Les webradios algériennes ne sont pas nombreuses mais elles s’accrochent malgré les difficultés de l’Internet et une bande passante poussive. Elles s’adaptent et inventent des solutions.
« Auditeurs et auditrices de la Deejayz salama3leikoum » ! Il est 21 heures et le live de radio Deejayz vient de commencer. Dans une grande pièce de rez-de-jardin aux tons orangés, dissimulée dans le quartier des Sources à Alger, quatre jeunes hommes, casques sur la tête, se relaient aux micros. « Le sujet du jour, c’est la culture. Qu’est-ce qui représenterait pour vous la culture algérienne », lance l’un d’eux aux web-auditeurs depuis cet intérieur rempli d’instruments de musique, de matériel sonore et de peluches des Simpson. Le ton est spontané et l’ambiance décontractée.
« Ce soir, comme tous les jeudis, une fois toutes les deux semaines, l’émission a lieu dans les studios de Sarbacane. Le reste du temps, nous émettons depuis notre studio à Ouled Fayet », explique Zohir Groni dit Le Geek au cours d’une pause de musique Gnawi. Entre interlude musical et discussions à bâton rompu, l’émission avance dans la nuit… autour d’une table pleine de câbles et d’écrans d’ordinateurs. En apparence, la Deejayz ressemble donc à n’importe quelle radio, sauf que pour l’écouter, il faut aller sur le site internet ladeejayz.com.
Une question de débit
Samy Slimani, fondateur de la première webradio algérienne officielle, radio-dzair.com, née en 2006, connaît bien le principe d’émission de radios sur le Web : « C’est une console son qui envoie un signal à un serveur de diffusion sur lequel les internautes se connectent pour écouter la radio », explique-t-il avant de poursuivre « l’élément le plus important d’une webradio est donc la bande passante ». Selon lui, avec une bande passante internationale, en Algérie, inférieure en à 1,5 mégabit par seconde (Mbps), il est impossible pour un particulier d’héberger un serveur de diffusion à son domicile. « Par exemple, une bande passante en émission de 300 à 400 kbps permet à peine à deux auditeurs de se connecter sur le serveur », détaille Samy Slimani. « Les serveurs se trouvent donc dans les pays où la bande passante est importante comme en Europe ou aux Etats-Unis ».
A cela, s’ajoute l’instabilité de la connexion internet qui constitue une autre contrainte technique au développement des webradios en Algérie. «Tant que l’Internet connaîtra des coupures régulières, il sera très difficile de faire du direct en continu », estime l’initiateur de Radio Dzaïr qui mise donc sur la musique – en sept ans, il a créé huit radios musicales thématiques dotées d’applications pour mobiles et tablettes – tout en recommandant la diffusion d’enregistrements comme la météo, les journaux d’information, une revue de presse, etc.
Mêler musique, enregistrements et directs, tel est le modèle de Radio M, la webradio du journal électronique Maghreb Emergent fondée en avril 2013. « Radio M émet de la musique 24 heures sur 24 et propose quatre émissions : la météo en Algérie et au Maghreb, une revue de presse nationale en français, l’invité du direct et le café presse », détaille Soumia Ferkali, administratrice de Radio M. « La météo et la revue de presse sont enregistrées quotidiennement pour une diffusion toutes les 20 minutes au long de la journée tandis que l’invité du direct et le café presse sont diffusés en temps réel, respectivement le mardi et le jeudi matins, avant d’être disponibles en podcast au courant de la journée ».
Coup de génie
Radio M loue un serveur de diffusion dont le prix de l’abonnement dépend du nombre d’auditeurs. L’autre solution possible pour une webradio, plus simple mais moins avantageuse, est d’être hébergée directement par un site. Enfin, si on a la chance de compter un geek dans l’équipe, on peut créer son propre modèle débarrassé des inconvénients des deux premiers à savoir une webradio sans limite d’auditeurs à moindre coût. C’est ce qu’à réussi à réaliser radio Deejayz, grâce aux talents informatiques de Zohir. « Au lieu de passer par les services d’un tiers, on s’auto-héberge », révèle le jeune homme de 27 ans.
« Notre radio loue des serveurs vierges sur lesquels j’ai mis en place notre propre script adapté au débit internet en Algérie ». Résultat : après quatre années de tâtonnement, la Deejayz peut désormais avoir un nombre important d’auditeurs, sans subir de coupure. Grâce à ce véritable coup de génie, « la webradio qui s’occupe de la jeunesse » depuis le 19 janvier 2010, enregistre près de 10.000 auditeurs chaque soir, d’Alger à Ouargla et jusqu’en Haïti, et compte 25.000 fans sur son groupe secret Facebook. Et l’équipe de cette expérience, folle mais passionnante, ne compte pas en rester là. « Notre but est que la Deejayz fonctionne 24 heures sur 24, avec une grille de programmes en continue, et nous espérons même lancer une webtv », annonce Talel Sellam alias Toto, le musicien de la bande.
Malgré les difficultés techniques, les webradios vont se multiplier. « La webradio, c’est l’avenir. Dans quinze ans, il n’y aura plus de radios traditionnelles », prédit Samy Slimani. En attendant, celles qui existent se professionnalisent de plus en plus, en se constituant en entreprise. Radio Deejayz sera bientôt une maison d’édition audiovisuelle.