L’investissement au niveau du secteur hydrocarbures est un investissement lourd, hautement capitalistique et nécessitant surtout des compétences avérées, le capital argent étant secondaire. Quelle sera la rentabilité dans ce secteur ? Car les organismes internationaux prévoient une baisse prévue de la demande de gaz par l’Europe, sans compter les exportations de GNL des USA très prochainement et l’entrée de l’Iran.
Le président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), et le ministre de l’Énergie, Salah ont tenu, le 16 novembre, une rencontre au sujet de la participation du secteur privé à l’investissement dans le secteur de l’Énergie. Il me semble utile, afin de ne pas induire en erreur l’opinion publique et les opérateurs de rappeler les dispositions de la Loi n° 13-01 du 19 Rabie Ethani 1434 correspondant au 20 février 2013 modifiant et complétant la loi n° 05-07 du 19 Rabie El Aouel 1426 correspondant au 28 avril 2005 relative aux hydrocarbures, qui est le seul cadre actuellement légal régissant l’investissement dans ce secteur. Par ailleurs, c’est un investissement lourd, hautement capitalistique et nécessitant surtout des compétences avérées, le capital argent étant secondaire. Depuis la question se pose : cette nouvelle loi permet-elle aux investisseurs algériens d’être majoritaires, d’investir en toute liberté et a-t-elle attiré les investisseurs étrangers, soucieux d’une visibilité et cohérence dans la politique économique globale, devant éviter avant tout, l’instabilité juridique nuisant à tout opérateur, soucieux d’investir dans le moyen terme ?
1.-La nouvelle Loi sur les hydrocarbures, a été adopté a modifié 58 articles de la loi 05-07 de 2005 et a inséré dix nouveaux articles. Ainsi, l’exercice exclusif par l’entreprise nationale Sonatrach de l’activité transport par canalisations des hydrocarbures et des produits pétroliers, l’exclusion des gisements actuellement en exploitation des nouvelles incitations fiscales, l’élargissement du contrôle fiscal aux compagnies pétrolières étrangères opérant en Algérie, la priorité à la satisfaction des besoins en hydrocarbures liquides et gazeux du marché national, notamment à travers un dispositif obligeant les contractants à céder au prix international une partie de leur production, la possibilité d’acquittement en nature de la redevance la révision de la méthodologie de détermination du taux de la taxe sur le revenu pétrolier (TRP) qui est désormais basée sur la rentabilité du projet au lieu du chiffre d’affaires, l’introduction de mesures fiscales incitatives pour encourager les activités relatives aux hydrocarbures non conventionnels, aux petits gisements, aux gisements situés dans les zones très faiblement explorées, notamment l’offshore, aux gisements à géologie complexe et/ou manquant d’infrastructures et l’introduction d’un système d’écrémage des superprofits applicable aux bénéficiaires du taux réduit de l’Impôt complémentaire sur le résultat (ICR). Cette taxe remplacera la taxe sur les profits exceptionnels. Mais le plus important est l’introduction d’une disposition obligeant toute personne à s’associer à Sonatrach pour l’exercice des activités de transformation des hydrocarbures et de raffinage. Aussi si les entreprises du FCE veulent investir dans ce secteur ils doivent être minoritaires à moins de 49% et s’associer à SONATRACH du fait de l’introduction d’une disposition obligeant toute personne souhaitant exercer les activités de raffinage de disposer des capacités de stockage propre. Mais, malgré ces dispositions, en ce mois de novembre 2015, force est de constater que depuis l’indépendance politique à ce jour, l’économie algérienne est dépendante de la rente pour plus de 97/98% de ses recettes en devises avec les dérivées comptabilisés dans la rubrique hors hydrocarbures, et importe 70/75% de ses besoins : réserves de change, investissement, emplois, valeur du dinar sont fortement corrélés à la rente des hydrocarbures. Ces amendements ne s’appliquent pas aux gisements actuellement en production, qui restent soumis au régime fiscal en vigueur. Comme rappelé précédemment, la Loi attribue également à l’entreprise nationale Sonatrach le droit exclusif en matière de transport d’hydrocarbures par canalisations et lui garantit la majorité dans les partenariats, aussi bien dans la production que dans la transformation des hydrocarbures. Je rappelle que depuis la loi d’avril 2005 ce n’est plus à Sonatrach d’attribuer les permis de prospection pour de nouveaux gisements et qu’elle reste propriétaire de tous ses domaines miniers, et pour les nouvelles superficies non exploitées, c’est à l’institution Alnaft, dépendante du ministère de l’Energie, de les attribuer, et dans ce cadre aucune modification de la loi.
