Dans la troisième partie de la contribution « Défis environnementaux du gaz du schiste : Du modèle américain à l’aventure », l’auteur aborde la question de l’aval gazier mais surtout la rentabilité du GNL produit.
III. GNL, la phase d’après ou l’aboutissement de la production américaine
En ce qui concerne le GNL, le premier prérequis de son exportation est la rentabilité économique. Le prix du gaz sur les marchés ciblés doit couvrir les coûts de production du gaz naturel, notamment sur les gisements non conventionnels, ceux du transport par méthanier et ceux de la transformation (liquéfaction et regazéification). Fin 2012, il y avait aux États-Unis une vingtaine de projets de terminaux de liquéfaction de GNL destinés à l’exportation pour une capacité totale cumulée dépassant les 300 milliards de mètres cubes, soit l’équivalent de 80% de la capacité mondiale actuelle de liquéfaction. Certes, l’ensemble de ces projets ne seront pas réalisées ; mais déjà celle d’une partie d’entre eux bouleverserait complètement le marché mondial du gaz dont l’Algérie est à la fois acteur et partie prenante.
Aux États-Unis, l’exploitation à grande échelle des gisements de gaz non conventionnel a fait chuter de manière drastique les prix intérieurs. Le Henry Hub est en effet passé de 12 dollars le MBtu fin 2008 à 2,1 dollars. Quant aux prix des marchés de l’Europe et de l’Asie, ils restent de plus en plus chers. L’impact de ce spread[1] ne cesse de s’accroître. Devant un fort décalage de prix allant du simple au quintuple entre les trois marchés gaziers classiques[2], il n’a pas fallu beaucoup d’ingéniosité aux Américains pour comprendre la nécessité de construire des terminaux de liquéfaction afin de pouvoir exporter et inonder les marchés asiatiques. En effet, en juin 2012 le Henry Hub était à 2,1 dollars/MBtu contre 17,4 dollars/MBtu pour le GNL japonais, ce qui rendait très attractif ce potentiel d’exportation notamment à destination de l’Asie, sous réserve d’une maîtrise des coûts de production. C’est ainsi que la réalisation des trains de liquéfaction de CheniereEnergyau terminal de Sabine Passa bien démarré. S’il n’y a pas cas de force majeure, les six trains GNL de cette plateforme devront être opérationnels en 2020. Quatre des ses trains ont déjà entré en service. Son sixième train est attendu fin 2019 cumulant une capacité totale de de production de100 milliards de mètres cubes, ce qui avoisinerait le double des capacités de production algérienne de GNL. Qui plus est sur les quelque 94 méthaniers commandés et à livrer avant la fin 2017, pas moins de 24 unités l’ont déjà été ou sont en cours de livraison. Il faut noter que la taille moyenne de ces bateaux est de plus de 164 000 mètres cubes, soit 40% au-delà de celle des bâtiments de la flotte d’Hyproc, la filiale de la Sonatrachchargée du transport des hydrocarbures. On s’achemine donc à court terme vers une abondance de GNL et des moyens de le transporter.
Tahchi Belgacem
Ph.D Géographie politique
Université de la Sorbonne Paris IV
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[1] La différence de prix sur deux marchés distincts. Il est ici question du spread entre le Henry Hub, place du marché américain, et le marché du GNL japonais représentatif de l’Asie.
[2] Il y a trois marchés principaux du gaz dans le monde qui correspondent aux trois régions développées : le marché nord-américain (Henry Hub), le marché ouest-européen et le marché est-asiatique avec le Japon et la Corée du Sud sans oublier la voracité énergétique de la Chine.