[Contribution] Face à la chute des cours des hydrocarbures, huit propositions pour la relance économique de l’Algérie - Maghreb Emergent

[Contribution] Face à la chute des cours des hydrocarbures, huit propositions pour la relance économique de l’Algérie

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Le 02 novembre 2015 le cours du WIT est de 45,83 et celui du Brent de 48,75, avec un cours dollar euro de 1,1012. Devant privilégier les intérêts supérieurs de l’Algérie, personne n’ayant le monopole du nationalisme et de la vérité, il faut impérativement éviter le scénario dramatique des impacts de la crise de 1986, l’épuisement du fonds de régulation des recettes horizon 2017 et les réserves de change 2018/2019 si le cours se maintient entre 50/60 dollars.

Un cours de 60 dollars donne 34 milliards de dollars de recettes à Sonatrach et un cours de 50 dollars 28 milliards de dollars devant retirer 20/25% de coût pour avoir le profit net, l’investissement programmé de 100 milliards de dollars devant forcément se faire soit par la diminution des réserves de change, ce qui aura pour impact un dérapage du cours du dinar corrélé à 70% à ces réserves, dont sur le taux d’inflation et le taux directeur des banques primaires, soit par l’endettement. L’Algérie en a les potentialités. Pour cela le langage de la vérité, une nouvelle gouvernance et une réorientation de la politique socio-économique sans populisme s’impose, objet de cette présente contribution

Proposition 1: réorganiser les corps d’Etat. Les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales doivent être accompagnés d’un abandon effectif de la mission correspondante par les services de l’État et du redéploiement de l’intégralité des agents de l’État concernés, pour éviter les doublons entre les actions de l’État et des collectivités territoriales. Dans le cadre de la réforme des grands corps de l’Etat, les grands corps d’inspection – économique, financier et technique doivent être regroupés selon des lignes de métiers correspondant aux exigences de l’économie moderne : finances, énergie, infrastructures numériques, santé. La réforme des partenariats public-privé pourra offrir un cadre juridique complémentaire aux formes classiques (concessions de service public, bail emphytéotique). L’État devra ainsi concentrer au niveau régional l’essentiel de ses cadres décentralisés. A terme, une loi organique devra fixer le nombre de ministres au nombre d’une douzaine au minimum et d’une vingtaine au maximum. Un gouvernement pourra ensuite compter autant de ministres délégués et de secrétaires d’État que souhaité. Il est essentiel de limiter le nombre de ministères et le nombre de compétences partagées entre ministres afin de réduire les procédures interministérielles inutiles. Le développement futur de l’Algérie, devra reposer sur l’initiative locale pour protéger à la fois l’environnement et initier des activités productives notamment non polluantes, car toute action centralisatrice est vouée à l’échec sans implication des acteurs locaux. Je propose de créer un institut national d’études du territoire littoral. Cela doit entrer dans le cadre d’une réelle volonté politique de décentralisation, à ne pas confondre avec la déconcentration, qui induit une bureaucratie locale plus néfaste que la bureaucratie centrale. L’on pourrait imaginer une véritable régionalisation économique, à ne pas confondre avec l’avatar négatif du régionalisme

Proposition 2 : efficacité de la dépense publique et aller vers la décentralisation. Le retour de la croissance passe donc par une plus grande efficacité des dépenses publiques en ayant une vision à moyen terme de la maîtrise des dépenses Pour plus de transparence et de suivi de la dépense publique, il est souhaitable de supprimer le fonds de régulation des recettes, établir la loi des finances selon le cours moyen du marché et instaurer une caisse pour les générations futures en cas d’excédent des recettes d’hydrocarbures. Il s’agira également de rétablir le contrôle de la Cour des comptes qui doit être au dessus des institutions de contrôle dépendant de l’exécutif la laissant sous la coupe de la présidence comme actuellement ou sous la coupe du parlement et de dynamiser le conseil national de la concurrence notamment par l’efficacité de la procédure d’investigation antitrust

Proposition 3 : lutte contre la bureaucratie : intégrer la sphère informelle. La sphère informelle qui contrôle 40/50% de la masse monétaire en circulation et 65% des segments de marché des produits de première nécessité y compris le textile/cuir est le produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des différents appareils de l’Etat. Il s’agit de l’intégrer par des mécanismes économiques en lui redonnant confiance au moyen de la délivrance des titres de propriété et non par des mesures administratives qui ont l’effet contraire. Dans ce cadre la finance islamique qui se fonde sur le partage des risques et des profits peut faciliter cette intégration.

