice pourrait être ainsi légalement enterré. Il suffit de céder 10% au Trésor Public pour que tout devienne légitime et « fermer la gueule » aux contestataires des riches nouveaux ou relativement nouveaux. Cela doit se faire dans un délai de 12 mois mais gageons que le « réalisme » va pousser le gouvernement à prolonger.
« Soussem donc » – comme « il a dit lui » à Louisa Hanoune qui se piquait de demander des comptes aux « oligarques »– à ceux qui ont dénoncé la prédation, l’accaparement et les autres ruelles de l’enrichissement rapide et sans cause apparente. Le « réalisme » -admirablement servi par la chute des prix du pétrole- est donc de mise au gouvernement. Il suffit donc d’oublier la « morale » et « l’État » y gagne.
Ceux qui fuient le fisc, ceux qui ont des bas de laine, des matelas bourrés et des comptes dormants un peu partout dans le monde, ont donc une opportunité de douze mois pour devenir encore plus riche en cédant 10% de ce qu’ils ont au Trésor. L’État y gagne, vous dira-t-on, et l’économie y gagne puisque, assurera-t-on, cet argent va enfin entrer dans le circuit officiel. On parle de 3.700 milliards de dinars qui circulent sur le marché parallèle.
Les experts comme les patrons -élémentaire mon cher Watson- ne cessent de le demander. Ils ont même fait le forcing un peu sur le mot d’ordre, cessons de ressasser ces vieilles idées « socialistes » et « populistes » et soyons réalistes, « tout le monde y gagne ».
Accumulateurs primitifs
Et d’ailleurs -et une fois n’est pas coutume- on a été invité fortement à méditer sur l’impact « positif » de l’amnistie fiscale décrétée en 2014 au Maroc au bénéfice des Marocains Résidant à l’Étranger (MRE). Et le mot est lâché d’ailleurs. On ne parle pas que des milliards qui font « tourner » l’économie informelle. On cible l’argent placé à l’étranger. Une responsable du FCE (Forum des Chefs d’Entreprises) l’a expliqué doctement: pour dépasser cette conjoncture « difficile » il faut des mesures innovantes, courageuses et fortes pour remettre l’argent informel dans les circuits économiques légaux » et permettent aux gens de déclarer « ce qu’ils ont comme biens à l’étranger ». La boucle est bouclée même s’il est improbable que l’argent placé à l’étranger revienne au pays. Question d’absence de confiance de la part de ceux qui ont « déplacé » l’argent…
Mais qui sait, ces « accumulateurs primitifs » vont peut-être faire de « générosité » et de « laver » leur argent en rendant à la communauté un petit 10%. Cela laisse dubitatif, l’argent placé à l’étranger a été blanchi depuis belle lurette sinon on l’aurait su! Ce qui est certain est que le Mine Ayana Laka Hadha est devenu HS. Trop « primitive » comme idée diraient les gros accumulateurs primitifs qui ont réussi la prouesse d’empêcher l’Algérie d’avoir une économie.
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