La crise de liquidités qui humilie les algériens au quotidien, aurait pu être en grande partie évitée si l’ancienne ministre des PTIC, Imane Houda Ferraoun, n’avait pas interféré pour bloquer une solution prête au déploiement.
L’histoire du blocage de la solution M-paiement, dont les effets néfastes continueront encore longtemps à empoisonner la vie de millions d’algériens, remonte aujourd’hui à la surface grâce à une plus grande disposition de cadres du secteur des télécoms à révéler à Maghreb Emergent, ses véritables enjeux.
Le projet de M-paiement de Mobilis – deux années de travail acharné et plus de trois millions de dollars d’investissement – a été stoppé net en 2015 par l’ex-ministre des postes et télécommunications, Mme Imane Houda Feraoun, alors qu’il était sur le point d’être déployé.
La raison inavouée de ce blocage était la protection de Monetix, propriété des Kouninef, et ses projets de développement de la monétique en partenariat avec la Poste et la Satim. Ni l’un ni l’autre n’auront jamais atteint le stade de l’exploitation.
C’est à l’occasion d’une mission officielle d’hommes d’affaires et de responsables d’entreprises publiques accompagnant l’ex-ministre de l’industrie, M. Benmeradi, en 2013, que le PDG de Mobilis, Mr Dama, a été approché par les responsables de la société portugaise SIBS (Sociedad Interbancária de Serviços SA), leader de la monétique et du M-paiement dans son pays.
Cette société travaillait déjà en partenariat avec la Banque Nationale d’Algérie (BNA) pour le développement de la monétique en Algérie. En mauvaise position par rapport à ces deux autres concurrents, Djezzy et Oreedoo, Mobilis saisit cette opportunité de développement de son activité, en faisant voter une résolution par son Conseil d’Administration (CA), en vue de développer le mobile-paiement en Algérie en partenariat avec la BNA (son PDG est membre du CA de Mobilis) et SIBS.
Puis arrive le véto de la ministre…
Un module a été acquis par Mobilis et intégré à la solution monétique déjà existante auprès de la BNA, avec son lot d’applications pour un coût dépassant les 3 millions de dollars. Au cours de l’année 2015, la nouvelle plateforme fin prête a été connectée à quelques facturiers (Sonelgaz, Seaal, Algérie Telecom, AADL…) pour mener l’essai avec 1000 utilisateurs (friendly users) issus de Mobilis et de la BNA. Un accord de principe a été obtenu auprès de la Banque d’Algérie pour le lancement de la solution dès l’année 2016.
En décembre de la même année, alors que la solution du paiement mobile était entièrement stabilisée, coup de théâtre : Mme Houda Feraoun met fin aux fonctions du P-DG de Mobilis sous prétexte de signature d’un contrat avec Orange pour le roaming sans en référer à sa tutelle. D’anciens responsables au sein de l’opérateur mobile sont catégoriques : l’objectif de cette décision est « d’empêcher le lancement du paiement mobile en Algérie pour protéger la nouvelle société Monetix, créée par les frères Kouninef, et ses projets de développement de la monétique avec la Poste et les autres banques publiques à travers la Satim ».
Lors d’un entretien accordé à l’émission de la chaîne 3 « L’invité de la rédaction », Mme Feraoun, connue pour être «partisane » du paiement mobile, a justifié le blocage du projet par le fait qu’il il faciliterait le « blanchiment d’argent ».
Selon elle, « on ne peut tolérer qu’il y ait des transactions mobiles qui vont proliférer alors qu’on n’a aucun moyen de les tracer…et les réseaux de blanchiment s’appuient sur tout e qui est transaction financière non traçable ». Comme si les opérations réglées « cash » permettaient plus de traçabilité. Ce revirement ne l’a pas empêché d’inscrire le développement du paiement mobile dans la Loi de Finances de 2020.
Un e-compte lié à la carte SIM
Il faut rappeler, que les solutions de mobile banking « offrent la possibilité de réaliser des opérations bancaires courantes sur portable : tout client abonné à un réseau de téléphonie mobile dispose d’un e-compte lié à sa carte SIM. Il peut effectuer des transactions (un simple échange de SMS permet de payer en magasin, sur le marché ou de régler des factures d’eau et d’électricité, voir les impôts) et même épargner si son compte est créditeur. Il peut alimenter son compte en déposant du liquide via un point de vente agréé ou demander à percevoir son salaire (ou sa retraite), sur son compte de téléphonie mobile ».
Il existerait deux modèles de paiement mobile : le premier appelé« NON BANK BASED (NBB) ou un opérateur télécom, peut fournir directement des services bancaires sans passer par une banque (modèle adopté très largement en Afrique et surtout au Kenya), et le second, plus adapté aux marchés en partie bancarisés, cas de l’Algérie, est le BANK BASED (BB), où une licence bancaire est nécessaire pour avoir l’autorisation de fournir des services bancaires : les banques proposent des services de mobile banking après avoir passé des accords avec des opérateurs de téléphonie mobile ». C’est ce deuxième modèle qui a été adopté par Mobilis en partenariat avec la BNA.
Sa mise en application programmée il y’a plus de quatre années aurait permis de fructifier un investissement colossal en solutions, aujourd’hui obsolètes, et à des millions d’algériens de faire l’économie de chaînes interminables, qui plus est, en période de pandémie. Elle aurait même permis à l’état algérien de distribuer rapidement les indemnités Covid19 aux personnes éligibles.