Adoptée récemment par les deux chambres parlementaires, la nouvelle loi sur l’information renforce l’encadrement du travail des journalistes en Algérie, avec de nouvelles restrictions et sanctions en cas d’infractions.
Parmi les principales dispositions de cette nouvelle loi, une interdiction aux médias algériens de bénéficier de tout « financement » ou « aide matérielle directe et indirecte de toute partie étrangère » sous peine de « sanctions pénales prévues par la loi ».
La question du financement des médias a toujours constitué le meilleur levier pour les pouvoirs publics pour contrôler les médias et, le cas échéant, étouffer tous ceux dont on aura jugé qu’ils ont dépassé les limites fixées pour la presse en Algérie. Le financement publicitaire à travers l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP), qui gère l’essentiel des budgets publicitaires de l’État est, dans cet esprit, l’un des principaux outils qui se révèlent comme obstacles à la liberté de la presse en Algérie.
Les médias indépendants ont souvent du mal à obtenir des contrats publicitaires de l’ANEP, ce qui les rend dépendants de financements privés ou des abonnements, sources de financement des plus précaires. Les médias qui se hasardent à critiquer le gouvernement ou la gestion des entreprises publiques sont souvent exclus de la publicité de l’Etat. L’ANEP a le pouvoir de réduire ou de supprimer les budgets publicitaires à tout média qui ne montre pas patte blanche ou remet en question la politique gouvernementale.
L’argument du financement étranger
En 2020, l’ancien ministre de la Communication, Ammar Belhimer, avait suscité une vive controverse en déclarant que plusieurs médias algériens recevaient des financements de l’étranger pour servir des intérêts étrangers plutôt que nationaux. Il avait également accusé certains médias d’être des « mercenaires de la plume », agissant comme des agents étrangers pour influencer la politique algérienne.
Radio M et Maghreb Emergent, rares médias critiques sur la scène médiatique nationale, ont fait les frais de ces accusations. Ils ont ainsi fini par être censurés et leur directeur de publication, Ihasane El Kadi, emprisonné fin décembre dernier.
La déclaration de l’ancien ministre avait été largement interprétée comme une attaque contre les médias indépendants et avait été critiquée par plusieurs organisations de défense de la liberté de la presse, lesquelles ont dénoncé une tentative de restreindre la liberté éditoriale en Algérie.
Les médias indépendants ont rejeté les accusations de Belhimer, assurant qu’ils dépendaient principalement de sources de financement nationales, telles que les abonnements et les ventes de publicités, et qu’ils agissaient dans l’intérêt du public national et non pour le compte de forces étrangères.
Mais l’accusation du financement étranger est souvent brandie par le pouvoir en place pour stigmatiser toute solidarité des organismes étrangers avec les promoteurs de la liberté de la presse en Algérie. Une manière d’accréditer la fameuse thèse de « la main étrangère », qui a toujours eu son effet sur l’opinion public national.
Bien que la presse privée ait été autorisée à émerger en Algérie depuis la fin des années 1980, son accomplissement s’est heurté à un cadre juridique contraignant et au monopole de l’ANEP sur la publicité dont la loi est mise sous le boisseau depuis le début des années 2000. Sans la levée du monopole et avec les nouvelles dispositions, l’asphyxie financière guette de nombreux médias.