Après l’acier et l’aluminium, au tour des semi-conducteurs…Et avec la manière forte !
Le président américain Donald Trump vient donc de bloquer ce qui s’annonçait comme étant la plus grosse opération d’acquisition dans le domaine technologique. Le locataire de la Maison-Blanche a signé un décret interdisant le projet de rachat de Qualcomm, fabricant californien de puces pour la connectivité des appareils mobiles, par son rival singapourien Broadcom. Pour mémoire, il s’agit d’une offre publique d’achat (OPA) hostile (les dirigeants et actionnaires principaux de Qualcomm s’y opposaient) d’un montant de 142 milliards de dollars (la première offre, «amicale», était de 117 milliards de dollars).
Motif de sécurité nationale
Pour les autorités américaines, cette acquisition aurait représenté une menace directe pour la « sécurité nationale». En effet, ce qui se joue en toile de fond, c’est la fabrication des composants nécessaires à la 5G (technologie qui serait 100 fois plus rapide en début que l’actuelle 4G). Saisie par Qualcomm, la Commission des investissements étrangers aux Etats-Unis (Cifius ou Committee of Foreign Investment in the United States) a émis un avis négatif quant à l’opération et Donald Trump n’a fait que suivre ses recommandations. «L’offre de reprise de Qualcomm par l’acquéreur est interdite et toute opération équivalente, de fusion, acquisition ou d’OPA, directe ou indirecte, est également interdite», indique le décret signé par le dirigeant américain.
Que craignent vraiment les Etats-Unis ? Le raisonnement qui fonde cette décision protectionniste est très simple à appréhender. Washington souhaite protéger un «champion national» des appétits étrangers et notamment chinois. Broadcom a beau être basé à Singapour, c’est la main de Pékin qui est vue derrière cette entreprise. La Cifius a clairement indiqué que Broadcom pourrait à la fois siphonner le savoir-faire de Qualcomm avant de mettre cette entreprise hors-circuit en réduisant fortement ses budgets de recherche et développement. Une perspective qui aurait signifié une dépendance accrue à l’égard d’entreprises étrangères et notamment asiatiques pour de nombreux opérateurs américains, dont ceux liés au secteur de la défense.
Le signal envoyé par les Etats-Unis est donc d’une fermeté totale. Pas question de perdre l’avantage technologique mondial en matière de composants pour les appareils mobiles. Le décret de Donald Trump montre bien que l’idée de défendre un champion national est bien dans l’air du temps malgré tous les discours sur les bienfaits de la mondialisation. En réalité, il s’agit bien de protectionnisme sélectif. Aux Etats-Unis, la notion de champion national dépend surtout du lien qui existerait entre l’entreprise concernée et le secteur de la défense. Si une telle relation n’existe pas, il n’est pas dit que la Cifius remette en cause une offre d’acquisition venue de l’étranger.
De prédateur à proie
Cet échec va faire date pour Broadcom. Dans les prochains mois, on suivra avec attention si, de prédateur, cette entreprise ne va pas se transformer en cible. Pour ses dirigeants, l’acquisition de Qualcomm visait à atteindre une taille stratégique et à s’installer sur le marché américain. Pour vaincre les réticences de la Cifius, Broadcom a même lancé une procédure d’installation officielle aux Etats-Unis afin d’être considérée comme une société américaine. La manœuvre n’a pas réussi et désormais la firme singapourienne pourrait faire figure de proie rêvée pour des entreprises chinoises de haute technologie auxquelles Pékin a donné l’ordre de se développer à l’international.