Les magistrats tunisiens sont repartis au front de la contestation, et entendent empêcher l’adoption d’un projet de loi portant création d’un Conseil supérieur de la magistrature remanié, contraire selon eux ‘’à la Constitution’’. Une grève générale a été observée jeudi pour protester contre ce projet de loi.
C’est mercredi que le Conseil des ministres Tunisien, présidé par Habib Essid, avait examiné et adopté un avant projet de loi portant création du Conseil supérieur de la magistrature. Et l’a immédiatement transmis au Parlement. Le même jour, la corporation des magistrats tunisiens se mobilise contre ce projet de loi, envoyé à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP, Parlement), et organise le lendemain jeudi un débrayage général, avec présence au travail. Ainsi, les magistrats des ordres judiciaire, financier et administratif dans tous les tribunaux de Tunisie avaient observé une grève à l’appel de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) et du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) pour protester contre ce projet de loi. La présidente du SMT, Raoudha Laabidi, a appelé d’abord ‘’au respect de la Constitution’’, ensuite les députés de l’ARP à ‘’revoir ce projet de loi avant son adoption’’, étant donné les nombreuses lacunes qu’il comporte selon elle, dont celles qui ‘’ne garantissent aucunement l’indépendance du pouvoir judiciaire’’. Dans une déclaration à l’agence Tunis Afrique presse (TAP), elle a estimé que ce projet de loi ‘’ confère à l’exécutif (Président de la République et Chef du gouvernement) des attributions qui ne sont pas énoncées dans le texte de la Constitution’’. Quant à la présidente de l’AMT, Raoudha Karafi, elle a souligné de son côté que l’Association a appelé à la tenue, en urgence, d’une réunion du Conseil national ce samedi au siège de la Cour d’appel de Sfax pour examiner l’évolution des évènements et réfléchir aux nouvelles formes de protestation. Pour elle, il doit y avoir un conseil supérieur de la magistrature ouvert et représentatif des différents corps du système judiciaire, dont la présence de la société civile au sein de ce conseil.
Un texte ‘’illégitime’’
De son côté, Ahmed Rahmouni, président de l’Observatoire tunisien de l’indépendance de la magistrature, a estimé que les interventions du ministère de la Justice et du Conseil des ministres sur le texte original (du Conseil supérieur de la magistrature) sont « illégitimes », car les principaux acteurs qui ont travaillé ce texte pendant une année (juges, experts, membres de la société civile, commission technique) sous le gouvernement de transition de Mehdi Jomaa n’ont pas été consultés. Encore moins les organismes représentants les juges, a-t-il précisé dans une déclaration au Huffington Maghreb. D’autre part, les remaniements effectués sur le texte original par le gouvernement Essid ‘’sont contraires à la Constitution pour plusieurs raisons, explique encore M. Rahmouni. Parmi ces raisons, il y a le fait que ‘’les membres du Conseil viennent seulement de trois professions: les juges, les avocats et les experts comptables, alors que le texte remanié va à l’encontre de la Constitution en excluant environ 30 professions ayant un rapport avec la magistrature, comme les huissiers’’. La Commission de législation générale à l’ARP a entamé jeudi l’examen de ce projet de loi controversé.