Sait-on que les juges appliquent encore à ce jour et depuis l’adoption de la Constitution des lois devenues nulles, donc illégales ? Sait-on que la constitution, norme suprême dans un pays de droit, est toujours lettre morte quant à ses principaux acquis en matière de droits et de libertés privatives ? Sait-on, de même, qu’on la viole en se refusant encore à mettre en place l’instance chargée de veiller à son application ?
Le processus de la supposée justice transitionnelle est un calque de ce que l’Occident veut pour le monde : une gesticulation devenue de pur principe, étant déconnectée des réalités intrinsèques des pays concernés.
C’est un cadre imaginé pour un environnement précis qu’on exporte pour d’autres mœurs, et surtout des cadres légaux absolument différents, sinon antinomiques de ceux des ays où l’on a concocté ce processus auquel veillent d’ailleurs des intérêts d’Occident, mais aussi d’un Orient vassalisé, nullement désintéressés.
Comment, en effet, imaginer une justice et une dignité dans un pays encore soumis aux lois de la dictature et de la colonisation ? Or, elles sont toujours en vigueur et on ne se soucie guère de les abroger, en suspendre pour le moins l’application en attendant la réforme promise et qui ne vient pas !
Sait-on que les juges appliquent encore à ce jour et depuis l’adoption de la Constitution des lois devenues nulles, donc illégales ? Sait-on que la constitution, norme suprême dans un pays de droit, est toujours lettre morte quant à ses principaux acquis en matière de droits et de libertés privatives ? Sait-on, de même, qu’on la viole en se refusant encore à mettre en place l’instance chargée de veiller à son application ?
Et l’on se suffit d’une autre instance qui est idéologiquement orientée, ayant été instrumentalisée par sa présidente pour agir à charge contre, non seulement l’ancien régime, mais aussi et surtout tous ceux qui étaient supposés à son service. Ainsi amalgame-t-elle ceux qui l’étaient vraiment — une minorité — et la majorité qui, relevant d’un système, ne faisait que servir le pays, son peuple asservi. Et c’était d’autant plus efficace qu’ils le faisaient de l’intérieur, et donc bien plus utilement pour le concret populaire que les prétendus patriotes de salon qui se pavanaient à l’étranger avec la qualité usurpée d’opposants. Or, ces derniers se présentent aujourd’hui en patriotes alors que leur souci premier et final est de continuer à profiter du pays et de son peuple pourtant zawali.
On l’a vu avec ces dossiers présentés à l’IVD même par des gens nantis et au pouvoir, pourtant largement et grassement indemnisés, mais qui veulent encore et toujours plus. D’ailleurs, la plupart des vrais patriotes, ceux qui ont été véritablement brimés au réel service de leur pays n’ont point déposé de dossiers à l’Instance. Car ils ont estimé, et à raison, que le service réel du pays, ne se monnaye pas et que la véritable justice est dans des lois justes.
Ce à quoi, non seulement on n’agit pas, mais on s’en désintéresse royalement; et Madame Ben Sedrine en premier. Ainsi l’a-t-on vue se soucier surtout du prestige de son instance et de son apparence, cédant aux folies de grandeur, s’offrant le luxe dans un pays pauvre allant jusqu’à bafouer la loi en ne respectant pas les décisions de ses tribunaux. Son impératif catégorique ne devait-il pas de donner l’exemple du respect de la loi, même si on l’estime injuste, au lieu de se comporter en bandit n’ayant de loi que la sienne propre ? Que n’a-t-elle donc médité le comportement de Socrate ? Qu’elle revienne sur les bans du lycée !
Véritables justice et dignité
La mascarade de l’Instance Ben Sedrine, puisqu’elle en a fait une affaire privative, est loin d’être terminée avec le dernier vote du parlement qui, avec l’absence de participation des partis Ennahdha, Courant démocratique et Front populaire, ouvre largement la voie aux supputations les plus saugrenues sur sa validité, tout en se présentant en termes de légalisme de pure forme.
Au vrai, il ne s’agira, au mieux, que de juridisme, la question essentielle étant de nouveau occultée. En effet, ce qui compte pour le Tunisien toujours en quête de ses droits à la justice et à la dignité, ce n’est pas le maintien ou la fin de la mission d’une mission qui a failli durant un mandant assez long, et surtout trop coûteux, à remplir sa mission, se limitant à servir ses intérêts et ceux de ses soutiens. Ce qui lui importe en premier lieu, c’est que justice et dignité soient enfin servies. Or, cela ne se sera pas et plus avec la reconduction d’une instance irrémédiablement déconsidérée et déshonorée.
Le service véritable de la justice et de la dignité ne se fait pas par les manifestations théâtrales auxquels on a eu droit à grands frais, ni aux marchés soigneusement calculés pour satisfaire les intérêts de qui ont profité et profitent de la révolution du peuple, seul ayant-droit légitime, mais oublié en cette affaire. C’est pourtant la seule victime; et c’est en son nom qu’on agite principes creux et slogans insensés !
Pour rendre justice au peuple, lui faire retrouver sa dignité, il n’ y a que la loi; mais une loi juste pour tous. De nouvelles lois doivent donc être votées sans plus tarder abolissant celles de la honte et de l’arrogance actuellement en vigueur alors que la cause du Coup du peuple a été justement de protester contre un tel arsenal répressif qui brime encore et toujours les innocents.
Pour rendre justice au peuple, lui faire retrouver sa dignité, il importe au plus vite d’oser suspendre les lois illégales qu’on applique au vu et au su de tous et dont l’IVD ne se soucie pas, trop préoccupées par les intérêts mesquins qui ont occupé ses travaux déconnectés des réalités véritables.
Voilà comment on servira la justice transitionnelle en Tunisie pour le profit de tous : décider unanimement d’appeler l’Assemblée des représentants du peuple à des assises solennelles pour la justice et la dignité qui seront consacrées à la suspension des lois les plus scélérates en vue de consacrer les libertés et les droits citoyens au plus vite. Un moratoire de ces lois doit être voté incontinent, suivi du passage à la présentation et au vote des réformes projetées, mais jamais sorties du cadre des voeux pieux, comme l’égalité successorale et le Code des Droits et des Libertés, promis lui aussi par le président de la République.
Que vaut donc le maintien de l’IVD ou le sort de sa présidente face à une telle gageure patriotique, la seule de nature à servir le pays, faisant son salut, concrétisant son modèle et son exception ? Avec la guéguerre qui s’annonce sur l’interprétation du vote négatif à la prolongation des travaux de l’IVD, et surtout la résistance acharnée que va lui opposer Madame Ben Sedrine, on verra bien qui est patriote et qui ne l’est pas ou plus en ce pays trahi par des élites délitées ne faisant que la politique politicienne ou à l’antique.
(*) Nous republions les articles de Farhat Othman, avec son aimable accord. Cet article a été publié initialement sur son blog sous le titre : « En finir avec la fausse Justice et Dignité »