L’Algérie va devoir gérer un ralentissement, voir un arrêt total de son économie. Elle n’a pas à inventer les mesures d’urgence économiques à prendre. Elles sont déjà prises partout dans le monde. Ce qui indique clairement ce qu’il faut faire et vite.
Au plan sanitaire, l’urgence est d’empêcher la propagation exponentielle du virus. Tout doit être fait. Le confinement total ne doit pas être la seule réponse, d’autant qu’il n’a été décidé pour l’instant que pour la wilaya cluster, Blida. Alors que 36 autres wilayas sont touchées par l’épidémie, selon le comité scientifique chargé du suivi de l’évolution de la pandémie.
Le confinement, qui se généralise même partiellement dans toutes les wilayas sans attendre une décision des pouvoirs publics, aura du mal à être complétement imposé à une population incrédule et parfois contrainte de le violer pour des raisons de survie. Des centaines de milliers de personnes gagnent leur vie au jour le jour, sans économies qui leur permettent de supporter une longue période d’inactivité.
Sans compter l’exiguïté dans laquelle vivent des dizaines de milliers de familles et qui empêcherait toute idée de confinement prolongé. Des entreprises essaient de continuer leurs activités et font travailler leur personnel. Mais la suspension des transports a eu un impact immédiat sur l’absentéisme et elle est venue s’ajouter à la peur de contamination. Sans compter les millions de magasins qui ne sont pas dans le secteur alimentaire et qui sont contraints de fermer.
C’est là où le volet économique doit faire l’objet d’un véritable plan d’ensemble d’urgence. L’arrêt total de l’économie si l’endiguement de l’épidémie prend des semaines, voir des mois, pourra difficilement être évité. On n’inventera pas l’eau chaude. On fera ce que d’autres pays confrontés à la même crise sont en train de faire.
L’Etat doit payer
Comme partout ailleurs, le plan d’urgence devra s’articuler autour de la protection des entreprises, des salariés, et des personnes les plus vulnérables. D’autant que cette crise sanitaire est venue s’ajouter à la situation de crise économique dans laquelle se trouvait l’économie algérienne depuis 2014, et aggravée au cours de l’année écoulée.
Voilà compilées quelques actions entreprises aussi bien dans les pays développés que dans les pays au niveau de développement comparable au notre, avec comme objectif la limitation des dégâts économiques et sociaux qu’engendre inévitablement le confinement imposé ou volontaire :
1/ Autorisation du report pour au moins trois mois des PME soumises aux déclarations mensuelles de toutes charges fiscales et sociales pour tous les opérateurs économiques, sans pénalités de retard.
2/ Accord de la garantie de l’Etat pour tous les crédits bancaires accordés aux entreprises pendant la durée de la crise sanitaire.
3/ Repousser les échéances des crédits antérieurs contractés par les opérateurs économiques et les particuliers sans paiement des intérêts liés à ces reports.
4/ Accélération du règlement de toutes les créances impayées aux PME et autres artisans par les entités publiques et les grands groupes privés, en vue de renflouer leur trésorerie, encore plus affectée par le ralentissement ou même l’arrêt de l’activité.
5/ L’extension des délais de réalisation des marchés publics sans pénalités. Les entreprises publiques et privées en charge de ces marchés publics fonctionneront au ralenti quand elles ne sont pas complétement à l’arrêt pendant cette période. Elles pourront même bénéficier d’avances sur réalisation pour renflouer leurs trésoreries et leur permettre de continuer de payer tous leurs salaires.
6/ Autorisation au recours au chômage technique par les employeurs activant dans les secteurs non vitaux. Rappelons que le « chômage technique, appelé aussi chômage partiel, est une situation dans laquelle les salariés d’une entreprise subissent une baisse d’activité en dessous de l’horaire légal de travail, du fait d’une réduction temporaire de l’activité. Les causes d’une mise au chômage technique doivent être conjoncturelles pour l’entreprise (restructuration de l’entreprise, perte de l’outil de production, conjoncture économique délicate, crise sanitaire…). Les contrats de travail sont maintenus en l’état et les salariés perçoivent de leur employeur un dédommagement pour chômage technique, égal à 70 % au moins du montant horaire de leur rémunération brute. De son côté, l’entreprise perçoit une indemnité de la part de l’État pour maintien de son effectif. »
6/ Interdiction de l’interruption de la fourniture d’électricité, de gaz et d’eau de tous les commerçants, artisans, indépendants et des ménages pendant cette période de confinement effectif et échelonner dans le temps le paiement de ces factures sans aucune pénalité. Le paiement du loyer pourra lui aussi être reporté, particulièrement celui du aux OPGI et autres entités publiques.
7/ Soutenir les agences de voyage et particulièrement celles du sud, dans cette période d’annulation générale des réservations et de limitation des mouvements.
8/ Mise en place d’un fonds de solidarité, qui pourrait être financé aussi bien par l’état que par les grandes entreprises, publiques et privées. Ce fonds sera destiné aux plus vulnérables, opérateurs économiques et ménages, qui ne peuvent pas bénéficier des dispositions citées plus haut. Les collectivités locales seront en charge de sa gestion dans une transparence maximale avec affichage de la liste des bénéficiaires et sa communication par voie électronique. Il faut rappeler que l’économie algérienne est principalement informelle. Le Maroc a déjà pris des dispositions destinées directement aux travailleurs du secteur informel. Un comité de veille économique est en place depuis le début de la crise sanitaire.
9/ Report de toutes les assemblées générales des entreprises à la rentrée sociale, en septembre, pour éviter les rassemblements. La publication des comptes sociaux sera également décalée. Ces actions pour le très court terme devront être complétées par d’autres initiatives pour le moyen terme et détaillées dans le document « Plaidoyer pour la sauvegarde de l’entreprise algérienne », rendu public récemment par le think tank CARE (Le Cercle d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise).
Abdenour Haouati