La grande mosquée d’Alger, Djamaa El Djazair, concentre aujourd’hui, les préoccupations les plus aiguës en matière de sécurisation architecturale. Avec 1100 réserves techniques ayant retardé sa livraison, l’édifice impose une vigilance technique inédite. À l’image de Notre-Dame de Paris en 2019, dont la flèche s’est effondrée dans un incendie dévastateur, Djamaa El Djazair nous rappelle la vulnérabilité potentielle des monuments, si imposants soient-ils.
Ces interrogations initiales trouvent rapidement un écho dans les premières analyses géotechniques. Les appréhensions des experts concernant le choix du terrain se sont effectivement avérées fondées. Le site, situé sur le lit majeur d’oued El-Harrach, présente des caractéristiques sédimentaires qui nécessitaient une étude géotechnique approfondie.
Confirmant ces premières inquiétudes, le Professeur Abdelkrim Chelghoum, expert en génie parasismique, a mis en lumière les failles techniques significatives du projet initial. L’étude géotechnique réalisée correspondait à un standard de construction classique (type R+5), totalement inadapté à un monument de cette envergure, comprenant notamment un minaret de 265 mètres et une salle de prière de 150 mètres de côté.
Ces insuffisances techniques ont inévitablement conduit à plusieurs changements majeurs. Le bureau d’études allemand initial a été dépossédé du projet. L’entreprise chinoise CSCEC a dû adapter des solutions techniques complexes, entraînant un retard de 18 mois dans la réalisation.
Prolongeant son analyse critique, le Professeur Chelghoum souligne plusieurs zones d’ombre persistantes : la méthodologie de calcul du minaret n’est pas entièrement justifiée, les hypothèses de calcul restent insuffisamment détaillées, et les risques potentiels face à une activité sismique demeurent préoccupants.
Entre vigilance et prospective
Face aux risques identifiés, un dispositif de sécurisation multicouches a été minutieusement développé. En premier lieu, un service de sûreté interne a été mis en place pour superviser les protocoles de sécurité, incluant le contrôle permanent des accès, la gestion des systèmes de vidéosurveillance et la formation continue du personnel.
Parallèlement, la wilaya d’Alger a renforcé la protection du périmètre externe, déployant des systèmes de détection périmétrique avancés et organisant des patrouilles régulières. Cette approche coordonnée vise à minimiser les risques potentiels et à garantir la sécurité totale du site.
Au cœur de ce dispositif, l’Agence nationale de réalisation et de gestion de Djamaa El Djazair (ANARGEMA), placée sous la direction de Nassim Mokhtari, supervise officiellement les travaux d’entretien. Dotée d’un budget annuel substantiel de 1 milliard de dinars (64 millions d’euros) en 2022, l’agence collabore étroitement avec le CEREFE pour assurer la maintenance des installations à énergies renouvelables et le suivi technique des équipements.
Cependant, malgré ces efforts considérables, des interrogations persistent. Les 1100 réserves techniques initiales ont-elles été intégralement résolues ? La stabilité sismique est-elle réellement garantie ? Les systèmes de sécurité actuels sont-ils suffisants à long terme ? Et surtout, quelle stratégie serait mise en œuvre en cas de défaillance technique majeure ?
L.N