Proposition 4 : contrôle transparent- adaptation au droit international et allègement des procédures administratives. La coordination entre la norme nationale d’où de nombreux litiges entre l’Algérie et bon nombre de compagnies étrangères au détriment souvent de l’Algérie, et la norme internationale est mal organisée. Cette complexité du droit crée une insécurité juridique préjudiciable aux citoyens, notamment les plus modestes, aux entreprises et à la croissance. Un droit incertain inhibe les initiatives des entrepreneurs. La situation devient critique : le volume des textes applicables a plus que doublé et la majorité d’entre eux au moins n’étant pas appliqués. Face à cette accumulation, le Parlement n’est pas encore armé pour exercer son contrôle. Ces problèmes ont un impact direct sur la croissance. Dans ce cadre, je préconise de publier immédiatement les décrets d’application, dont le projet aura été soumis, en même temps que le projet de loi au parlement pour gagner du temps. Créer, un Comité pour une meilleure gouvernance chargé de faire chaque trimestre des propositions publiques sur les simplifications administratives et législatives opportunes. Ce Comité proposera des suppressions de dispositions législatives ou réglementaires devenues obsolètes. Comme il s’agira de généraliser l’e-administration qui joue un rôle bien plus général sur le climat général des affaires, sur les coûts administratifs supportés par les entreprises et les particuliers ainsi que sur l’amélioration de la qualité et de la valeur ajoutée des services. Enfin il s’agira de dépénaliser l’acte de gestion et moderniser la gestion des projets en reconnaissant aux chefs de projet un statut qui transcende les clivages administratifs et fasse reconnaître l’importante part de risque d’une telle fonction.

Proposition 5 : revoir la gestion des caisses de sécurité sociale. Le danger en cas de chute brutale du cours des hydrocarbures est l’implosion des caisses de sécurité sociale. Il s’agira de moduler la franchise médicale en fonction du revenu et de revoir la gestion des caisses de sécurité sociale en clarifiant le rôle respectif des administrateurs (gestion) et des partenaires sociaux (orientations stratégiques, conseils de surveillance) dans les organes de direction des caisses de sécurité sociale. Dans ce cadre est urgent de mesurer l’efficience et la qualité du système de soins ainsi que de rationaliser la gouvernance des hôpitaux. La mise en place d’un système transparent et accessible permettant la comparaison des différentes structures de soins sur une base objective doit constituer un outil efficace d’aide au choix et à la décision des patients et d’appui au pilotage de ces structures. Ce système devra comporter des indicateurs de coûts et de résultats (taux de mortalité, taux de maladies nosocomiales, temps d’attente moyen aux urgences, taux de reprise suite à opérations) et l’urgence de rationaliser la gouvernance des hôpitaux publics dont la gestion est souvent anarchique alors que els compétences existent.

Proposition 6 : pour une transition énergétique de l’Algérie. Si l’humanité généralisait le mode de consommation énergétique des pays riches, il nous faudrait les ressources de 4 ou 5 planètes d’où l’urgence d’une adaptation pour un nouveau modèle de consommation. Il faut être réaliste et d’éviter une vision unilatérale car les fossiles classiques demeureront encore pour longtemps la principale source d’énergie. Aussi, la transition énergétique doit être fondée sur deux principes : premièrement, sur la sobriété énergique (efficacité énergétique), impliquant la maîtrise de la demande, la sensibilisation, mais aussi la formation pour forger de nouveaux comportements et donc un changement de culture. C’est-à-dire qu’il faut agir sur la réduction des besoins énergétiques en amont en augmentant l’efficacité des équipements et de leurs usages (par exemple nouveaux procédés pour le BTPH pour des économies en énergie, rénovation des bâtiments existants, idem pour l’ensemble du transport un des plus gros consommateurs de fossiles classique. Cela renvoie au MIX énergétique qui nécessitera d’adapter le réseau électrique aux nouveaux usages, supposant un nouveau réseau de distribution adapté aux nouvelles productions et de consommations pour garantir la continuité de fourniture et au meilleur prix. La transition énergétique renvoie à d’autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale, les choix techniques d’aujourd’hui engageant la société sur le long terme. La transition énergétique suppose un consensus social car la question fondamentale est la suivante : cette transition énergétique, combien ça coûte, combien ça rapporte et qui en seront les bénéficiaires? Pour le cas Algérie au rythme de la consommation actuelle du fait des subventions, et des exportations, l’Algérie serait sans pétrole et gaz traditionnel horizon 2030 au moment où la population sera d’environ 50 millions d’habitants rendant plus urgent la transition énergétique dont les énergies renouvelables. Car le réchauffement climatique est une réalité amère ce qui nécessite à l’avenir le développement d’industries écologiques à valeur ajouté en premier lieu le recyclage des déchets.