2.-Le constat est que les derniers appels d’offres entre 2008 et 2014 se sont avérés un véritable échec ayant attiré que des compagnies marginales, n’ayant pas de savoir technologique et comptant sur Sonatrach pour supporter la majorité des coûts, les grandes compagnies n’ayant pas soumissionné. Sonatrach depuis des années n’a pas découvert de réserves rentables substantielles tant du pétrole et du gaz importants, malgré certaines déclarations fracassantes car pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. Sonatrach n’a pas les capacités technologiques, bon nombre de cadres compétents ayant depuis des années quitté cette compagnie, surtout avec l’erreur que j’ai dénoncée à maintes reprises de mettre les cadres à la retraite à partir de 60 ans sans préparer la relève. Comme il y a lieu de signaler que le taux de profit dans les canalisations est inférieur de 30% en moyenne par rapport aux grands gisements de l’amont. Sonatrach continuera donc à supporter les surcoûts au niveau des canalisations. Les réserves se calculant par rapport au vecteur prix international, l’évolution des coûts et de la concurrence des énergies substituables, selon les revues internationales dans moins de 15 ans, en cas de non découvertes substantielles, surtout avec les nouvelles raffineries programmées, l’Algérie sera importateur net de pétrole (cela a été le cas de l’Indonésie) ayant moins de 1% des réserves mondiales de pétrole et selon les données du dernier conseil des ministres moins de 10 milliards de barils.. Car l’Algérie, selon les revues internationales, a pompé entre 1962 à ce jour plus que les réserves actuelles, et depuis quelques années avec des coûts supérieurs à la moyenne des grands pays pétroliers. Pour le calcul des réserves du pétrole-gaz il y a lieu de tenir compte de la forte consommation intérieure posant la problématique des subventions certes nécessaires mais non ciblées. L’Algérie est classé troisième pays où le prix du carburant est le moins cher au monde, des subventions colossales, entre subventions non ciblées, don c source d’injustice sociale, et transferts sociaux, environ 30% du produit intérieur brut en 2014 dont une grande partie pour les carburants. La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc, la Tunisie, sans compter les pays riverains du grand Sud. Il en est de même pour l’électricité, selon un rapport du ministère de l’Energie, car, il faut comparer le comparable, les pays du Maghreb et non pas les pays européens dont le niveau de vie est plus élevé, (voir le site MEM ), la tarification algérienne tant pour la consommation des ménages que pour la consommation industrielle accroit le déficit structurel de SONELGAZ. Le niveau du prix du gaz concédé aux centrales est de l’ordre de 10 % de celui qui correspond aux transactions internationales du gaz dans la région Selon les extrapolations de l’organisme de régulation CREG, la consommation intérieure devrait passer de 35 à 50 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2017. Mais ce calcul ayant été fait avant que ne soient décidés suite aux coupures d’électricité en 2012, le doublement des capacités électriques privilégiant les turbines à gaz et des centrales fonctionnant au gas-oil dans le Sud, En cas de non rationalisation des coûts de l’énergie, tenant compte des exportations et de la consommation intérieure incompressible si l’on veut un réel développement intérieur vers plus de 60/70 milliards de mètres cubes gazeux, le dernier conseil des ministres (2015) donnant des réserves de gaz traditionnel ne dépassant pas 2700 milliards de mètres cubes gazeux, nous irions vers l’épuisement horizon 2030, sauf découvertes substantielles à des coûts compétitifs’ concurrence et entrée de nouveaux producteurs). En effet, le volume exportable extrapolé tant à travers les canalisations que pour le GNL, 85 milliards de mètres cubes gazeux alors qu’elle peine actuellement à atteindre 50/55 milliards de mètres cubes gazeux, donc perdant des parts de marché selon les statistiques internationales malgré les déclarations se voulant rassurantes des responsables de l’énergie.
