Face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales 2021/2030, pour une transparence des comptes de Sonatrach (Abderrahmane Mebtoul) - Maghreb Emergent

Face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales 2021/2030, pour une transparence des comptes de Sonatrach (Abderrahmane Mebtoul)

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Société stratégique procurant avec les  dérivées environ  98% des recettes en devises du pays, il est impérieux pour Sonatrach de livrer une analyse objective, la transparence de ses comptes  en mentionnant les contrats définitifs, les réalisations sur le terrain, devant  les distinguer des  nombreuses lettres d’intention qui n’engagent pas l’investisseur n’étant pas  un contrat définitif comme le rappelait le fondateur de la statistique moderne, dans un ouvrage de renommée mondiale « comment mentir grâce aux statistiques », il faut se méfier de certaines manipulations en replaçant les données dans leurs véritables contextes si l’on veut éviter des politiques économiques biaisées.

1- La transparence dans la gestion de Sonatrach suppose d’évaluer l’impact de l’environnement socio-économique et institutionnel ainsi que des réformes afin de le rendre Sonatrach plus performante, de la hisser au niveau de la concurrence mondiale et éviter ces scandales financiers largement relatés  par la presse nationale et  internationale, qui nuisent à sa réputation et donc à celle de l’Algérie. 

Il est à rappeler que sur le plan strictement comptable, les immobilisations corporelles comprennent le terrain, les constructions, les installations techniques, matériel et outillage industriels, ainsi que les installations générales, agencements, matériels de transport, matériel de bureau et matériel informatique, mobiliers et emballages récupérables. Certes, les contraintes d’environnement sont importantes, notamment les règles juridiques influençant la gestion de Sonatrach (environnement légal et institutions publiques), les circuits banques primaires-banque centrale-Sonatrach pour les conditions de paiement afin d’accélérer la rapidité des opérations. Dans la comptabilité des sociétés, ne sont pris en compte que les biens dont l’entreprise est propriétaire, les biens corporels loués ne figurant pas à l’actif, ce qui constitue une lacune importante que certaines entreprises internationales comblent en général pour ne pas avoir un bilan biaisé.

Quant aux immobilisations incorporelles, elles comprennent les frais d’établissement, les frais de recherche et développement, les concessions et droits similaires, brevets, licences, marques, procédés, ainsi que le droit au bail commercial. Ces immobilisations sont souvent traitées d’une manière superficielle alors qu’elles sont déterminantes pour une entreprise comparable à Sonelgaz, ce qui renvoie d’ailleurs au renouveau du plan comptable national. Car Sonatrach connait des coûts de production élevés, certes pour des raisons techniques, mais également organisationnelles. Les enquêtes que j’ai pu mener ont montré la difficulté de cerner les coûts de Sonatrach. Sur le plan comptable, bien qu’il existe une direction d’audit au niveau de la direction générale, elle établit souvent un bilan consolidé où l’on ne cerne pas correctement les centres de coûts du fait, procédant de ce que les économistes appellent les comptes de transfert, pouvant voiler la mauvaise gestion d’une division ou des filiales. Aussi faute de comptes physico-financiers à prix constants, les ratios de gestion sont d’une signification limitée pour apprécier la performance. Il en résulte l’urgence  de mettre en place des comptabilités analytiques et d’adapter les structures organisationnelles aux contraintes afin de définir la structure des responsabilités et de concevoir un système d’information efficace, fonctionnant sur le principe de réseaux. 

Parallèlement, un audit technologique et des moyens matériels (fixes et roulants) qui permettront de rentabiliser ce qui existe. Seuls les audits pourront tracer les actions concrètes à mener en envisageant soit d’internaliser l’activité, soit de l’externaliser avec une priorité au profit des cadres et travailleurs du secteur de certaines activités ou le partenariat afin d’éviter la dispersion, source de gaspillage des ressources.

2- L’objectif est donc d’évaluer le degré de compétitivité des outils, équipements et immobilisations utilisés dans le contexte d’évolution technologique international.

