Des sites Internet peu élaborés, rarement actualisés, apportant peu de valeur ajoutée à la communication. Les entreprises publiques et les administrations algériennes n’ont pas encore intégré le Web dans leur stratégie commerciale et de communication.
Un site internet dans les entreprises publiques et les administrations algériennes, ça sert d’abord à faire joli. A affirmer qu’on est là, qu’on sait que l’Internet existe. Mais comme outil d’information ou de communication avec le public et les citoyens, le recours à l’Internet reste dérisoire. Avec un impact quasi-nul. Quel citoyen a eu recours au site de Sonelgaz ou à celui de la SNTF (transports ferroviaires) pour régler un problème ou obtenir une information précise ?
De nombreux sites consultés apparaissent comme de simples haltes bureaucratiques. Celui d’Air Algérie, consulté à plusieurs reprises pour connaitre des horaires de vol, affiche désespérément la mention « Aucun horaire de vols disponibles ». Celui d’Algérie Télécom est tout aussi capricieux. En début de semaine, il était possible d’accéder à sa facture téléphonique, mais pas à celle de l’ADSL. Certaines fonctionnalités sont disponibles, d’autres non. Mais toujours pas de e-paiement, malgré les promesses dont M. Abderrahmane Benkhalfa, ancien président de l’ABEF (Association des banques et établissements financiers) se fait l’écho depuis des années.
La gestion des sites Web ne semble obéir à aucune logique commerciale ou de service. « Le travail se fait par à-coups », affirme un ingénieur qui a travaillé sur la plateforme Web d’une grande entreprise nationale. « Le site est rarement intégré dans une logique de com ou de service. Il a sa vie propre, qui peut dépendre du dynamisme de celui qui le gère, et de sa relation personnelle avec le patron ».
Gestion bureaucratique
Ce qui explique la mise à jour, souvent chaotique, des sites des entreprises publiques, où il y a un souci de plaire à la hiérarchie plutôt que de répondre à un besoin d’efficacité. En fait, beaucoup se limitent à un minimum, qui justifie l’existence du site, sans plus. Sur celui de Sonatrach, la dernière déclaration du PDG mise en ligne date du 10 janvier 2013. Il faut ensuite remonter au 9 mai 2012 pour retrouver une autre déclaration du PDG, à l’occasion d’un don de peintures de l’artiste Juanita Guccione offertes par Sonatrach au Musée National des Beaux-Arts ! On cherchera en vain des déclarations de M. Zerguine sur les sujets controversés, comme le gaz de schiste ou la baisse des exportations de gaz.
La Banque d’Algérie, de son côté, opère comme si elle entrait dans l’Internet à reculons. Visiblement, on y préfère les notes rédigées sur du bon vieux papier, comme l’atteste cette mention, visible sur le site : « Les textes, informations et données chiffrées figurant sur ce site peuvent, en dépit de nos soins et attention, être altérés pour diverses raisons indépendantes de la Banque d’Algérie. Il est rappelé à l’ensemble des consultants du site que seuls les documents écrits de la Banque constituent la référence ». Ce qui peut signifier : vous pouvez lire ce qu’il y a sur le site, mais ne le prenez pas au sérieux, ce n’est pas officiel. Le retard est, quant à lui, inévitable : à la mi-juin 2014, le dernier rapport sur les tendances monétaires mis en ligne est celui du dernier trimestre 2013.
A quoi sert l’internet ?
A côté de ces sites plus ou moins figés, celui de la douane apparait comme un ilot de modernité. Il donne régulièrement des statistiques précises sur le commerce extérieur du pays, ce qui en a fait le site le plus suivi pour la collecte des informations économiques. Malgré leur retard, les managers publics et les bureaucrates en charge de l’administration développent un discours aussi convenu que moderne sur l’utilisation de l’Internet. Le moins doué est capable de faire un discours étonnant sur les vertus de cette technologie et des facilités auxquelles elle donne accès. Mais en vous quittant, il n’est pas rare qu’au lieu d’un mail, il vous donne un numéro de fax ! Pourquoi ce décalage ? Les raisons sont multiples. L’absence du paiement en ligne en est une des plus importantes. « On va sur internet pour payer sa facture d’électricité, de téléphone, son abonnement Internet. On gagne du temps et de l’argent », relève un spécialiste des TIC. « Tant que ces services n’existent pas, beaucoup ne perçoivent pas le côté pratique de l’Internet », dit-il.
Younes Grar, spécialiste reconnu des TIC, note que « les entreprises publiques communiquent peu, et mal, en général. Le site web est juste une illustration » de cette défaillance. Dans les entreprises, ajoute-t-il, « les décideurs ne sont pas des fervents utilisateurs des TIC. Ils donnent peu d’importance à ces outils ». D’où, parfois, ce paradoxe : quand une entreprise a un bon site, cela peut être « l’œuvre des ingénieurs, à titre d’initiative individuelle, et non comme décision stratégique ».
Le web en dernière position
A cela s’ajoutent les difficultés objectives : connexion défaillante, « lectorat » Internet limité, pas assez de personnel dédié à cette tâche, généralement confiée à un responsable de la communication pris par autre chose, etc. « Le site Web vient en dernière position ». Younes Grar relève qu’il y a tout de même quelques contre-exemples, mais le site n’inspire pas encore la confiance nécessaire chez les chefs d’entreprises. Le fonctionnaire traditionnel redoute le piratage, par exemple. Pour lui, « éliminer toute possibilité de nuisance est la solution la plus facile ». Au final, « même les entreprises qui ont des sites Web le font pour la forme, sans aucune conviction », dit-il.
Abderrafik Khenifsa, éditeur du magazine ITMAG, souligne de son côté que « pour gérer un site Internet, il faut énormément de personnel et un budget, ce qui fait que c’est la dernière roue de la charrette pour une entreprise ou un établissement public ». Il relève que « les sites d’informations restent, aujourd’hui, les sites les mieux gérés. Ils sont actualisés constamment, car leurs éditeurs savent que les informations ont une durée de vie limitée ».