3.-La taxation des superprofits au-delà de 30 dollars dans l’actuelle loi ne répond pas à la situation actuelle du marché où le cours dépasse les 50/60 dollars tout en précisant que dans le droit international une loi n’est jamais rétroactive sauf si elle améliore la précédente. Cela explique les litiges au niveau des tribunaux internationaux entre Sonatrach et des compagnies installées avant la promulgation de cette loi litige réglée à l’amiable où Sonatrach a été contrainte de revenir en arrière en versant des plus valus. Dans ce cadre, l’annonce d’un assouplissement fiscal devient nécessaire nécessaire, car l’Algérie n’est pas seule sur le marché mondial face aux importantes mutations énergétiques qui s’annoncent, mais des concurrents qui veulent attirer les compagnies. Mais reste la contrainte des 49-51 et l’obligation de s’associer à Sonatrach pour tout le secteur énergie sans exception ce qui ne peut que démotiver certaines PMI/PME performantes désirant investir à l’aval en partenariat avec le privé national. Étudions l’expérience chinoise et récemment en en ce mois de novembre 2015 la décision du gouvernement indien de libéraliser l’ensemble des secteurs y compris les infrastructures, ce qui ne saurait signifier libéralisme sauvage, mais donner un rôle stratégique à l’Etat régulateur garant de la cohésion sociale, supposant une définition précise de la fonction de l’Etat au sein d ‘une économie mondialisée, afin d ‘éviter des débats stériles. Si pour l’amont gazier et pétrolier pour les grands gisements la règle des 49/51% peut être applicable, pour les gisements marginaux, cette règle risque de n’attirer que peu d’investisseurs sérieux. Le peu de soumissions des grandes compagnies, l’expérience du retrait de la Chine au niveau de la raffinerie d’Adrar, Sonatrach supportant toute seule dorénavant les surcouts, doit être méditée. Egalement, il ne faut pas s’attendre à un flux d’investissement étranger avec ces amendements pour la prospection dans l’offshore et surtout le gaz non conventionnel qui requiert des techniques de pointe à travers le forage horizontal maîtrisé par quelques firmes, les recherches actuelles se concentrant sur les techniques anti-pollution. Devant préserver l’environnement et éviter de polluer les nappes phréatiques. Cela concerne également l’investissement dans la pétrochimie dont la commercialisation est contrôlée par quelques firmes au niveau mondial (structure oligopolistique) et d’une manière générale à l’aval, dont les produits obéissent aux règles de l’organisation mondiale, cette règle juridique de la dominance de Sonatrach dans le capital social est inopérante. Sans risque de me tromper, l’investissement sera limité pour ne pas dire nul avec cette règle. Car le marché mondial de la pétrochimie et du raffinage est fluctuant et contrôlé par quelques firmes. Cette filière nécessite pour sa rentabilité de grandes capacités, sans compter que les pays du Golfe ont déjà amorti les installations, l’Algérie partant avec un handicap des coûts d’amortissement élevés et un marché forcément limité. A moins, comme pour les entreprises publiques qui ont nécessité plus de 60 milliards de dollars d’assainissement entre 1971-2014, environ 70% étant revenues à la case de départ, Sonatrach subventionne tous ces surcoûts, les compagnies étrangères dans ce cas bénéficiant d’une rente sans prendre de risques. La programmation des investissements doit miser sur leur rentabilité si Sonatrach veut éviter le risque de détourner une fraction de ses ressources en autofinancement au détriment des autres secteurs de l’activité nationale avec un des surcouts croissants, un résultat brut d’exploitation en décadence et être éliminé à terme progressivement de la compétition internationale. Ne serait-il pas souhaitable d’avoir d’autres critères : balance devises excédentaire au profit de l’Algérie, l’apport technologique et managérial et un partage des risques ? Qu’en est-il du programme des énergies renouvelables abordé également en conseil des ministres prévu initialement en 2010 à 60 milliards de dollars en conseil des Ministres et porté à 100 milliards de dollars selon la déclaration de l’ex ministre