L’opération d’audit consistera à rassembler l’information sur les caractéristiques techniques, et les conditions de fonctionnement des équipements et de gestion des immobilisations, évaluer ses équipements et immobilisations corporelles et non corporelles, le niveau des stocks dormants, (objectif stock zéro), ces derniers donnant une comptabilité déconnectée de la réalité économique supposant de connaître le niveau d’automatisation, le niveau de performance, les besoins de maintenance non satisfaits, la pertinence des investissements réalisés et enfin la compétence du personnel utilisateur. Cela permettra d’analyser les forces et faiblesses technologiques des équipements, les alternatives stratégiques sur les programmes d’investissements, le besoin de formations techniques et d’acquisitions de savoir-faire et enfin le niveau de maîtrise de la gestion des moyens matériels et des stocks.

Ces analyses précédentes supposent un système d’information sous forme de réseaux, base de toute action concrète dont l’informatisation est la base sous réserve de banques de données fiables. L’objectif est d’optimiser les conditions de mise en œuvre des options stratégiques. Cela impliquera l’analyse et le test d’efficacité des structures et organigrammes existants, de leur compatibilité avec les contraintes existantes, l’évaluation des circuits et analyser les supports d’information de gestion afin de raccourcir les délais, source de surcoûts. Il y a urgence de centres de coûts transparents en temps réel et des nouvelles règles du droit des affaires (droit des sociétés). Cela passera nécessairement par la description des opérations suivantes : évaluation de la position financière : structure du bilan, charges (produits), de la reconstitution des centres de coûts pour l’exploitation, de l’évaluation des systèmes de gestion et de l’identification des centres de coût. La mise en place de ces instruments, devrait permettre une amélioration de la gestion des contrats et du développement du partenariat, des projections économiques et financières et enfin la simulation / modélisation, ces actions devant aider à la prise de décision au temps réel.

Il s’agira donc d’élaborer un modèle de simulation donnant plusieurs variantes en fonction des paramètres et variables –fonction de contraintes qu’il s’agira d’éliminer pour éviter des effets pervers, gérer étant prévoir surtout pour cette entreprise stratégique pour le pays. La démarche devra être de type itératif. Elle consistera à itérer les séquences en plusieurs étapes : fixer les objectifs d’amélioration des performances reliés à chaque fonction où à chaque système de gestion, selon une démarche descendante et en vérifier le réalisme ( ratios, contexte) ; – évaluer l’ordre de grandeur des impacts attendus (gains, qualité, délais, coût…) selon une démarche ascendante ; -évaluer les moyens et les délais nécessaires (ordre de grandeur) et enfin vérifier qu’à chaque objectif fixé peuvent être associés des indicateurs de performance faciles à mettre en œuvre.

Cette simulation permettra la mise en place de plusieurs scénarios des performances de Sonatrach tenant compte de l’évolution erratique tant du cours du dollar, de l’euro que du cours sur le marché international du pétrole et du gaz, permettant d’identifier chaque action, décrire le contenu, évaluer les moyens, les délais, les coûts associés à l’action, vérifier le niveau de gain attendu éventuel, rédiger une fiche descriptive de chaque action accompagné d’un tableau récapitulatif des moyens, coûts et gains attendus et enfin établir des indicateurs de performance à prévoir.

3- La mise en place de ces indicateurs de gestion, suppose de revoir la gestion de la ressource humaine facteur essentiel  pour l’efficacité du management de Sonatrach.

Car, pour avoir une appréciation objective, il faut analyser non pas la balance commerciale mais surtout la balance des paiements tenant compte des mouvements de capitaux dont les transferts de dividendes et de services car nous assistons à un déficit du service de la dette inquiétant. Ce poste a plus que triplé par rapport à 2002 passant d’une moyenne de 2 milliards de dollars à 10/11 milliards de dollars entre 2012/2019 concernant principalement les importations de services au titre des infrastructures publiques, et par des entreprises du secteur des hydrocarbures. L’objectif est-il d’évaluer et de rendre plus performantes les ressources humaines, par une formation permanente impliquant un audit mettant en relief nettement la typologie du personnel existant, l’adéquation de la formation aux besoins de Sonatrach, la disponibilité des compétences adéquates, les politiques de recrutement, l’évolution de la productivité du travail, les appréciations des mesures d’incitation et enfin l’évaluation du climat et de la culture d’entreprise (audit social et audit de la culture liés au renouveau du système d’information) dont la prise en compte – au profit des travailleurs – d’une gestion plus rationnelle des importantes sommes des œuvres sociales que consacre annuellement Sonatrach.

