Le projet de loi complétant et modifiant le Code pénal a été débattu à l’Assemblée populaire nationale (APN), la semaine dernière et devrait être soumis au vote ce lundi. Ce texte soulève des préoccupations parmi des avocats qui ont exprimé des réserves concernant certains articles.
Ce texte contient de nouvelles dispositions limitant davantage la liberté d’expression et menacent la sécurité du citoyen. Dans l’article 100 relatif à l' »incitation à attroupement non armée », une proposition d’amendement suggère d’ajouter la mention des « nouvelles technologies ». Celle-ci englobe tous les moyens technologiques, ainsi que les contenus vidéos et audios partagés par le biais de ces nouvelles technologies. Quant à l’article 148 bis 1, il préconise des peines pouvant atteindre jusqu’à 5 ans de prison pour quiconque « diffame, insulte ou porte atteinte par tout moyen aux symboles de la libération nationale ». Cette disposition suscite des inquiétudes, notamment chez Me Chouiter, avocat spécialiste du droit international : « Si un académicien critique le comportement d’un leader de la guerre de libération nationale, il sera poursuivi. Cet article représente une atteinte à la liberté académique, l’historien va s’autocensurer », estime l’avocat.
Le projet de loi envisage également des peines sévères, allant jusqu’à 12 ans d’emprisonnement, en cas d’« atteinte à l’économie nationale et d’entrave à l’investissement», sans apporter de définitions claires de ces infractions.
La perpétuité pour la « haute trahison »
Ce projet de loi présente de nouveaux articles formulés de manière vague et prévoyant des peines sévères. Il introduit notamment un article inquiétant relatif à la « haute trahison ». Cet article prévoit la peine à la perpétuité à l’encontre de quiconque « transmet des informations ou des documents classés secrets », relevant de « la sûreté nationale, de l’armée et de l’économie nationale via les réseaux sociaux, au profit d’un État ou d’un agent agissant pour un autre État » (Article 63).
Me Chouiter souligne le caractère « dangereux » de cet article, illustrant son propos par le cas du journaliste qui, en faisant son travail et en ouvrant le débat sur un sujet après avoir obtenu un document portant sur un accord ou un contrat, risquerait une peine d’emprisonnement à vie.
Un autre article, encore plus préoccupant, met en péril la vie des citoyens tout en renforçant le pouvoir des forces de l’ordre. Il s’agit de l’article 149 bis 24 relatif à la protection des agents de la force de l’ordre pendant l’exercice de leurs fonctions. Cet article considère leurs recours à la force comme « justifiées pour mettre un terme à un crime en cas de légitime défense ».
Non-conformité avec les conventions ratifiées
Ce projet de loi ignore les recommandations des organisations de défense des droits humains et des Nations Unies, notamment celles des deux Rapporteurs spéciaux qui sont venus en Algérie. « Les lois critiquées par les organes des Nations Unies n’ont pas été remises en cause pour qu’elles deviennent conformes aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie. Au contraire, elles ont été aggravées », commente l’avocat.
L’article 87 bis relatif au « terrorisme », par lequel sont poursuivis beaucoup de détenus d’opinion, ainsi que d’autres articles liés à l’atteinte à la sûreté, l’intégrité et l’intérêt de l’État, n’ont pas été révisés selon les recommandations des Rapporteurs spéciaux. L’article 87 a été conservé, désormais incluant les « armes de destruction massive » sans toutefois les définir clairement. De plus, le projet de loi envisage un renforcement des sanctions liées à l’article 96 concernant « la diffusion de publications à des fins de propagande ». La peine maximale a été augmentée à 10 ans d’emprisonnement.
Ce texte soulève des préoccupations parmi certains avocats qui ont exprimé des réserves concernant certains articles. L’avocat Sofiane Chouiter qualifie ces lois d' »extrêmement dangereuses », soulignant qu’elles interviennent dans un contexte particulièrement tendu, marqué par la dégradation de la vie politique et la dissolution ou le gel d’organisations de défense des droits humains, de partis politiques et d’associations.
Il ajoute : « Le pouvoir a mis en place un arsenal juridique. Ces textes sont graves et représentent une menace pour la sécurité des citoyens. La volonté politique ne montre aucun signe de recul, orientant plutôt vers une limitation des droits et des libertés. Même au sein du Parlement, avec la levée de l’immunité parlementaire du sénateur de Ouargla, ils ont cherché à en faire un exemple, dissuadant ainsi toute critique envers le pouvoir ».