de l’Energie en 2013.? Quant au solaire, selon l’Agence spatiale allemande (ASA), le potentiel est estimé à 169,440 téra-watts heure/an (TWH/an) pour le solaire thermique, et de 13,9 TWH/an pour le solaire photovoltaïque, ce qui équivaut à environ 60 fois la consommation de l’Europe des 15 (estimée à 3 000 TWh par an). L’énergie solaire journalière dans le désert équivalent- pétrole est estimée à 1,5 baril par km². Ce programme visait à produire, à l’horizon 2030, 40% de l’électricité à partir des énergies l’Algérie comptant produire 4 500 MW d’énergies renouvelables en 2020 et 22 000 MW à l’horizon 2030, Mais aucun opérateur privé n’investira avec prix plafonné depuis 2005. La règle des 49/51% et le prix bas de cession du KWH, posant d’ailleurs la problématique de la généralisation des subventions sans ciblage, le choix stratégique du gouvernement algérien, distribuer la rente afin de calmer le front social. Ce contexte politique lié à la logique rentière, loin des logiques économiques des opérateurs mus par la logique du profit une règle, ne risque-t-il pas de décourager tout investisseur potentiel à moins que Sonelgaz via Sonatrach supporte les coûts de départ importants ?
En résumé, l’investissement au niveau du secteur hydrocarbures est un investissement lourd, hautement capitalistique et nécessitant surtout des compétences avérées, le capital argent étant secondaire. Quelle sera la rentabilité dans ce secteur ? Car les organismes internationaux prévoient une baisse prévue de la demande de gaz par l’Europe, sans compter les exportations de GNL des USA très prochainement et l’entrée de l’Iran, ce qui accentuera la pression pour une baisse des prix. Au moment où le cours du Brent est coté dans la matinée du 19 novembre 2015 à 44,26 dollars contre 43 dollars la veille, et le WIT à 41,82 dollars, avec une baisse officielle drastique du dinar par rapport au dollar coté à 107,70 dinars un dollar contre 115,03 un euro (plus de 170 dinars sur le marché parallèle), il s’agit impérativement de s’orienter vers un Mix énergétique et de mobiliser tous les acteurs économiques publics, privés locaux et internationaux en débureaucratisant la société et favoriser la liberté d’entreprendre. Le nationalisme véritable se définit comme la création de la richesse interne et la création d’emplois productifs. Combien d’entrepreneurs privés investissement dans la recherche développent, dans le savoir condition pour s’imposer à terme en tant qu’acteur au sein d’une économie mondialisée? Aussi l’opérationnalité des amendements de la loi sur les hydrocarbures cela renvoie à l’éclaircissement de toute la politique économique et sociale face à la re-mondialisation et aux nouvelles mutations énergétiques mondiales. Il y a nécessité d’un assouplissement de bon nombre de dispositions notamment à l’aval, les services, des petits gisements et au niveau des canalisations si l’on veut attirer l’investisseur tan étranger que local. Mais le plus important est l’urgence d’une vision stratégique et cohérence de la réforme globale, comme facteur d’adaptation aux nouvelles mutations énergétiques mondiale. Dans le cas contraire, les impacts seront forcément limités d’autant plus qu’existe une concurrence internationale féroce surtout dans le domaine du gaz. L’objectif stratégique n’est-il pas pour l’Algérie d’opérer la transition rapide d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, supposant également une nouvelle transition énergétique- Mix énergétique- en utilisant au mieux cette ressource éphémère ? Cela implique forcément un Etat de droit, un large débat national sur cette ressource propriété de toute la population algérienne donc une gouvernance renouvelée, de profondes réformes politiques et économiques solidaires, la valorisation de l’entreprise et son support, la ressource humaine, richesse bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures.
(*) Professeur des Universités, expert international- directeur d’Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2007. Il est auteur de nombreux ouvrages et contributions internationales sur les mutations énergétiques et membre de conseils scientifiques d’institutions mondiaux.