Bien manager les ressources humaines suppose que le planning des actions à mener, doit être synchronisé du fait de la complexité de l’opération et sous tendu par un dialogue permanent avec l’ensemble du collectif des travailleurs à tous les niveaux, impliquant l’ensemble des structures concernées qui doivent être parties prenantes des prises de décision afin de susciter l’adhésion de tous. C’est que la nouvelle gouvernance tant locale que le management stratégique des entreprises ne sauraient reposer sur le diktat mais impliquent de comprendre la sensibilité des femmes et hommes qui composent tant la société que de l’entreprise tenant compte de la morphologie de la société suite aux travaux des prix Nobel de sciences économiques Amyra Sen dans son apport sur l’anthropologie économique et Elinor Ostrom et d’Olivier Williamson pour “leurs apports à l’analyse de l’efficacité des institutions et à la gouvernance de l’entreprise”, analyse qui approfondit celle du fondateur de la Nouvelle Economie Institutionnelle de  Douglass North, qui ont démontré que les institutions influent sur  les organisations et la société, constituant un des facteurs déterminants de la croissance économique de long terme, le terme d’institution désignant “les règles formelles et informelles qui régissent les règles du jeu” qui façonnent les comportements humains dans une société. Parce qu’il est coûteux de coopérer sur le marché, il est souvent plus économique de coopérer au sein d’une organisation, introduisant l’importance du “capital social” comme ciment de la coopération.

En conclusion, sans rappeler les propos déconnectés de la dure réalité de certains responsables de la maîtrise de l’inflation et de la cotation du dinar qui ont fait la risée  de toute la population algérienne et de la presse nationale/internationale; il faut être réaliste Sonatrach en ce mois d’avril 2021, sur le plan économique c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach, contribuant aux importations, donc des besoins des ménages  des  entreprises publiques et privées (les exportations hors hydrocarbures étant marginales voir notre interview quotidien El Khabar du 22/04/2021) , à la : dépense publique,au  taux de croissance, indirectement au taux d’emplois, aux réserves de change et même au poids de la diplomatie algérienne. 

Pour préparer l’après hydrocarbures, il y a urgence d’une nouvelle politique énergétique  qui est du seul ressort, selon la loi, du Conseil National d’Energie , les  ministères et leurs annexes étant chargés de l’exécution opérationnelle dans la transparence et la coopération La stratégie hors hydrocarbures demande du temps, devant raisonner toujours en dynamique. Pour les PMI/PME, si le projet est lancé en 2021, sa rentabilité est pour 2024/2025 ; Pour les projets hautement capitalistiques comme le fer de Gara Djebilet, si l’on résout le problème du partenaire et du financement très élevé, n’étant encore qu’en intention avec les chinois, pas avant 2027/2028. 

Toutes les études au niveau international et celles du ministère de l’énergie montrent qu’il sera impossible de maintenir le rythme d’exportation pétrole/gaz horizon 2030, la consommation intérieure dépassant largement les exportations actuelles,  sans une nouvelle politique des carburants ( voir étude réalisé sous ma direction sur une nouvelle politique de l’énergie assisté des cadres de Sonatrach et du bureau d‘études américain Ernest Young 2008). Cela renvoie  aux subventions généralisées au niveau de l’énergie source de gaspillage parce non ciblées  et de l’urgence de la transition  énergétique fondée sur les énergies renouvelables, pouvant  entre 2021/2025  combiner le  solaire  et le  gaz pour réduire les couts) afin de s’adapter aux nouvelles mutations énergétiques mondiales qui devraient aboutir à une nouvelle reconfiguration du pouvoir énergétique mondial entre 2025/2030. 

L’Algérie doit pour cela avoir une cohérence dans sa démarche, plusieurs institutions se télescopant,  pour le dossier stratégique de la transition énergétique. L’avenir énergétique sera fondé sur l’hydrogène, supposant un niveau de compétences très élevé,  mais pas avant 2030/2035, selon les laboratoires spécialisés allemands dont les études opérationnelles sont à un stade avancé. Dans ce cadre,  Sonatrach  devra faire face aux mutations mondiales impliquant des changements profonds dans son  mode de fonctionnement en vue d’évoluer dans un environnement international de plus en plus concurrentiel. La sécurité du pays étant posée, le nouveau management de Sonatrach, inséparable de la gouvernance globale, suppose  un réaménagement de la logique du pouvoir, loin des aléas de la rente.

Abderrahmane Mebtoul expert international docteur d’Etat  (1974) – professeur des universités directeur d’études Ministère Energie/Sonatrach 1974/2015.

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