Proposition 7 : Réformer le système financier et dynamiser la Bourse d’Alger. Il ne peut y avoir de bourse sans la concurrence, évitant les instabilités juridiques et donc un Etat de droit. Cela n’est pas facile comme le démontre d’ailleurs les scandales financiers au niveau mondial supposant de la transparence, une bourse devant se fonder sur un système bancaire rénové. Il ne peut y avoir de bourse sans la résolution de titres de propriété qui doivent circuler librement segmentés en actions ou obligations renvoyant d‘ailleurs à l’urgence de l’intégration de la sphère informelle par la délivrance de titres de propriété et sans des comptabilités claires et transparentes calquées sur les normes internationales par la généralisation des audits et de la comptabilité analytique afin de déterminer clairement les centres de couts pour les actionnaires. Transitoirement comme amorce, nous proposons une privatisation partielle de quelques champions nationaux pour amorcer le mouvement et la création de fonds de private P/P pour sélectionner quelques entreprises privées en vue de leur introduction ultérieure en bourse. On pourrait mette en bourse : 10% de Sonatrach ; 10 à 15% de BEA ; 15% de Cosider et 15% de CPA. Cela permettrait de constituer un indice boursier consistant en volume et en qualité amorçant le cercle vertueux et attirer des opérateurs privés. Ces fonds agiraient comme incubateurs de sociétés éligibles à la Bourse. Dans ce cadre, une aide au développement des acteurs privés du secteur de l’investissement (Conseillers IOB, gestionnaires d’actifs) est nécessaire. En cette ère de mondialisation où dominée par les grands espaces économiques, l’ère des micros Etats étant résolu, une bourse pour 37 millions d’habitants étant une phase intermédiaire, il serait souhaitable la création d’une bourse maghrébine, qui devrait s’inscrire dans le cadre de la future bourse euro-méditerranéenne prévue à l’horizon 2020, supposant au préalable la résolution de la distorsion des taux de change. Et cette intégration devrait dynamiser le tissu productif qui permettra d’accroitre le nombre d’acteurs au niveau de la bourse. Hélas, le commerce intermaghrébin en 2010 ne dépasse pas 3%, le Maghreb, qui doit être le pont entre l’Europe et l’Afrique, étant marginalisé au niveau mondial.

Propositions 8 : Les huit mesures pour redresser les PMI/PME. Les très petites entreprises (TPE, moins de 20 salariés) et les petites et moyennes entreprises (PME, moins de 250 salariés) sont un facteur clé de la croissance et de l’emploi. Premièrement, de créer une Agence de service aux petites entreprises de moins de 20 salariés. Deuxièmement, pour le délai de paiement, je propose imposer une loi si nécessaire ou un décret exécutif pour le paiement aux PME à moins de 30 jours à compter de la date de livraison. Troisièmement, il s’agira de réduire le délai de remboursement de la TVA aux PME à 15 jours maximum. Quatrièmement, je propose d’élargir les possibilités de financement des PME en introduisant le Leasing, le capital-développement afin de financer les petites et moyennes .Cinquièmement, contraintes les grandes entreprises publiques dont Sonatrach, Sonelgaz notamment à réaliser de la sous traitance par un co-partenariat. Sixièmement, les règles comptables régissant les PMI-PME sont très lourdes et ne sont pas utiles à toutes les entreprises. On pourra donc s’orienter vers une comptabilité de trésorerie pour les entreprises de moins de 10/20 salariés. Cette mesure permettrait de réduire leur charge administrative. Dans le même cadre, il serait souhaitable de soumettre les petites PMI/PME à un régime fiscal et social spécifique notamment pour ceux dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 10.000.0000 dinars avec un prélèvement libératoire de 10 à 15 % assimilable à l’impôt dur le revenu, se substituant à tous les impôts directs. Septièmement, alléger la procédure des 49/51% pour le partenariat avec l’étranger pour les activités non stratégiques à lister dont les petites et moyennes entreprises, en introduisant la minorité de blocage d’environ 30% et l’obligation d’un transfert technologique, managérial et d’une balance devises positives. Huitièmement, faire un bilan de la règle des 49/51% et du crédit documentaire Crédoc qui n’ont pas permis de limiter la facture d’importation, ni de dynamiser le tissu productif et réintroduire le Remdoc pour certaines petites et moyennes entreprises et donc adapter ces règles aux besoins du tissu économique algérien cas par cas.

En résumé, les batailles futures certes difficiles mais pas impossibles ayant d’importantes potentialités, pour le développement en Algérie face aux bouleversements géostratégiques mondiaux entre 2015/2025 irréversibles tant dans le domaine politique, militaire, économique qu’énergétique, seront conditionnées par la bonne gouvernance et la valorisation du savoir. L’Algérie peut sous réserve d’une nette volonté politique de réformes structurelles, du développement des libertés dans tous les domaines dont la liberté d’entreprendre, loin de tout monopole publique ou privé, étant appuyé par un Etat régulateur fort, mais fort de sa moralité peut réaliser la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales.

Dr Abderrahmane MEBTOUL Professeur des Universités, Expert International
ademmebtoul@gmail.com

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